Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 8 février 2023 à 21h30
Avenir de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes frontex — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février 2022, l’ONU a alerté l’Union européenne sur la « normalisation » du refoulement illégal des réfugiés à nos frontières.

De plus, le rapport de l’organisation Human Rights Watch est accablant à l’égard de l’agence européenne Frontex. La surveillance aérienne qu’elle exerce permet en effet aux garde-côtes libyens d’intercepter des bateaux de migrants. Ces derniers sont renvoyés de force en Libye, où ils sont confrontés à la violence, à des abus, à l’esclavage et à la torture.

Ces faits sont directement imputés à Frontex, qui devient alors complice d’actes inhumains.

Par ailleurs, le rapport de l’Office européen de lutte antifraude dénonce des actes similaires impliquant des agents de Frontex en Albanie et à la frontière entre la Grèce et la Turquie.

Nous ne pouvons ni fermer les yeux sur ces révélations, étayées par des preuves, ni faire comme si notre soutien à Frontex devait primer le respect de nos principes fondamentaux.

Je ne partage pas vraiment l’avis des rapporteurs, selon lesquels la mission première de Frontex serait de garantir le contrôle efficace des frontières extérieures de l’Union européenne afin de lutter contre l’immigration clandestine. Le respect des droits de l’homme doit dépasser toute considération idéologique pour devenir la boussole de nos actions.

Les tragédies se succèdent : d’abord, à Lampedusa, en 2013 ; puis lors des naufrages de plus de 800 migrants en 2015 ou encore de quelque 27 migrants dans la Manche l’année dernière ; enfin, en mer Méditerranée, où sont morts une trentaine de migrants depuis le début de l’année.

Nous devons prendre toute la mesure de la gravité de l’échec de Frontex dans l’accomplissement de ses missions. D’après les chiffres de l’Agence européenne, près de 330 000 entrées irrégulières ont été enregistrées en 2022 en Europe.

Le système en place est incapable de répondre à la problématique migratoire qui traverse l’Europe. Environ 10 % de ces entrées irrégulières sont le fait de femmes et près de 9 % de mineurs. Je les ai rencontrés au campement de la porte d’Ivry, où quelque 400 adolescents sont livrés à eux-mêmes dans des tentes d’infortune. Les exemples sont nombreux : ces situations sont-elles véritablement dignes de la France ?

L’Union européenne souhaite placer la politique migratoire au sommet de ses priorités. Il est urgent de réformer Frontex : sa mission de contrôle doit être indissociable de sa mission de protection des droits fondamentaux.

La Grèce, la Pologne, la Bulgarie, quant à elles, réclament le financement européen d’un mur anti-migrants et de barbelés le long de leurs frontières.

L’échéance des élections européennes arrive à grands pas. Hélas, sans un système d’asile et de migration harmonisé et fort, je crains qu’une nouvelle poussée des extrêmes ne surgisse lors des résultats du suffrage. Je voterai contre ce texte.

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