Intervention de Charles Gautier

Réunion du 3 décembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Sécurité

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

Ils vous disent régulièrement le malaise qu’ils ressentent au quotidien. Ils nous alertent nous aussi, parlementaires !

Les policiers en ont assez de la politique du chiffre – ils parlent d’ailleurs de « bâtonite » ! Cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était aussi grave. De plus en plus de fonctionnaires s’interrogent sur leur utilité sociale et sur la manière dont on leur demande d’accomplir leurs missions. Ils déplorent la logique de production imposée depuis sept ans, qui laisse très peu de temps à l’investigation, creuse le fossé avec la population et finit même par saper l’efficacité des services de police. En 2010, les policiers devront continuer à faire toujours plus avec moins d’effectifs, pour gagner la même chose, contrairement à ce qui avait été promis…

La situation est alarmante. Cette année encore, le projet de budget qui nous est soumis nie, dans sa présentation, l’existence du Parlement. En effet, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est censé encadrer les moyens alloués à la sécurité intérieure pour la période 2009-2013. Or ce texte n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 27 mai dernier et, qui pis est, il n’a même pas encore été inscrit à l’ordre du jour ! Nous devons donc nous prononcer sur la deuxième année d’exercice d’un projet de loi qui n’a pas encore été adopté par le Parlement ! Cette absurdité est assez révélatrice de la façon dont le Gouvernement considère les travaux des parlementaires !

Cette année encore, le Gouvernement se repose sur la bonne volonté des maires des communes les plus défavorisées, qui doivent faire face au quotidien aux violences. Les élus locaux sont de plus en plus seuls face aux citoyens qui les sollicitent sur ces questions. Les maires sont les pivots des politiques de prévention de la délinquance, et vous avez renforcé leur rôle en la matière. Lorsqu’ils constatent que les effectifs de police sont insuffisants, ils créent une police municipale !

À cet égard, les chiffres sont éloquents : en 2008, les forces de l’ordre ont perdu 6 000 agents ; dans le même temps, les communes se sont dotées de 6 000 agents affectés à la sécurité publique… Vous pouvez bien vous féliciter de la meilleure répartition des effectifs sur le territoire : dans les faits, ce sont les municipalités qui subissent les baisses d’effectifs qui sont obligées de pallier les carences de l’État. En cette période de réforme des collectivités territoriales, ces chiffres sont tout à fait frappants !

Et c’est aussi vrai pour la vidéosurveillance ! Les élus répondent à la pression du Gouvernement, qui présente la vidéosurveillance comme l’outil magique en matière de sécurité. Ils se dotent donc de tels systèmes, mais qui les finance ? Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, va encore servir à 80 %, comme l’année passée, à financer ces installations, bien qu’il ait été créé à d’autres fins, désormais négligées ! Mais qui financera l’entretien du matériel ? Qui financera les emplois qui doivent nécessairement accompagner la mise en place de la vidéosurveillance ? Là encore, les collectivités locales financent des politiques essentielles pour les citoyens, mais dont l’État se désengage presque totalement !

Le Gouvernement continue d’annoncer la multiplication du nombre de caméras de vidéosurveillance, le Président de la République s’étant exprimé en ces termes le 24 novembre dernier : « Le ministre de l’intérieur a prévu, et je le soutiens totalement, […] que si un maire refuse l’installation de vidéosurveillance sur son territoire, le préfet puisse se substituer à ce maire. »

La question n’est plus, aujourd’hui, de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance, mais de savoir comment nous la mettons en œuvre en France.

Plusieurs études montrent que c’est non pas le nombre de caméras qui assure son efficacité, mais l’intelligence des systèmes mis en place.

Le rapport d’information que M. Courtois et moi-même avons rédigé démontre aussi que l’encadrement juridique actuel de la vidéosurveillance est totalement désuet. Il est donc urgent, avant de pousser les élus locaux à se doter de systèmes de vidéosurveillance, de réformer les textes afin de garantir tous les droits de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, notre groupe est en désaccord avec vos orientations politiques en matière de sécurité et votera donc contre les crédits de la mission « Sécurité ».

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