Intervention de François Bonhomme

Réunion du 21 mars 2023 à 21h30
Fusion des filières rep d'emballages ménagers et de papier — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, les auteurs de cette proposition de loi, comme cela a été indiqué, se fixent deux objectifs : d’une part, l’organisation de la fusion des filières REP papier, comprenant les producteurs de papier graphique, et REP emballages ménagers, d’autre part, un soutien indirect au secteur de la presse en prolongeant pour celui-ci la possibilité de payer son écocontribution non en numéraire, mais en nature, par la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.

Concernant la fusion des deux filières REP, les parlementaires à l’initiative de la proposition de loi estiment qu’elle s’inscrit dans la logique de collecte simplifiée des déchets introduite par la loi Agec du 10 février 2020. Il n’y aurait désormais plus qu’une seule filière pour un seul bac jaune puisque tous les papiers graphiques et les emballages en carton ou en papier seraient collectés, triés et recyclés de manière commune.

Naturellement, ce dispositif de fusion peut paraître séduisant sur le papier. Pourtant, il n’a été réclamé par aucun acteur de l’une des deux filières, ni par les éco-organismes, ni par les collectivités, ni même par l’industrie papetière. Il a aussi été critiqué par de nombreuses associations d’élus qui considèrent qu’il représente une atteinte, voire une menace à la mise en place par les collectivités de la filière REP.

Cette crainte porte sur une nouvelle hausse des coûts supportés par les collectivités et sur un manque de contrôle du respect des objectifs environnementaux de ces filières. En effet, la fusion risque d’entraîner une baisse de la participation à la prise en charge des frais fixes spécifiques à la filière papier. Dans le contexte actuel d’explosion des coûts du service public de gestion des déchets, de la hausse future de la TGAP ou encore des coûts de l’énergie, les acteurs mettent en garde contre une nouvelle remise en cause des soutiens perçus par les collectivités pour les investissements qu’elles ont dû consentir afin d’améliorer, notamment, le tri spécifique des déchets de la filière papier.

Dès lors, cela risque d’entraîner un alourdissement des charges financières des collectivités puisqu’elles devront continuer à couvrir des frais fixes. Le contribuable devra-t-il payer, à la fin de la chaîne, l’addition ? Pour leur part, les élus, notamment communaux, s’inquiètent du risque de déstabilisation de l’organisation des éco-organismes et de la future disparition de la filière papier, entraînant de nouvelles pertes.

La fusion des deux filières soulève aussi des questions concernant le suivi des objectifs environnementaux : ils ne sont pas identiques de chaque côté et accusent déjà du retard. Est-il opportun de créer de l’incertitude en opérant cette fusion alors que de nouveaux objectifs ne sont pas clairement définis ?

Le dernier point qui nous interroge concerne la faisabilité rapide de la fusion. Cette dernière devrait intervenir en 2024 avec, d’ici là, la publication d’un nouveau cahier des charges et le déploiement de la procédure d’agrément des acteurs autorisés à intervenir dans la nouvelle REP. Pour l’instant, seul l’un d’entre eux, en l’occurrence Citeo, bénéficie en 2023 de l’agrément pour les emballages ménagers et le papier.

Concernant la prolongation de l’exemption de participation à la filière REP emballages ménagers et REP papier accordée à la presse, je rappelle que, depuis le 1er janvier 2019, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des produits manufacturés non recyclables est soumise à une écocontribution.

Comme tous les autres écocontributeurs, la presse devait ainsi participer au financement de la collecte, du tri et du recyclage. Compte tenu de la fragilité, invoquée ici et là, du modèle économique de la presse papier, il avait été décidé à l’époque que les éditeurs concernés pourraient bénéficier d’un régime spécifique. Ainsi, il leur serait possible de choisir de régler leur écocontribution en numéraire ou bien en nature, c’est-à-dire sous forme d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.

Or la loi Agec tendait, à partir du 1er janvier 2023, à la suppression de ce régime particulier et à un alignement du mode d’écocontribution sur les autres secteurs. La crise de la presse, qui n’en finit pas, n’est pas une surprise : chaque année, depuis vingt ans, nous en parlons ici et là, du fait de la conjonction de la perte continue et générale de lecteurs et de l’augmentation réelle des coûts du papier, de la distribution, du transport et de la fabrication.

Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de loi envisagent à l’article 2 de proroger la date de la fin de cette exonération de contribution financière. En échange, ils prévoient que l’État et le secteur de la presse signent une convention de partenariat.

Dans ce cadre, les collectivités territoriales devront être consultées, ce qui semble pour le moins être le minimum étant donné qu’elles supportent les frais financiers liés aux investissements REP.

Pourtant, cette nouvelle esquive visant à éviter que l’écocontribution concerne la presse interroge.

Est-il sain qu’un secteur fasse l’objet d’un dispositif d’exemption dans le champ d’application des REP ? Cela tend à déresponsabiliser les éditeurs de presse quant au financement de la collecte provoquée par leurs activités.

N’est-ce pas aussi un mauvais signal envoyé à diverses autres filières ? En effet, bien d’autres secteurs d’activité subissent la crise ; je pense notamment au BTP, dont l’activité est menacée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Dès lors, chaque filière pourrait, à bon droit, demander un examen de sa situation particulière au regard de sa part de financement au titre de la REP.

Voilà ce qu’il en est des réserves que je pourrais émettre. Elles me poussent, en dépit du travail minutieux de notre rapporteure, à ne pas pouvoir voter, en l’état, ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion