Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur ce projet de loi, dit Nouveau nucléaire, est parvenue à un accord.
Je me réjouis de la reprise de la plupart des apports sénatoriaux. Notre commission des affaires économiques avait en effet souhaité compléter le texte selon quatre axes.
Premièrement, elle a estimé indispensable d’actualiser la planification énergétique.
C’est pourquoi le Sénat, à l’article 1er A, a entendu abroger les trois verrous à la relance du nucléaire issus de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : l’objectif de réduction à 50 % de la part de l’énergie nucléaire ; le plafond de 63, 2 gigawatts empêchant les autorisations ; la trajectoire de fermeture des quatorze réacteurs inscrite dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
C’est aussi le Sénat qui a introduit dans le texte, à l’article 1er B, de nouveaux objectifs en matière de recherche, d’innovation et d’hydrogène nucléaires.
C’est toujours le Sénat qui a voulu préciser, à l’article 1er C, que la relance du nucléaire figurerait dans la prochaine loi quinquennale de programmation de l’énergie. Celle-ci devra fixer un objectif clair de construction de réacteurs EPR 2 et de petits réacteurs modulaires, ou SMR, et en déterminer les moyens.
Pour garantir la neutralité technologique, à l’article 1er, nous avons obtenu que les SMR bénéficient des mesures de simplification et que les autres technologies, parmi lesquelles on peut citer les électrolyseurs d’hydrogène, fassent l’objet d’une clause de revoyure, dans un délai de cinq ans. Pour renforcer le contrôle parlementaire, nous avons prévu que le Gouvernement rende des comptes devant le Parlement dans un délai d’un an, puis tous les quatre ans.
Deuxièmement, notre commission a voulu renforcer la sûreté et la sécurité nucléaires.
Ainsi, à l’article 9 bis, nous avons intégré la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, au stade de l’autorisation comme à celui du réexamen. Nous avons aussi fait figurer la cyber-résilience dans la protection des réacteurs contre les actes de malveillance. C’est une première, et c’est crucial !
À l’article 4, nous avons précisé que les travaux pouvant être anticipés par l’exploitant seront définis par décret après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je tiens à remercier ici Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, d’avoir défendu cette idée à mes côtés.
À l’article 9, nous avons prévu la remise par l’exploitant d’un rapport quinquennal sur la sûreté, dans le cadre du réexamen. Refusant une réorganisation mal évaluée et mal anticipée de l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), que le Sénat n’avait pas pu examiner, nous avons supprimé les références à une éventuelle réorganisation, qui figuraient aux articles 9 A, 11 bis et 11 ter. Madame la ministre, laissons-nous le temps de l’expertise sur ce sujet majeur !
En parallèle, nous avons consolidé les attributions et le fonctionnement de la commission des sanctions de l’ASN, aux articles 11, 11 bis et 15.
Enfin, nous avons alourdi et complété les peines en cas d’intrusion dans des centrales nucléaires, à l’article 13.
Troisièmement, notre commission a entendu associer aux procédures les collectivités territoriales et le public.
Soucieux du principe de participation du public, nous avons interdit la construction de nouveaux réacteurs avant l’achèvement du débat public ou de la concertation préalable, à l’article 2.
Attachés à la protection des compétences et des finances locales, nous avons obtenu l’exemption des réacteurs du « zéro artificialisation nette » (ZAN) tel qu’il s’impose aux collectivités territoriales, ainsi que le recueil des observations de ces dernières sur l’évolution de leurs documents d’urbanisme, aux articles 2 et 3.
Dans le même esprit, nous avons garanti à ces mêmes collectivités territoriales le bénéfice de la taxe d’aménagement, à l’article 3.
Dernier axe, notre commission a souhaité renforcer la sécurité juridique.
Nous avons ainsi mieux défini les procédures, notamment en matière d’urbanisme ou d’expropriation, aux articles 2, 3 et 7. Nous avons aussi entendu compléter ces procédures, en proposant une régularisation de l’instance, à l’article 7 bis, de manière à accélérer le règlement des contentieux sur les nouveaux réacteurs, et en introduisant une clause de revoyure, à l’article 5, pour encourager l’enfouissement des infrastructures du réseau de transport d’électricité.
Au total, notre commission a entendu porter une vision résolument moderne de l’énergie nucléaire, plus complexe et plus actuelle, et intégrant pleinement les risques climatiques et numériques, qui sont les enjeux du siècle.
Ce faisant, elle a offert un aboutissement législatif, très concret et très complet, aux recommandations de sa mission d’information sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone, du mois de juillet dernier, mission transpartisane que j’ai conduite avec Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau.
Je voudrais à cette occasion remercier ma collègue rapporteure de l’Assemblée nationale Maud Bregeon du travail accompli et les concertations que nous avons eues ensemble pour arriver à ce compromis. Je remercie aussi Mme la présidente de notre commission, ainsi que tous ses membres, qui ont accompli un travail formidable, et que les administrateurs qui nous ont apporté leur concours.
En conclusion, je vous invite à adopter aujourd’hui ce texte de compromis et je forme le vœu que le prochain projet de loi de programmation quinquennale de l’énergie, qui doit être présenté d’ici à la mi-2023, acte véritablement la relance du nucléaire. J’espère profondément, madame la ministre, que nous disposerons ainsi d’une réelle stratégie énergétique pour notre pays.