Intervention de Christian Bilhac

Réunion du 2 mai 2023 à 14h30
Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Christian BilhacChristian Bilhac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2018 éclatait le scandale des CumEx Files, révélé par un consortium international de journalistes lanceurs d’alerte. Comme cela a été dit, cette technique d’évasion fiscale frauduleuse consiste, pour les détenteurs d’actions, à détourner la fiscalité sur leurs dividendes.

Dans le cas des CumEx, ils procèdent à l’échange d’actions, avec des banques complices, avant la date du versement des dividendes, rendant la tâche d’identifier le propriétaire des actions redevable de la taxe difficile, voire impossible pour le fisc ; il est même arrivé que le Trésor public rembourse des trop-perçus imaginaires…

La pratique des CumCum s’appuie, quant à elle, sur les différences de fiscalité entre pays. Des banques européennes ont ainsi aidé leurs clients à échapper à cette taxe sur les dividendes, avec une perte évaluée, en 2018, à 55 milliards d’euros, pour onze États européens.

De nouveaux calculs estiment plutôt à 140 milliards d’euros le montant de ce braquage fiscal à l’échelle mondiale, dont 33 milliards d’euros envolés pour le fisc français sur les vingt dernières années.

En France, il y a un mois, le parquet national financier a conduit la plus vaste opération jamais menée, perquisitionnant cinq banques soupçonnées de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée, pour complicité d’évasion fiscale visant à échapper à la taxe sur les dividendes sur leurs actions placées dans des entreprises françaises.

Pour mener cette opération, le PNF a mobilisé 16 de ses 19 magistrats, 150 enquêteurs sur les 250 que compte le SEJF de Bercy et a été aidé par six procureurs allemands.

En concluant un accord avec le fisc et en s’acquittant de 35 millions d’euros d’arriérés d’impôts et d’amende, une seule banque a reconnu les faits et accepté un redressement fiscal, échappant ainsi à des perquisitions et des poursuites pénales.

Les autres encourent 1 milliard d’euros de redressement fiscal, assortis d’amendes pénales pouvant aller jusqu’à 50 % de l’impôt dû.

Le groupe CRCE, que je remercie pour l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, nous donne l’occasion de rappeler qu’un amendement du Sénat avait été rejeté en 2018 par l’Assemblée nationale et que les recommandations de la mission d’information du Sénat, publiées en 2022, n’ont pas non plus été entendues, malgré des pistes pertinentes comme la production de données sur la fraude fiscale pour le budget de 2024, le doublement du nombre d’officiers fiscaux judiciaires – qui sont 40 aujourd’hui –, la révision des « conventions fiscales internationales prévoyant un taux de retenue à la source nul sur les dividendes », etc.

Monsieur le ministre, vous avez mis en place un groupe de travail, dont je suis membre, pour préparer un plan de lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale qui rendra ses conclusions très prochainement. Je ne doute pas que vous tiendrez compte de notre débat.

Renforcer l’arsenal de l’État, y compris en passant par la loi, est essentiel pour combattre les nouvelles formes de fraude fiscale, avec de nouveaux outils. Il faut aussi des mots justes, et vous les avez employés, monsieur le ministre : ces pratiques sont frauduleuses et la haute finance joue sur la frontière étroite entre optimisation fiscale légale et évasion fiscale frauduleuse. Il ne peut y avoir de double langage face à une fraude qui prive l’État des moyens d’agir pour l’intérêt général.

Les progrès du data mining et des algorithmes sont encourageants, mais le recrutement et la formation de personnes compétentes en nombre suffisant sont primordiaux. Investir des moyens de grande ampleur pour récupérer les milliards d’euros de l’évasion fiscale aux dividendes serait très utile, pour reprendre l’exemple avancé par notre collègue Bocquet, pour financer les retraites des Français, mais aussi pour redresser nos finances publiques à l’heure où la note de la France vient d’être abaissée par l’agence Fitch.

En matière de fraude fiscale, le filet antifraude doit être à la fois à fine maille et solide, non pas comme la toile d’araignée, qui, comme chacun le sait, capture les moucherons, mais laisse passer les bourdons.

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