Intervention de Jean-Pierre Corbisez

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre CorbisezJean-Pierre Corbisez :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat commet une erreur administrative en me donnant la parole en dernier : cette place aurait dû revenir à Valérie Létard.

J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à cette tribune, mais il est bon de le rappeler, n'en déplaise à ceux qui questionnent encore l'utilité du Sénat, la proposition de loi dont nous achevons l'examen aujourd'hui est l'illustration parfaite et tangible du rôle qui est le nôtre : être un contrepoids à l'Assemblée nationale et à la majorité gouvernementale et agir pour un rééquilibrage des politiques ou des dispositifs décidés par l'État au profit des collectivités locales.

Le ZAN, quand bien même nous partageons sa philosophie et son objectif de préservation de notre environnement, a été imposé sans réelle concertation avec les premiers concernés : les élus locaux. Les modalités de sa mise en œuvre initialement prévues par le Gouvernement les ont inquiétés, voire crispés.

Le Sénat s'en est saisi pour corriger le tir et faire en sorte de tenir compte de la spécificité des territoires, inéquitablement concernés. Remercions nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc d'avoir pris cette initiative et saluons le travail transpartisan réalisé par notre assemblée sur ce texte.

Pour le reste, nous le savons tous, le bicamérisme est l'art du compromis.

Nous l'avons pratiqué, à titre principal, avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Le texte issu de la commission mixte paritaire préserve ainsi certains apports de notre Haute Assemblée.

Nous l'avons également exercé avec le Gouvernement, nos débats présentant la particularité d'avoir amené M. le ministre à proposer aux sénateurs de retirer certaines dispositions du texte pour les traiter par voie réglementaire. Cette demande s'est accompagnée de la promesse de les associer très étroitement, ainsi que les organisations d'élus, à l'élaboration des décrets. Nous resterons donc les vigies de nos élus locaux.

Le compromis, c'est aussi la confiance, et nos collègues ont accepté de transiger avec le Gouvernement à ce sujet ; pour certains articles, les choses semblent acquises puisque M. le ministre s'est engagé – en direct par téléphone pendant la réunion de la commission mixte paritaire ! – à reprendre in extenso les articles retirés du texte.

D'autres éléments pourraient s'avérer plus complexes à appréhender dans la sérénité, à l'image des questions comme la non-prescriptivité du Sraddet ou l'élaboration de la nomenclature des surfaces considérées comme artificialisées ou non, un élément essentiel qui focalise l'attention des élus locaux.

L'avenir nous dira s'il était opportun de faire ce pari de la confiance.

Sur le fond du texte qui nous est soumis aujourd'hui, nous nous devons de saluer la préservation de certains acquis auxquels le Sénat n'entendait pas renoncer : l'hectare communal, l'allongement du délai de mise en conformité des documents d'urbanisme, l'équilibre dans la composition de la conférence du ZAN, avec une juste présence de l'ensemble des niveaux de collectivité, la mutualisation interrégionale de l'artificialisation induite par les grands projets et leur sortie du décompte au-delà des 10 000 hectares – même si nous étions nombreux à souhaiter leur sortie totale du dispositif –, enfin, la suppression de la condition de densité pour la garantie communale, condition sine qua non de l'acceptabilité du dispositif par les maires des petites communes.

Nous pouvons également nous féliciter des outils concrets que le texte mobilise pour permettre aux élus d'être accompagnés dans l'atteinte des objectifs de la loi Climat et résilience : comptabilisation en net de l'artificialisation dès la première période décennale, droit de préemption urbain élargi, notamment aux fins de renaturation, sursis à statuer lorsqu'un projet pourrait mettre en péril l'atteinte des objectifs de réduction de l'artificialisation à l'horizon 2031 et décret spécifique pour les bâtiments agricoles.

Restent néanmoins quelques regrets. Nous n'avons pas pu répondre entièrement aux attentes des maires concernant la détermination des périmètres de densification ; la prise en compte du recul du trait de côte ou encore le traitement des dents creuses et des friches ne sont pas satisfaisants.

À titre individuel, pour avoir été interpellé par de nombreux maires, je me félicite malgré tout du travail conduit et du résultat obtenu au terme de ce parcours législatif. Le Sénat a été à la hauteur de ses missions ainsi que de son rôle de représentation des collectivités et de défense de leurs intérêts.

Notre groupe soutiendra donc ce texte.

Je conclurai par un message particulièrement destiné à Mme la présidente de cette mission. Plus jeune maire d'une ville de plus de 10 000 habitants du Nord-Pas-de-Calais, je vous ai accueillie dans ma commune en 1995 ; vous étiez alors secrétaire d'État, chargée de la solidarité.

Plus tard, nous avons travaillé de concert sous votre présidence au sein de la commission de l'aménagement du territoire du conseil régional ainsi que de l'établissement public foncier (EPF). Nous avons partagé la même passion pour l'aménagement du territoire au sein de l'aire métropolitaine de Lille ; ensemble, nous avons œuvré pour le renouveau du bassin minier et nous avons accueilli Bernard Cazeneuve à ce sujet, dans ma commune.

Vous retrouver ici en 2017, toujours pour débattre de l'aménagement du territoire, du canal Seine-Nord Europe, du logement minier, a été un véritable bonheur.

Aujourd'hui, vous nous quittez. Comme le chante Alain Barrière, « Tu t'en vas ». Ne restez pas trop loin, ma chère Valérie, nous aurons encore besoin, j'aurai encore besoin, de votre œil avisé ! §

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