Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Vote sur l'ensemble

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'adoption, à l'unanimité dans chaque chambre, de ce projet de loi-cadre relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 marque l'attachement de la représentation nationale, et donc du Sénat, à la question des restitutions.

Le rapport d'information réalisé voilà dix ans par notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, atteste de l'attention portée de longue date par le Sénat à cette question. Notre chambre a depuis constamment travaillé à améliorer les conditions de restitution des biens culturels.

Cette loi-cadre était attendue, près de quatre-vingts ans après la Seconde Guerre mondiale et près de trente ans après le discours du Vel d'Hiv, durant lequel le président Chirac a reconnu la complicité de la France dans la déportation des Juifs de France.

Les vérités énoncées ce jour-là par le Président se retrouvent dans les formulations auxquelles nous avons abouti dans ce texte.

Les spoliations des Juifs de France participaient de l'horreur du génocide. À la volonté d'effacer les individus, le pillage des biens culturels ajoutait la volonté d'effacer leur héritage et leur histoire.

Au moins 100 000 œuvres ou objets d'art ont été spoliés aux seuls Juifs de France. Si beaucoup ont été restitués juste après la guerre, d'autres n'ont encore pas retrouvé leur propriétaire légitime.

Certains de ces biens culturels se retrouvent aujourd'hui dans nos collections nationales. Le régime d'inaliénabilité, qui impose de passer par des lois, au cas par cas, pour autoriser le déclassement d'œuvres du domaine public, s'avère extrêmement contraignant pour ce type d'opération pourtant consensuelle.

Réparation impossible, restitution nécessaire : tel est, en résumé, l'état d'esprit avec lequel nous avons abordé ce texte et le sens des amendements dont nous avons voulu l'enrichir.

Dans certains cas, nos échanges ont permis de constater que des progrès avaient été accomplis depuis les travaux de Corinne Bouchoux. Les difficultés d'accès aux archives ont disparu mécaniquement, à l'issue de la période protégeant les documents classifiés.

L'introduction, par l'Assemblée nationale, de la mission de soutien de l'État aux collections publiques facilitera la tâche des collectivités territoriales conduisant ces restitutions.

Nous regrettons que d'autres mesures ne figurent pas dans le texte.

Nous avions proposé de renforcer les obligations des collections privées, qui sont simplement encouragées à entreprendre ce travail de restitution. Les collections qui ont reçu l'appellation « musée de France » et qui bénéficient à ce titre de subventions publiques ou de dispositions fiscales avantageuses auraient pu être soumises aux mêmes exigences que les collections publiques.

Nous voterons bien évidemment ce texte, adopté à l'unanimité en commission mixte paritaire. Cette opération « musées propres » ne saurait toutefois clôturer notre travail de mémoire ni nous dispenser d'affronter des questions plus douloureuses, et pour longtemps encore. En tout état de cause, ce texte contribue à ce travail de longue haleine.

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