Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 29 octobre 2009 à 15h00
Recherches sur la personne — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous savons tous aujourd’hui combien la recherche biomédicale est importante. Elle est non seulement nécessaire face à l’apparition de nouvelles maladies et à la persistance des maladies incurables, mais également essentielle pour l’amélioration des techniques d’exploration et de soins.

Afin de tenir compte des avancées de la science et de leurs enjeux pour la société, la loi de bioéthique est régulièrement révisée. Dans le souci du respect des valeurs de notre société, elle cherche à répondre le mieux possible aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, ainsi qu’à garantir le respect de la dignité humaine et la protection des personnes les plus vulnérables contre toute forme d’exploitation.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, même si elle comporte certaines avancées, nous conduit donc à nous poser quelques questions.

Comme mes collègues, je m’interroge : pourquoi ces dispositions prennent-elles la forme d’une proposition de loi alors qu’elles auraient pu avoir leur place dans la prochaine révision de la loi de bioéthique ?

Était-ce une manière d’éviter un passage devant le Conseil d’État ou l’élaboration d’une étude d’impact ?

Lors des derniers états généraux de la bioéthique, une question fondamentale était au cœur des réflexions : comment permettre à notre pays d’être à la pointe des sciences et techniques biomédicales tout en faisant prévaloir une conception du progrès au service de l’humain, guidée et confortée par des principes éthiques clairement définis ?

Ce sont peut-être ces mêmes principes à vocation universelle qui ont permis l’adoption, lors de la conférence générale de l’UNESCO au mois d’octobre 2005, de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la bioéthique, les États membres, et avec eux la communauté internationale, se sont engagés à respecter et à appliquer les principes fondamentaux de la bioéthique énoncés dans un seul et même texte. Partout, les êtres humains doivent pouvoir bénéficier des progrès de la science et de la technologie, dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est donc primordial de protéger les personnes.

Mais nul n’est dupe ! L’intérêt du malade et les préoccupations plus égoïstes que l’on rencontre en matière économique, politique ou même académique sont bien souvent en tension constante. Aussi, face aux risques de dérives et d’abus que le développement de la science pourrait entraîner, il convient de poser des règles et d’être vigilants quant à la protection des personnes, en particulier des mineurs. C’est sur ce point que je souhaite intervenir.

Je voudrais souligner ici la sagesse de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a rétabli l’obligation du consentement des deux titulaires de l’autorité parentale pour la participation d’un mineur à la recherche. En effet, le texte initial prévoyait que l’autorisation pour un mineur de participer à un protocole de recherches pouvait être accordée par un seul titulaire de l’autorité parentale. Cela risquait d’être une source de difficultés préjudiciable à l’enfant en cas de conflit entre les parents.

J’avoue avoir été très surprise de constater que l’on avait voulu modifier le code de la santé public pour permettre à un seul des titulaires de l’autorité parentale de laisser son enfant être le sujet d’expériences médicales. Au regard de la protection des personnes, une telle modification ne pouvait constituer qu’une régression. Elle aurait plongé l’enfant au cœur de conflits familiaux en cas de désaccord entre les parents. Dans ce domaine, laisser l’autorité parentale à un seul des parents peut être porteur de dérives. De plus, on peut douter de l’articulation entre de telles dispositions et celles qui sont en vigueur en la matière dans le code civil.

En effet, la minorité légale entraîne une incapacité juridique et un besoin de protection. Or une telle protection ne peut être assurée que par les parents de l’enfant mineur dans le cadre des règles d’autorité parentale et d’administration légale.

Même s’il est indispensable de réaliser des recherches impliquant des enfants afin d’améliorer le traitement existant pour ceux-ci, il est absolument nécessaire de les protéger de manière optimale, car les enfants constituent une population vulnérable.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’aux termes de la directive européenne de 2001, « un essai clinique sur des mineurs ne peut être entrepris que si […] le consentement éclairé des parents ou du représentant légal a été obtenu ; ce consentement doit exprimer la volonté présumée du mineur et peut être annulé à tout moment sans que ce dernier en pâtisse ; ».

Ainsi, la simplification du cadre juridique des recherches médicales sur les personnes ne doit pas se faire au détriment de la protection de ces dernières. Je me réjouis donc que la commission des affaires sociales soit revenue sur une telle autorisation, car – il faut le dire – le texte initial affaiblissait les dispositions destinées à protéger les personnes, et ce dans le seul objectif de faciliter la recherche médicale.

Il est impératif que l’avis des deux parents soit requis. Nous resterons toujours vigilants à cet égard.

Tout comme nous serons vigilants quand le projet de loi créant un statut pour les beaux-parents arrivera en discussion au Sénat. En effet, il apparaît légitime de se demander comment ce statut, qui vise à reconnaître les « liens particuliers » existant dans les familles recomposées, s’articulera avec la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui. Si ce prochain texte simplifie les partages d’autorité parentale, il ne doit pas remettre en cause cette autorité dans le domaine de la recherche sur le mineur. L’assouplissement de tels partages ne doit pas se faire en matière de recherche et de santé.

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