Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, l'interpellation, à travers tout le territoire national, de vingt-cinq membres d'une filière terroriste, il y a seulement deux jours, rappelle la permanence de la menace terroriste pour notre nation et, s'il le fallait, la particulière opportunité du débat qui nous réunit aujourd'hui.

De cet exemple singulier, nous pouvons d'ores et déjà tirer deux constats. En premier lieu, il révèle la mutation de ces filières terroristes où grand banditisme et fondamentalisme religieux s'agrègent dans des cellules de plus en plus autonomes.

En second lieu, il révèle la remarquable efficacité et l'excellente coordination de nos services de sécurité, puisque pas moins de cinq services ont contribué à la réussite de ce coup de filet. Qu'il leur soit rendu hommage, ainsi qu'à vous-même, monsieur le ministre d'État.

En effet, en tant qu'ancien rapporteur de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et en tant que rapporteur pour avis de la mission « Sécurité », j'ai pu constater la détermination permanente dont vous êtes animé pour lutter contre le terrorisme et, en premier lieu, pour éveiller les consciences et anticiper l'irréparable.

Cette lutte est un combat préventif de chaque instant. Je sais à quel point vous ne vous démobilisez jamais sur ce sujet, et j'ai pu apprécier votre contribution déterminante dans la coordination de tous les services participant à la sécurité intérieure et à la défense civile, ainsi que celles de vos collaborateurs, avec lesquels j'entretiens des relations de confiance.

Permettez-moi d'associer à ce propos Christian Estrosi, ministre délégué, qui a lui aussi une profonde connaissance de ces problèmes.

Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a été présenté en Conseil des ministres le 26 octobre 2005. L'urgence a été déclarée.

L'Assemblée nationale a adopté ce texte en première lecture le 29 novembre 2005.

Comportant initialement quinze articles répartis en huit chapitres, le projet de loi se compose désormais de vingt-sept articles répartis en dix chapitres.

Débattu dans un esprit constructif et de relatif consensus à l'Assemblée nationale, ce projet de loi s'inscrit dans la continuité des textes successifs adoptés en matière de lutte contre le terrorisme depuis la loi du 9 septembre 1986.

« Le pari français », pour reprendre l'expression de Jean-Louis Bruguière, premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris, est de parvenir à concilier légalité et efficacité.

Chaque gouvernement a su emprunter ce chemin étroit qui consiste à ne pas franchir la ligne jaune tout en s'adaptant perpétuellement à l'évolution de la menace afin de garder un temps d'avance sur les terroristes.

Empruntant cette voie étroite, les législateurs successifs se sont attachés à ne jamais s'éloigner d'une ligne de conduite : maintenir le juge au coeur de la lutte antiterroriste. À ce principe, il faut ajouter le souci de ne jamais basculer dans une justice d'exception. Ce choix politique est fondamental, car il maintient la lutte contre le terrorisme dans le cadre de l'État de droit et de la démocratie.

Certes, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le terrorisme a changé d'échelle. Le terrorisme islamiste cherche à faire le maximum de dégâts et à tuer le plus grand nombre de personnes. La menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique ajoute encore à cette volonté de destruction de masse. C'est en ce sens que l'on peut, et que l'on doit, parler d'une guerre terroriste.

Néanmoins, ce changement d'échelle ne doit pas faire perdre de vue que le principal objectif des terroristes est non pas de détruire ou de tuer, mais de déstabiliser les États et les sociétés démocratiques en les poussant à renoncer aux valeurs de liberté et de démocratie. En s'écartant du respect de l'État de droit, un gouvernement ferait précisément le jeu de ses adversaires.

Certes, pour justifier des entorses aux principes de liberté et de respect des droits de la défense, des gains en termes d'efficacité opérationnelle pourraient être invoqués. Cependant, là encore, le modèle français, reconnu par l'ensemble de nos partenaires et alliés comme un exemple à suivre, démontre que l'efficacité n'est pas incompatible avec la légalité. Mieux encore, en respectant la légalité, la lutte antiterroriste gagne en légitimité, et donc en efficacité, si l'on se place dans une perspective stratégique de long terme.

Certains pourraient penser que les démocraties ne sont pas armées pour lutter contre la terreur, qu'elles possèdent en elles-mêmes cette faiblesse originelle. Je ne le crois pas. C'est justement ce respect sourcilleux de la légalité qui fait la force des démocraties. Si, à travers l'histoire, celles-ci ont toujours su surmonter les périls, c'est parce qu'elles demeuraient animées par la force du droit.

Le présent projet de loi réaffirme ce choix juridique, philosophique et stratégique, tout en adaptant le dispositif français à l'évolution de la menace terroriste.

Pour préparer l'examen de ce texte, il m'a paru utile d'entendre les principaux responsables de la lutte antiterroriste. Ces auditions, ainsi que la visite effectuée à la section antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, ont été ouvertes à l'ensemble des membres de la commission des lois, et plusieurs de nos collègues se sont associés à nos travaux.

La France a une expérience ancienne du terrorisme. Elle a fait face à des formes très diverses de ce dernier, qu'il s'agisse du terrorisme nationaliste corse ou basque ou du terrorisme islamiste.

Ce caractère protéiforme de la menace terroriste en France a conduit à mettre en place un système de lutte antiterroriste spécialisé, mais suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des modes opératoires et des organisations terroristes. Son bilan est positif : depuis l'attentat à la station Port-Royal du RER, le 3 décembre 1996, le sol français n'a pas été touché par le terrorisme international.

Toutefois, ce bilan ne rend pas compte de la réalité de la menace terroriste en France. En effet, si aucun attentat terroriste d'origine extérieure n'a eu lieu depuis 1996, la menace liée au terrorisme d'inspiration islamiste n'a jamais faibli. Selon l'ensemble des autorités administratives et judiciaires que nous avons entendues, la menace terroriste islamiste sunnite, qui puise ses fondements idéologiques dans la rhétorique jihadiste d'Al-Qaida, apparaît comme la plus préoccupante et la plus globale. La France fait partie des principales cibles.

Cette recrudescence de la menace terroriste a conduit à un renforcement important des moyens matériels, humains et juridiques consacrés à la lutte antiterroriste depuis 2001.

Je souhaiterais d'abord évoquer le dispositif judiciaire, qui est le coeur du modèle français de lutte antiterroriste.

Face à la menace terroriste, la France a choisi d'aménager certaines des dispositions de son droit pénal et de sa procédure pénale, afin de tenir compte des spécificités de cette forme de violence extrême. Quel bilan peut-on dresser de ce dispositif ?

Le premier constat que l'on peut établir, c'est que la spécialisation des magistrats chargés de la lutte antiterroriste constitue l'un des atouts majeurs du système français de lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, l'articulation entre services de police et magistrats semble donner entière satisfaction aux responsables concernés. Lorsqu'une délégation de notre commission l'a rencontré, M. Jean-Louis Bruguière a plus particulièrement souligné la qualité de la coopération nouée avec la Direction de la surveillance du territoire dans le domaine de la lutte contre l'islamisme radical.

Enfin, le développement de la coopération internationale représente un autre gage d'efficacité. Nos interlocuteurs ont plus particulièrement souligné l'intérêt des équipes communes d'enquête ou du mandat d'arrêt européen.

Les acteurs judiciaires de la lutte contre le terrorisme ont cependant attiré notre attention sur certains points de fragilité du dispositif actuel de lutte contre le terrorisme.

En amont de la procédure, les juges d'instruction de la section antiterroriste ont relevé que la garde à vue de quatre jours s'était révélée, dans certains cas, insuffisante. En effet, les informations données par la personne gardée à vue peuvent révéler un risque d'attentat imminent, et il peut alors être très précieux de disposer d'un délai supplémentaire pour neutraliser les responsables de l'opération tout en s'assurant du contrôle de la personne placée en garde à vue.

De même, les nécessités de la coopération internationale peuvent justifier une prolongation de la durée de la garde à vue, le temps de mettre en lumière d'éventuelles ramifications internationales et d'échanger ensuite avec les services étrangers compétents.

Par ailleurs, si les magistrats rencontrés ont tous souligné l'intérêt du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, considéré, selon l'expression de l'un d'entre eux, comme le « fer de lance » de la lutte contre le terrorisme, car il permet d'incriminer l'opération terroriste avant son déclenchement, ils ont aussi, dans leur ensemble, regretté l'insuffisance du quantum de peine - dix ans au maximum - eu égard à la gravité des faits, ainsi qu'au risque de récidive, dont il faut s'inquiéter. Ainsi, plusieurs cas ont été cités de personnes condamnées pour ce délit, qui, dès leur libération, avaient cherché à reconstituer des réseaux.

Enfin, si les poursuites, l'instruction et le jugement sont, depuis la loi du 9 septembre 1986, centralisés à Paris, tel n'est pas le cas de l'application des peines. Or, au 19 octobre 2005, les établissements pénitentiaires comptaient 112 détenus condamnés pour des affaires de terrorisme. Les personnes condamnées pour terrorisme sont réparties entre trente et une prisons et relèvent donc d'un grand nombre de juges de l'application des peines. Plusieurs juges se prononcent ainsi sur la situation d'individus appartenant à un même groupe. Or les décisions prises peuvent être lourdes de conséquences et impliquent une excellente connaissance des dossiers terroristes et une vue d'ensemble cohérente de leur traitement.

Ces trois problèmes trouvent une réponse dans le présent projet de loi.

En outre, plusieurs magistrats se sont fait l'écho de la difficulté de poursuivre des personnes dont le train de vie ne correspond manifestement pas aux ressources licites dont ils disposent. Ces situations peuvent déceler l'existence de circuits souterrains de financement d'actes terroristes. Les incriminations de non-justification de ressources prévues par notre droit ne paraissent pas, en l'état, totalement adaptées pour couvrir notamment une délinquance de trafics très variés et particulièrement rentables.

En ce qui concerne le stade du jugement, les magistrats du parquet ont attiré notre attention sur une difficulté mise en lumière par une affaire récente, liée à la mise en cause, dans un même dossier, de majeurs et de mineurs. Ces derniers, actuellement, ne peuvent être jugés que par la cour d'assises des mineurs, composée de jurés populaires. La juridiction d'instruction n'a donc le choix qu'entre disjoindre la procédure, les mineurs étant jugés par la cour d'assises des mineurs, les majeurs par la cour d'assises dans sa formation spéciale, ou renvoyer mineurs et majeurs devant la cour d'assises de droit commun des mineurs. Cet état de fait contredit la logique qui avait conduit le législateur à opter pour une formation spéciale, afin de prémunir les décisions des cours d'assises contre les effets des pressions dont les jurés pourraient faire l'objet.

La commission des lois vous proposera, mes chers collègues, de répondre à ces deux sujets de préoccupation.

Une nouvelle inquiétude, signalée par tous les acteurs rencontrés, policiers et judiciaires, a trait au comportement des terroristes en milieu pénitentiaire.

En effet, si certains terroristes, corses et basques principalement, s'abstiennent de tout prosélytisme, tel n'est pas le cas des islamistes radicaux. Plusieurs cas de « conversion » de délinquants de droit commun ont ainsi été rapportés, favorisant la pérennité, voire l'essaimage de réseaux terroristes pendant le temps même de l'incarcération. Il apparaît essentiel de prêter une attention toute particulière à ce phénomène, et d'engager une réflexion sur les moyens de le conjurer. Ce sujet pourrait être abordé dans le cadre du Livre blanc sur la sécurité intérieure face au terrorisme, destiné à approfondir l'étude des moyens de mieux répondre à la menace terroriste.

En ce qui concerne le dispositif policier, les moyens ont été renforcés et mieux coordonnés. La prévention et la répression du terrorisme sont principalement l'affaire de quelques services spécialisés. En matière de renseignement extérieur, la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure, est évidemment directement impliquée dans la lutte antiterroriste.

Depuis 2002, l'ensemble de ces services ont vu leurs effectifs augmenter de plus de 600 agents. La coordination a également été intensifiée. Cette organisation présente la particularité de combiner les activités de renseignement et de police judiciaire de manière très étroite. Son intérêt est de rapprocher la prévention et la répression. En effet, en matière de terrorisme, une répression efficace est insuffisante, puisque la survenue d'un seul attentat constitue déjà un échec majeur, en particulier lorsqu'il s'agit de terrorisme islamiste.

En outre, comme l'a indiqué M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, les liens entre terrorisme et criminalité organisée se multiplient, notamment pour financer les actions terroristes.

Pour que ce système fonctionne, il est impératif que l'information circule entre tiers de confiance, entre services spécialisés. Plusieurs réformes sont venues renforcer cette coopération.

Ainsi, la Direction de la surveillance du territoire, les Renseignements généraux et la Division nationale antiterroriste, la DNAT, devraient être regroupés sur un même site, à Levallois-Perret, dans le courant de l'année 2006. Ce rapprochement des services apparaît indispensable pour faire face à un terrorisme islamiste en pleine évolution, qui brouille toujours plus les frontières classiques entre terrorisme d'origine interne et terrorisme d'origine externe.

L'objectif visé, au travers de ce projet de loi, est donc de garder un temps d'avance sur les terroristes. Cet objectif paraît de plus en plus difficile à atteindre devant un terrorisme globalisé, atomisé et mutant.

Les spécialistes de la lutte antiterroriste que nous avons entendus ont fait le constat unanime de la recrudescence de la menace terroriste et de la probabilité élevée qu'un attentat ait lieu dans les mois à venir sur le territoire français.

Cette inquiétude est nourrie par les changements à l'oeuvre au sein des mouvements terroristes d'inspiration salafiste. La globalisation du terrorisme se manifeste par l'apparition, au coeur de nos sociétés, de « fantassins » du terrorisme islamiste. Il ne s'agit plus d'un terrorisme exporté, comme cela a pu être le cas au temps de la guerre froide, lors des vagues d'attentats de 1985-1986 et de 1995-1996 ou lors des attentats de New York et de Washington, le 11 septembre 2001. Les attentats de Londres, le 7 juillet 2005, ont été commis par des terroristes de nationalité britannique et ayant grandi dans le pays. En France, en janvier 2005, la DST a arrêté plusieurs membres d'une filière d'acheminement de candidats au jihad en Irak.

Enfin, il faut évoquer le cas des convertis. D'ampleur encore relativement limitée, ce phénomène inquiète beaucoup les spécialistes de la lutte antiterroriste. L'actualité la plus récente a montré qu'une femme de nationalité belge, convertie et proche des mouvements fondamentalistes, avait commis un attentat suicide en Irak. En France, les services de renseignement ont répertorié environ 5 000 militants salafistes, 500 d'entre eux étant considérés comme dangereux.

L'idéologie fondamentaliste ou salafiste est le seul lien fort qui réunisse les différents groupes terroristes plus ou moins rassemblés sous la bannière d'Al-Qaida. Toutefois, les liens s'arrêtent là, aucune structure hiérarchisée de commandement n'ayant été identifiée. Selon M. Jean-Louis Bruguière, ce nouveau terrorisme se compose de cellules éclatées, atomisées, ce qui rend impossible toute modélisation.

Pour s'articuler et se coordonner, ces groupes fonctionnent en réseau. Cela se traduit notamment par l'utilisation massive des moyens de communication électroniques, notamment le réseau internet. Il est essentiel de reconstituer les parcours de chaque individu, son itinéraire personnel, afin de reconstituer les réseaux de connaissances. M. Jean-François Ricard, premier juge d'instruction de la section antiterroriste de l'instruction, nous a confié quel intérêt présentait, encore aujourd'hui, le fait de connaître et de surveiller les membres du réseau à l'origine des attentats de 1995-1996.

Cette organisation éclatée rend très difficile une action préventive. Le recours à l'attentat suicide ne fait que compliquer encore la réponse à apporter. Comme je le soulignais en préambule, l'interpellation du groupe terroriste intervenue lundi dernier est parfaitement emblématique de cette évolution, puisque tous les éléments que j'ai évoqués s'y retrouvent : autonomie de la cellule, connexion avec des cellules étrangères, mélange des genres avec le grand banditisme, ou encore recrutement en prison et utilisation des nouvelles technologies.

En ce qui concerne le dispositif, le projet de loi s'attache à préserver la force du modèle français, en l'adaptant aux évolutions de la menace terroriste.

Il tend tout d'abord à renforcer les moyens dédiés au renseignement, pour prévenir les actes terroristes. L'analyse de l'évolution du terrorisme islamiste depuis une décennie aboutit à une conclusion : la prévention du terrorisme passe par un renforcement des moyens à la disposition des services de renseignement pour détecter et stopper le plus en amont possible les projets de nature terroriste.

Le projet de loi vise donc à doter les services de police et de gendarmerie spécialisés dans la lutte contre le terrorisme de sources supplémentaires d'information, dans un cadre de police administrative. L'accès à un plus grand nombre de sources d'information est important pour les services antiterroristes, car cela permet de reconstituer des parcours croisés et des itinéraires personnels.

L'objectif n'est évidemment pas d'instaurer une surveillance généralisée de la population. Il s'agit de collecter le maximum de renseignements sur des individus déjà repérés ou sur des personnes en relation avec ceux-ci.

Ces différentes dispositions visent uniquement à permettre la collecte d'informations supplémentaires, en vue de l'ouverture d'une action judiciaire. La procédure de réquisition administrative des données techniques prévues à l'article 5 s'inspire de ce qui est déjà possible depuis longtemps en matière d'interceptions administratives de sécurité. Or force est de constater que les interceptions de sécurité sont bien plus attentatoires aux libertés individuelles, puisqu'elles portent sur le contenu des communications.

À ce titre, les dispositions présentées, notamment celles qui sont afférentes aux obligations nouvelles des cybercafés en matière de conservation des données techniques, n'ont pas pour objet de complexifier la tâche de ces derniers. Ces établissements offrent un service de qualité et participent à la simplification de la vie de nos concitoyens, en leur rendant accessibles les nouvelles technologies facilitant les communications transnationales. Il ne s'agit que de répondre à la menace précise de l'action terroriste. En ce sens, le fait qu'un des principaux interpellés, lundi dernier, ait été propriétaire d'un cybercafé confirme, s'il en était besoin, l'opportunité de ces mesures.

Surtout, aucune des autorités judiciaires rencontrées n'a exprimé de craintes quant à un éventuel basculement vers un système policier, hors du contrôle du juge. Au contraire, elles ont jugé indispensable de renforcer ces moyens de renseignement.

Le projet tend également à développer l'usage de la vidéosurveillance. La vidéosurveillance peut, dans certains cas, permettre de prévenir des actions terroristes. Cet aspect ne doit toutefois pas être exagéré, le mode opératoire des attentats suicides rendant particulièrement difficiles la détection et l'interruption de l'opération terroriste.

Concernant la vidéosurveillance, je tiens, monsieur le ministre d'État, à attirer votre attention sur la nécessité de publier le plus rapidement possible une circulaire pratique à destination des maires. De nombreuses municipalités attendent en effet cette loi pour installer des systèmes de vidéosurveillance. De la même manière, l'arrêté fixant les normes techniques devra être pris le plus rapidement possible, afin que des travaux qui ne respecteraient pas ces normes ne soient pas inutilement engagés.

Dans le domaine judiciaire, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions.

Ainsi, il porte de 10 ans d'emprisonnement à 20 ans de réclusion criminelle la peine prévue pour l'infraction d'association de malfaiteurs à caractère terroriste qui a pour objet la préparation de crimes d'atteintes aux personnes ou d'autres actes terroristes susceptibles d'entraîner la mort. Le projet de loi tend à centraliser auprès des juridictions de l'application des peines de Paris le suivi de l'ensemble des personnes condamnées pour actes de terrorisme ; il permet également, aux termes d'un amendement adopté par les députés, de porter, sous certaines conditions, la garde à vue en matière de terrorisme de quatre à six jours.

La commission des lois a adopté 31 amendements. Ils respectent l'équilibre du texte qui a fait l'objet d'un relatif consensus à l'Assemblée nationale.

Sur le volet policier, elle vous propose principalement des améliorations techniques rétablissant parfois le texte initial du projet de loi.

Deux amendements ont pour objet de renforcer le contrôle des activités de sécurité privée et la sécurité aéroportuaire. En effet, il apparaît que les milieux fondamentalistes tentent d'infiltrer des entreprises de sécurité travaillant en relation avec le transport aérien ou sur des sites sensibles.

Sur le volet judiciaire, afin de répondre à deux lacunes soulignées par nos interlocuteurs au cours des auditions, la commission des lois vous suggère d'introduire deux articles additionnels afin de permettre le jugement des mineurs accusés d'actes de terrorisme par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels.

Le dispositif proposé permettrait ainsi d'éviter le risque de pression sur le jury - sur le modèle de ce qui existe déjà pour les majeurs en matière de terrorisme - tout en conservant une spécificité liée à la présence parmi les assesseurs de deux juges pour enfants.

Il permettrait également d'élargir et de simplifier le régime actuel des incriminations de non-justification de ressources correspondant au train de vie, qui ne couvre pas certains délits liés à une économie souterraine susceptible d'alimenter les circuits de financement du terrorisme.

Enfin, la commission des lois vous propose d'approuver la proposition du Gouvernement de créer un groupe de travail sur les modalités d'un contrôle parlementaire des services de renseignement.

En première lecture à l'Assemblée nationale, trois amendements ont eu pour objet, sous des formes différentes, de créer un organe de contrôle des services de renseignement composé de parlementaires.

La France est pratiquement la dernière démocratie occidentale avec le Portugal à ne pas disposer d'une structure parlementaire de contrôle des services de renseignement. Cette exception française a longtemps été justifiée par la crainte qu'un contrôle parlementaire n'entrave ou ne gêne l'action des services de renseignement intérieur et extérieur.

Ce projet de loi, qui renforce notablement les moyens des services de renseignement intérieur, est donc apparu à juste titre comme l'occasion de poser enfin ce débat.

Le Gouvernement a donné un accord de principe sur la création d'un organe de contrôle. Il a donc proposé la création d'un groupe de travail réunissant les représentants des groupes parlementaires des deux assemblées et les fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignement. Les conclusions de ce groupe de travail devraient être rendues avant le 15 février, afin qu'un projet de loi, ou une proposition de loi, puisse être rapidement déposé.

Cette proposition du Gouvernement a reçu l'accord de la quasi-totalité des groupes à l'Assemblée nationale.

Pour qu'un tel organe fonctionne et soit donc utile, une relation de confiance doit s'établir entre les services de renseignement et les parlementaires membres de l'organe de contrôle. Si les conditions du secret ne sont pas réunies, les services de renseignement refuseront de collaborer et ne fourniront que celles des informations qu'ils souhaitent donner.

Ces conditions très particulières font qu'un tel organe de contrôle ne peut pas fonctionner selon les règles habituelles d'organisation des délégations parlementaires ou des offices.

Je souhaite que le Sénat prenne toute sa part à cette réflexion au sein du groupe de travail.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, la commission vous propose d'adopter ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion