Intervention de Dominique Braye

Réunion du 12 juin 2008 à 9h30
Chiens dangereux — Adoption définitive d'un projet de loi en troisième lecture

Photo de Dominique BrayeDominique Braye :

Je me permettrai donc, mes chers collègues, de tempérer le jugement favorable que je porte sur ce texte en exprimant un regret et une crainte.

Je regrette, tout d’abord, que notre dialogue avec l’Assemblée nationale s’interrompe avant que nous ayons pu nous mettre d’accord sur une solution permettant de dépasser les limites évidentes de la catégorisation imposée par la loi de 1999, dont tous les acteurs reconnaissent qu’elle n’est pas pertinente. En effet, cette catégorisation est très largement à l’origine de l’inefficacité de ce texte en matière de prévention des agressions canines.

Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale demeure dominé par cette étrange logique qui consiste à focaliser les mesures prévues sur les chiens de première et deuxième catégories, ou plus exactement sur la minorité de ceux-ci dont les détenteurs se sont conformés à la loi, soit environ 185 000 animaux, représentant moins de 2 % de la population canine.

Or, et vous me permettrez de le rappeler une nouvelle fois, madame le ministre, 93 % des morsures recensées et plus de 75 % des accidents mortels répertoriés sont le fait de chiens qui n’appartiennent pas aux catégories définies par la loi de 1999. Pourtant, c’est bien sur ces dernières que le présent projet de loi concentre l’essentiel de ses dispositions. En clair, nous nous apprêtons à adopter des mesures qui concerneront seulement 2 % de la population canine !

Par deux fois, le Sénat a essayé de sortir d’une telle impasse. Comme cela a été rappelé, notre Haute Assemblée avait proposé un dispositif, l’évaluation comportementale obligatoire des gros chiens, dont l’application n’aurait finalement pas été plus compliquée que l’obligation de délivrance d’un certificat vétérinaire pour toute cession d’un chien. Par deux fois, l’Assemblée nationale a rejeté cette mesure, sans jamais d’ailleurs lui opposer d’argument pertinent, comme notre rapporteur l’avait souligné en deuxième lecture.

Par conséquent, l’application des mesures les plus positives prévues par le projet de loi – je pense notamment au permis de détention, à l’obligation de formation et, surtout, à l’évaluation comportementale – sera limitée à seulement deux cas.

D’une part, cela concernera les chiens classés « en situation régulière », c'est-à-dire, comme je viens de l’indiquer, 2 % de la population canine.

D’autre part, le dispositif s’appliquera également aux chiens mordeurs, à condition toutefois que la morsure ait été déclarée. Mais, comme nous le savons tous, mes chers collègues, l’obligation de déclaration des faits de morsures, qui est déjà prévue par la législation antirabique, est fort peu respectée. Ainsi, le nombre des déclarations est de l’ordre d’environ 10 000 par an seulement. Nous avons déjà évoqué les motifs de cet état de fait, et je n’y reviendrai naturellement pas.

Vous l’aurez donc compris, je regrette véritablement que nous en restions là, simplement en raison du jugement de l’Assemblée nationale, au demeurant non étayé, selon lequel la mesure que nous avions proposée serait difficilement applicable et créerait des contraintes excessives aux détenteurs de chiens. Je le déplore, car cela remet en cause l’efficacité même des dispositions que nous allons adopter.

Au regard des avantages que nous pouvions en attendre, une telle « contrainte », l’obligation de faire procéder à un examen vétérinaire, semblait tout à fait mesurée.

Mes chers collègues, nous partageons tous le souci de ne pas imposer de tracasseries et de dépenses inutiles à nos concitoyens et de permettre à ceux d’entre eux qui le souhaitent de bénéficier de la compagnie d’un chien. Mais nous devons également, et c’est pour cela que nous sommes réunis aujourd'hui, veiller à ce que la liberté des uns ne mette pas en péril la sécurité des autres.

Imaginerait-on, pour ne pas créer de contraintes aux personnes souhaitant posséder une voiture, de n’imposer l’obtention du permis de conduire et le respect du code de la route qu’à 2 % des conducteurs ou seulement aux automobilistes qui auraient déjà eu un accident ?

Mes chers collègues, je crains donc que, cette fois encore, nous n’atteignions pas l’objectif que nous nous sommes fixé et que nous ne soyons tôt ou tard conduits à remettre de nouveau l’ouvrage sur le métier. À cet égard, madame le ministre, certains esprits caustiques m’ont demandé si la date du cinquième passage devant le Parlement était déjà fixée.

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