Aux termes de l’exposé des motifs de la loi du 23 janvier 2006, les articles 3, 6 et 9 avaient été présentés comme des mesures exceptionnelles prises pour répondre au niveau élevé de la menace terroriste.
Eu égard à leur portée, ces dispositions, qui interfèrent directement avec l’exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux, avaient été adoptées à titre temporaire afin de permettre au législateur d’en évaluer la pertinence à l’issue d’une période d’expérimentation de trois ans, soit jusqu’en décembre 2008.
Les auteurs de l’amendement s’étonnent qu’au regard des enjeux de sécurité et de libertés publiques auxquels se réfère la présente proposition de loi de M. Haenel, le Gouvernement n’ait pas pris lui-même l’initiative de déposer un projet de loi, alors que la date de péremption de ces mesures était connue depuis janvier 2006.
Ils constatent que le Gouvernement n’a pas respecté l’obligation de déposer les rapports annuels d’évaluation de ces dispositions, à l’exception d’un rapport partiel et succinct pour la seule année 2008.
Le Sénat est donc invité à discuter d’un texte visant à proroger un dispositif antiterroriste d’exception, de façon précipitée et sans disposer d’éléments suffisants permettant de procéder à une réelle évaluation, à seule fin de pallier les carences du Gouvernement.
Dans le cas présent, l’urgence ne peut justifier ce qui s’apparente à un détournement de procédure.
Le rapport de M. Laurent Béteille, marqué par une concision redoutable et des conclusions parfois contradictoires, se fonde en partie sur l’absence d’actions judiciaires contestant la mise en œuvre des mesures. Il ne permet pas non plus d’éclairer correctement le Sénat.
Au-delà du simple recensement de ces insuffisances se pose immédiatement la question de la pertinence des mesures provisoires adoptées en 2006. Le Parlement doit se montrer extrêmement vigilant. L’expérience du passé montre que, par une sorte de fatalisme, voire de facilité, cette législation d’exception a été systématiquement pérennisée.
Lors de l’examen de la loi de 2006, les auteurs de l’amendement avaient soulevé plusieurs réserves.
Il est confirmé que l’article 3 n’a pas pour objet essentiel de prévenir et de réprimer le terrorisme. Les interpellations auxquelles il a été procédé relèvent le plus souvent de la lutte contre l’immigration clandestine. Il s’agit bien d’une disposition d’ordre général non spécifiquement dédiée à la lutte contre les actes terroristes. En conséquence, rien ne justifie de prolonger une telle mesure d’exception.
Les auteurs de l’amendement observent également que l’article 6 visant à mettre en place un régime exceptionnel de réquisition administrative des données de connexion est partiellement inapplicable. En dépit du caractère d’urgence soulevé par ses promoteurs, la mise en œuvre effective de ce dispositif, de surcroît incomplet, n’a été réalisée qu’au début du mois de mai 2007. Le rapport annuel de la personnalité qualifiée adressé à la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, ne porte que sur huit mois d’activité. En outre, reste pendante la question de l’habilitation des agents des opérateurs de communications électroniques qui doivent traiter de la demande de réquisition, compte tenu de la sensibilité de telles demandes.
Enfin, à propos de l’article 9 relatif à l’accès aux fichiers administratifs par les services de police et de gendarmerie, à savoir les fichiers sur les immatriculations, les permis de conduire, les cartes nationales d’identité, les passeports, les données diverses relatives aux ressortissants étrangers, les auteurs de l’amendement désapprouvent l’absence de précision sur le contrôle renforcé de la traçabilité des consultations afin d’éviter des utilisations abusives étrangères à la prévention et à la répression du terrorisme.
Ils rappellent que le groupe socialiste avait insisté pour que soit spécifié dans la loi qu’il ne soit possible de recourir qu’à de simples consultations des fichiers, sans qu’aucune extraction de données soit permise. Face au risque grandissant d’interconnexion des fichiers, dont le périmètre s’étend aux données biométriques, ils regrettent que ni l’auteur de la proposition de loi ni le rapporteur n’aient apporté cette garantie.
Compte tenu de ces observations, les auteurs de l’amendement estiment injustifiée la demande de prorogation des articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 pour une durée supplémentaire de quatre ans.