Vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le rapporteur, la France a réalisé, ces dernières années, des efforts importants pour faire face aux nouvelles vulnérabilités, notamment aux risques sanitaires.
C'est en particulier au gouvernement de Lionel Jospin et au ministre de la santé de l'époque, M. Bernard Kouchner, qu'il revient d'avoir mis en place le plan Biotox et son fonds de financement à l'automne 2001. Ce sont des circulaires publiées au début de 2002 qui ont également permis la mise en oeuvre ce qui allait devenir, avec la loi relative à la politique de santé publique d'août 2004, les plans blancs et les plans blancs élargis.
Ces rappels liminaires ont pour objet non pas de mettre en exergue, dans un esprit polémique, la plus grande prévoyance du gouvernement que nous soutenions alors par rapport à ceux qui l'ont précédé ou à ceux qui lui ont succédé, mais de souligner l'esprit de responsabilité qui a animé les majorités successives dans un domaine où l'anticipation est une ardente nécessité.
C'est ce même esprit de responsabilité qui conduira tout à l'heure le groupe socialiste à voter en faveur de cette proposition de loi « relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur », sous réserve, bien sûr, des réponses que M. le ministre voudra bien apporter à nos remarques et à nos interrogations.
Dans son intervention, le rapporteur a fait un constat qui est le point de départ de la proposition de loi et que nous partageons tous : en dépit de progrès considérables, lesquels nous autorisent à nous considérer, à juste titre, comme mieux armés aujourd'hui que nous ne l'étions hier pour faire face aux menaces sanitaires - je pense, par exemple, au plan très complet de lutte contre la pandémie grippale -, la France souffre de lacunes incontestables dans l'organisation opérationnelle de la riposte à apporter en cas de crise grave.
Ces faiblesses tiennent aux hommes et aux structures.
Si la loi de 2004 et les mécanismes de plans blancs ont permis la mise en place des procédures, nécessaires et efficaces, de rappel des personnels en formation ou en congé, de réorganisation des conditions de travail ou de réaffectation de certains personnels, rien n'est actuellement prévu pour les professionnels de santé qui viennent en renfort, le plus souvent bénévolement, afin d'aider leurs collègues sur d'autres lieux que leur cadre habituel de travail. Cette aide n'est encadrée ni juridiquement ni financièrement.
En outre, comme le terrible épisode de la canicule ou l'épidémie de chikungunya à la Réunion l'ont montré, il ne suffit pas de faire appel aux bonnes volontés, il faut également connaître avec précision la demande de soins, répartir les professionnels ayant répondu à l'appel en fonction de ces besoins et définir un interlocuteur unique. Bref, il faut une autorité régulatrice et gestionnaire, disposant d'une vision d'ensemble des problèmes.
Enfin, nous devons nous préparer aux risques d'épidémies massives ayant une incidence forte sur la population, y compris sur les professionnels de santé eux-mêmes, et dont nous avons eu un avant-goût, voilà un siècle, avec l'épidémie de grippe espagnole, sans parler de la peste ou du choléra, lequel a sévi dans ma région, qui est aussi la vôtre, monsieur le rapporteur, et que Jean Giono a excellemment évoqué dans Le Hussard sur le toit.
Les simulations de la direction des hôpitaux du ministère de la santé l'ont démontré : les mesures prises jusqu'à présent ne permettraient pas à ces professionnels de faire face à une pandémie, dans la mesure où un certain nombre d'entre eux tomberaient malades ou seraient bloqués chez eux précisément à cause de cette épidémie.
Tel est donc l'état des lieux.
Quelles sont les mesures suggérées par les auteurs de la proposition de loi pour répondre à ces constats ?
D'abord, ils prévoient d'augmenter les ressources en personnel de santé grâce à la constitution d'un corps de réserve sanitaire dont les membres devraient bénéficier d'un statut juridique et financier assurément protecteur.
Ensuite, les auteurs de ce texte préconisent de mettre en place un établissement public « multifonctionnel », oserais-je dire, puisqu'il serait chargé de mener de front pas moins de trois missions différentes : administrer le corps de réserve sanitaire, reprendre les missions du fonds Biotox concernant l'achat, le stockage et la distribution de médicaments et de produits prophylactiques nécessaires à la prévention ainsi qu'à la gestion des crises sanitaires et, enfin, accomplir les tâches d'une entreprise pharmaceutique pour la couverture de la population en besoins de médicaments et de produits médicamenteux non couverts par ailleurs.
Ces réponses sont-elles à la hauteur des enjeux ?
Elles constituent, selon moi, un pas incontestable dans la bonne direction, notamment pour le statut des personnels de santé réservistes. Toutefois, cette approbation d'ensemble ne doit pas dissimuler nos doutes et nos critiques, à commencer par celles qui portent sur la forme même du texte, long, peu lisible, pour ne pas dire abscons, et dont une bonne partie aurait pu tout aussi bien faire l'objet d'une mise en oeuvre par voie réglementaire.
Le point fort de cette proposition de loi est assurément la mise sur pied du corps de réserve sanitaire, accompagnée d'un statut financier et juridique très protecteur, que les membres des autres réserves - je pense à la réserve opérationnelle militaire et à la réserve de sécurité civile - ne manqueront pas de revendiquer tôt au tard.
Le texte prévoit, en effet, un régime de mise à disposition contre remboursement à l'employeur qui permettra au réserviste de bénéficier d'une continuité totale de sa couverture sociale. Celui-ci sera couvert par l'État, à l'instar des fonctionnaires, contre les dommages qu'il pourra subir dans le cadre de ses activités de réserviste et il bénéficiera d'une protection en cas de mise en jeu de sa responsabilité civile et pénale.
De plus, ces dispositions relatives à la protection contre les dommages subis et contre la mise en jeu de la responsabilité du réserviste seront étendues aux professionnels répondant à un ordre de réquisition ainsi qu'à ceux qui, bien que n'étant ni réservistes ni réquisitionnés, seraient conduits à effectuer leur tâche dans des conditions d'exercice exceptionnelles, à la demande du ministre de la santé, notamment dans le cadre de la mise en application du plan « pandémie grippale ».
Dans les conclusions de la commission des affaires sociales figurent à ce sujet des précisions opportunes, notamment sur le principe selon lequel la prise en charge par l'État des dommages subis par le réserviste aura un caractère intégral.
Il s'agit là d'avancées réelles, dont il faut féliciter les auteurs de la proposition de loi.