Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois que, à ce moment où j’interviens, le débat sur les propositions de Mme Nicole Bricq et de ses collègues du groupe socialiste est déjà bien entamé : c’est donc qu’il a lieu.
Ce texte vise, d’une part, à fixer une proportion des administrateurs de chaque sexe à un minimum de 40 % d’ici à six ans et, d’autre part, pour atteindre cet objectif, à libérer un nombre suffisant de postes par le renforcement de la règle du non-cumul des mandats sociaux.
C’est un vaste et laborieux chantier qui se poursuit avec cette proposition de loi ! En effet, favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail est, depuis la loi relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes du 22 décembre 1972, l’une de nos préoccupations majeures.
Sans retracer l’historique des évolutions apportées à notre droit du travail en la matière, je souhaite néanmoins présenter les réflexions du groupe UMP sur cette question, qui l’intéresse tout particulièrement.
D’abord, l’Observatoire de la parité a été créé sous le gouvernement de M. Alain Juppé, en 1995. Il a pour mission de promouvoir, par le biais de rapports, de recommandations et de propositions de réformes, l’égalité entre les deux sexes.
Par la suite, le Parlement a adopté plusieurs lois destinées à soutenir la parité lors des élections. La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a ainsi été suivie de quatre lois, votées entre 2003 et 2008, toujours dans l’optique de renforcer la parité entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne les listes électorales.
Enfin, par la volonté du Président de la République, la réforme constitutionnelle de juillet 2008 a permis de préciser, à l’article 1er de la Constitution, que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Cette modification de la Constitution résulte de la censure, intervenue le 16 mars 2006, par le Conseil constitutionnel de certaines mesures prévues par la loi du 23 févier 2006 et relatives à une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils exécutifs des sociétés françaises.
Je tiens également à souligner l’action menée par les organisations patronales, qui ont instauré un code de gouvernance commun et des accords d’entreprise incitant à la mixité au sein des organes exécutifs.
Malgré ces efforts continuellement soutenus par notre majorité, un travail considérable reste à accomplir dans le milieu professionnel, eu égard aux chiffres avancés par différentes études sur la présence de femmes aux postes de direction des sociétés du CAC 40, qui stagne aux alentours de 10%.
Notre collègue rapporteur, Marie-Hélène Des Esgaulx, l’a parfaitement indiqué, « l’évolution naturelle et l’autorégulation ne permettraient pas d’atteindre, dans un délai raisonnable, une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration ou de surveillance des grandes sociétés ».
Vous avez d’ailleurs déclaré, madame la secrétaire d’État, être « favorable à une loi améliorant la parité dans les grandes entreprises françaises ». Nous nous réjouissons de la volonté du Gouvernement de rester attentif au domaine de l’égalité professionnelle. Vous pouvez compter sur mes collègues ici présentes aujourd’hui : grâce à leur pugnacité, ce dossier devrait trouver une issue au cours de cette année, même si les décisions ne sont pas prises aussi rapidement que certains d’entre nous le souhaitent.
Dans ce contexte, la proposition de loi prévoit de fixer un quota minimum pour la représentation des administrateurs du sexe sous-représenté. Ainsi, dans les entreprises qui emploient au moins 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros, la proportion de chaque sexe dans les conseils d’administration et de surveillance devra atteindre au moins 40 %.
Prenant exemple sur la législation norvégienne qui a imposé, depuis 2006, ce quota de 40 % à toutes les sociétés anonymes, cette disposition semble être bénéfique à l’accroissement de la mixité au sein des organes dirigeants des entreprises françaises, privées comme publiques. Nous avons pu, lors de la mission que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a effectuée l’an passé, nous en rendre compte sur place.
Pour parvenir à une telle situation, la proposition de loi prévoit que cette proportion de 40 % devra être atteinte au cours des six années à venir et fixe un palier de 20 % après trois ans. Dans cette perspective, il est nécessaire de libérer un nombre suffisant de postes, en limitant le cumul de mandats. Le non-respect de ces règles serait sanctionné par la restitution des rémunérations perçues pour le ou les mandats ne respectant pas le quota et par la nullité des nominations du sexe surreprésenté et des délibérations du conseil ne respectant pas la parité.
Cependant, comme l’a souligné notre rapporteur, ce texte converge fortement avec la proposition de loi de M. Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, adoptée à l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010. Certes, des différences apparaissent entre les deux textes, concernant notamment le champ des entreprises soumises à l’obligation de parité. Toutefois, ils instaurent, selon des modalités similaires, un quota minimum de 40 % de femmes au sein des conseils de surveillance et d’administration à atteindre sur six ans.
C’est pourquoi le groupe UMP et moi-même, en tant que membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes, estimons essentiel d’attendre l’inscription de la proposition de loi issue de l’Assemblée nationale à l’ordre du jour du Sénat, afin de réaliser une articulation entre les deux textes.
De plus, la proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq permet d’envisager utilement la limitation du cumul des mandats sociaux, en tant que levier efficace pour libérer des postes en vue d’obtenir la mixité, alors même que cette question n’est pas abordée par les députés.
Nous souhaitons donc attendre, mes chers collègues, l’examen par le Sénat de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, afin d’y apporter les améliorations que nous estimerons nécessaires. C’est un dossier qui, par sa complexité et son utilité, doit faire l’objet d’un véritable travail de fond, cohérent et efficace, de manière à aboutir au consensus le plus large possible.