Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 1er février 2007 à 15h00
Droit opposable au logement — Article 7

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Comme de nombreux textes présentés par le Gouvernement au cours de cette législature, ce projet de loi prévoit, en plus des dispositions les plus médiatiques ayant trait à son objet principal - l'opposabilité du droit au logement -, un second volet fourre-tout supposé contenir des mesures en faveur de la cohésion sociale.

Pour mémoire, la loi de programmation pour la cohésion sociale s'était vu greffer lors de sa discussion en 2004 un titre consacré aux licenciements économiques qui avait avant tout pour but de faciliter ces derniers. Une fois de plus donc, le Gouvernement profite de l'affichage d'un texte social pour faire passer des mesures pénalisantes, socialement moins-disantes, voire discriminantes pour certaines d'entre elles.

Avec le talent qu'on leur connaît, nos rapporteurs ont présenté positivement les articles 7 et 9, considérant le premier comme favorable aux vieux migrants, et le second comme favorisant une régulation harmonieuse de la circulation des citoyens de l'Union européenne.

En fait, il s'agit non pas du tout de promouvoir la solidarité nationale envers les plus fragiles en reconnaissant des droits liés à la personne, mais d'introduire de nouvelles inégalités entre les droits des uns, les Français, et ceux des autres, c'est-à-dire les vieux migrants ou certains ressortissants communautaires.

Je reviendrai sur l'article 9 qui, sous couvert de transposition de directive européenne, vise clairement à exclure du bénéfice de l'attribution du RMI, de la CMU et des prestations familiales l'ensemble des ressortissants de l'Union européenne venant en France pour travailler, c'est-à-dire principalement les Roumains ou les Bulgares.

Je tiens à insister sur les dispositions de l'article 7 traitant de la vie des chibani, ces retraités d'Afrique du Nord, parce que là, monsieur le ministre, si je peux me permettre l'expression, la ficelle est un peu grosse !

Le décalage est énorme entre les déclarations généreuses de nos dirigeants les plus élevés et la réalité des faits, bien moins reluisante. Si l'on s'en tient à l'exposé des motifs ou au commentaire du rapporteur de la commission des affaires sociales sur cet article, il est possible de penser qu'effectivement ce gouvernement, en créant un nouveau mécanisme à certains égards inédit, consacre enfin les droits sociaux auxquels les vieux migrants peuvent prétendre.

Si vous devez intervenir aujourd'hui, c'est tout simplement parce que, hier, ce même gouvernement - le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur Borloo ! - a grignoté les droits au minimum vieillesse des vieux migrants. Souvenez-vous de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 !

Le droit européen sert d'alibi, mais il n'a rien à voir avec l'arrêt de l'exportation du premier niveau du minimum vieillesse, qui reste exportable pour ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 1er janvier 2006. Quant au second étage du minimum vieillesse - l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse -, la France a décidé de ne pas le rendre exportable en l'inscrivant sur la liste des prestations non exportables au sein de l'Espace économique européen.

À tout moment, vous pourriez décider qu'il en soit autrement. Vous pourriez considérer qu'il ne faut plus lier cette allocation non contributive à une condition de résidence stable en France. Tel n'est pas votre choix, et nous le regrettons, comme je vous l'ai indiqué lors de votre audition par la commission des affaires sociales, monsieur le ministre. Pour tenter de résoudre la situation des vieux travailleurs perdant le minimum vieillesse, vous proposez à ces derniers une aide à la réinsertion familiale et sociale.

Mais, comme l'Association des travailleurs maghrébins de France n'a pas manqué de le remarquer, derrière les belles promesses, vous portez un mauvais coup à ces personnes qui n'ont pu bénéficier du regroupement familial, qui ne disposent pas de la liberté d'aller et venir, qui ont vécu et travaillé en France dans des conditions pour le moins indignes, voire inhumaines, sans obtenir en retour ni la considération due ni surtout les droits sociaux communs acquis par toute personne travaillant sur notre territoire.

L'aide financière dont il est question vise exclusivement les vieux migrants vivant en foyer s'engageant à effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. Elle est exclusive de toute aide personnelle au logement et de tous minima sociaux. Vous recyclez donc les aides au logement. Il apparaît clairement que votre objectif est avant tout comptable, qu'il participe du développement des pratiques de l'ex-Sonacotra comme des chambres partagées, afin de faire face à la pénurie du logement.

Nous peinons à croire à vos préoccupations humanitaires dans la mesure où - ce sont là les failles du dispositif - la question du droit à l'assurance maladie est occultée, les conditions donnant droit au bénéfice de la prestation étant renvoyées à un décret en Conseil d'État. Une condition de résidence ou de durée de séjour sera-t-elle requise ? Le montant de l'allocation sera-t-il strictement égal à celui du minimum vieillesse ? Les bénéficiaires garderont-ils leur carte de résident ? Devront-ils pointer ? Voilà autant de questions sur lesquelles nous attendons une réponse avant de nous prononcer sur cet article.

Mais un amendement de dernière minute portant le numéro 290, vient de nous être distribué. Lors de votre audition, monsieur le ministre, je vous ai interrogé, ainsi que M. le rapporteur, sur le maintien des droits à l'assurance maladie. Vous m'avez tous deux répondu qu'il n'y avait aucun problème, que ces travailleurs ne tomberaient pas dans le régime de l'aide médicale d'État. J'avais enregistré votre réponse mais, à la lecture du texte, il me semblait bien que cela n'apparaissait pas.

Nous n'étions pas loin de la vérité, car l'amendement que vous venez de déposer vient corriger l'une des dispositions inscrites dans le code de la sécurité sociale en y dérogeant, ce qui va fort heureusement dans le bon sens. Cette mesure faisait l'objet de l'un de nos amendements. Je suis donc satisfait par cette réponse concrète, à défaut d'en obtenir sur toute une série d'autres questions.

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