Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 1er février 2007 à 15h00
Droit opposable au logement — Article 9

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article 9 décide d'exclure du bénéfice du RMI, de la CMU et des prestations familiales les ressortissants de pays membres de l'Union européenne entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre.

Cette mesure intervient en application de la directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L'article 24 de cette directive prévoit la possibilité de déroger au principe de l'égalité de traitement entre les citoyens de l'Union européenne.

Il y est en effet prévu que le pays d'accueil membre de l'Union n'est pas obligé d'accorder à un ressortissant d'un autre État membre le droit à une prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de son séjour. Il en est de même pendant la période plus longue prévue à l'article 14 de la même directive, c'est-à-dire lorsque les citoyens de l'Union sont entrés sur le territoire du pays d'accueil pour y chercher un emploi. Dans ce dernier cas, les personnes concernées doivent être en mesure de faire la preuve qu'elles continuent à chercher un emploi et qu'elles ont des chances réelles d'être engagées.

Afin de « prévenir les abus » et, comme le précise encore une note gouvernementale, de rendre impossible pour les personnes de venir « s'installer en France dans le but de toucher les minima sociaux ou la CMU » et de bénéficier « dès l'installation en France simplement en s'inscrivant à l'ANPE », le présent article supprime le droit à l'obtention des trois types de prestations pour les ressortissants de pays membres de l'Union à la recherche d'un emploi.

C'est un bien étrange objet européen que l'on nous propose de mettre en oeuvre !

Si l'on en croit les auteurs de la directive, il y aurait trois catégories de ressortissants européens.

D'une part, les ressortissants des pays jouissant d'une appartenance ancienne à l'Union - autrement dit, les pays fondateurs et ceux dont l'adhésion est intervenue dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt - qui pourraient, sans difficulté majeure, bénéficier des prestations de toutes natures versées en France.

D'autre part, les deux catégories de pays ayant adhéré plus ou moins récemment à l'Union européenne et qui, pour des raisons diverses, verraient leurs ressortissants privés du droit de bénéficier des prestations sociales.

Une telle démarche est tout bonnement sidérante !

Cette directive européenne, soutenue d'ailleurs par la plupart des députés européens français, à l'exception notable des parlementaires communistes, membres du groupe de la gauche unitaire européenne et des élus Verts, est une remise en question de l'un des principaux fondements de l'Union, la libre circulation des ressortissants des pays membres.

La directive et le présent article constituent tout bonnement une sorte d'« euroracisme » à l'encontre de populations dont on présume qu'elles risquent de profiter de manière « déraisonnable », pour reprendre les termes de la directive, des prestations sociales servies dans notre pays.

Or une telle démarche ne changera rien au problème. Cet article 9 fait donc franchement désordre.

Nous avions commencé par le droit au logement opposable, nous finissons avec une opposabilité à la mise en oeuvre des droits sociaux qui se fonde sur le fantasme, régulièrement entretenu, de la peur de l'étranger.

Il est vrai que, venant d'un Gouvernement qui, le lendemain même de l'annonce de ce projet de loi, envoyait plusieurs compagnies de CRS pour déloger un camp de Roms installé à la Plaine-Saint-Denis, il ne faut probablement s'étonner de rien !

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