Monsieur le président, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, après l'intervention de M. le secrétaire d'État, mon rapport ne pourra qu'être succinct.
M. le secrétaire d'État a eu l'amabilité de rendre hommage au travail effectué par la commission des lois, et je l'en remercie. De mon côté, je me félicite des relations de travail que nous avons établies avec ses services pour préparer la discussion de ce texte et des amendements qui s'y rapportent.
Cette proposition de loi des députés Jean-Michel Fourgous et Yves Censi peut apparaître anodine. Pourtant, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, elle intervient dans un domaine qui intéresse les Français, puisque 22 millions d'entre eux disposent d'un contrat d'assurance sur la vie.
Elle a d'abord pour objet de permettre la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance non réclamés.
La spécificité du contrat d'assurance sur la vie est de permettre à une personne autre que le souscripteur d'obtenir le versement du capital ou de la rente. Ce n'est donc pas - et je me permets, mes chers collègues, d'insister sur ce point - un simple produit d'épargne : c'est également un moyen de libéralité.
Or, nombreuses sont les personnes qui sont bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie sans le savoir, et cela parce que, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, si le bénéficiaire l'accepte sans le faire savoir et sans l'accord de l'assuré, celui-ci se trouve lié par sa donation.
Aujourd'hui, il n'y a aucune formalité pour permettre de connaître le bénéficiaire et donc nombreux sont les contrats non réclamés. Cette situation concerne en réalité surtout les 20 % de contrats d'assurance sur la vie qui ne touchent pas les membres de la famille, lesquels en général, à la suite d'un décès, se préoccupent de savoir s'il y a ou non un contrat d'assurance vie.
Grâce à M. Philippe Marini, la loi de 2005 a permis à toute personne d'interroger les compagnies d'assurance par le biais de l'AGIRA pour savoir si elle est bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie. Cependant il fallait aller plus loin. Lors de l'examen du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités dont j'étais rapporteur, l'institution d'un fichier afin de pouvoir rechercher les bénéficiaires de ces contrats d'assurance vie avait été évoquée. Malheureusement, cette initiative n'avait pas abouti. C'est pourquoi je suis heureux que cette proposition de loi permette aujourd'hui de renforcer les droits du bénéficiaire après le décès de l'assuré en donnant aux bénéficiaires la possibilité d'interroger le Répertoire national d'identification des personnes physiques pour savoir si l'assuré est ou non décédé.
C'est le coeur même de ce texte et à partir du moment où l'assureur, qui, désormais, n'a plus aucune raison de l'ignorer, est informé du décès, il aura l'obligation de rechercher les bénéficiaires du contrat.
Par ailleurs, afin d'inciter les assureurs à faire cette recherche dans les meilleurs délais, la proposition de loi prévoit la revalorisation du capital garanti et l'instauration d'une sorte de pénalité prenant la forme d'intérêts de retard lorsque le versement intervient après un certain délai.
Enfin, la proposition de loi prévoit que dorénavant le bénéficiaire ne peut pas lier le souscripteur et l'assuré sans son accord. C'est une disposition très importante. Des amendements ayant été déposés, je me permettrai d'insister sur cette question.
Pour certains d'entre nous, il ne semble pas normal qu'une personne ayant instauré un bénéficiaire ne puisse pas, le lendemain ou plusieurs années après si sa situation familiale a changé, racheter son capital et en disposer.
Or, j'y reviendrai tout à l'heure lors de l'examen des amendements, personne n'oblige un assuré à indiquer un bénéficiaire ni, s'il le fait, à l'en aviser. Grâce à la proposition de loi, le bénéficiaire ne peut pas engager le souscripteur et l'assuré sans son accord et si celui-ci donne son accord à l'engagement du bénéficiaire, il agit en pleine connaissance de cause. Nous sommes dans le domaine de la stipulation pour autrui visée par le code civil et des libéralités. Or on ne peut pas juridiquement revenir sur une libéralité.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons déposé quelques amendements visant à clarifier ce texte et j'espère qu'ils recueilleront tout à l'heure l'accord du Gouvernement.
Nous avons voulu instaurer l'obligation pour la compagnie d'assurance de se renseigner sur la situation de son assuré.
Nous n'avons pas voulu aller au-delà de cette obligation de principe, laissant aux compagnies d'assurance, qui procèdent déjà à cette recherche, le soin d'en étudier les modalités. Nous n'avons pas souhaité instituer de périodicité ou préciser un âge à partir duquel il faut le faire.
Nous avons également voulu limiter l'accès au répertoire uniquement aux mutuelles qui sont engagées dans l'assurance vie et nous avons limité le délai de latence d'un mois entre la désignation du bénéficiaire et l'acceptation, prévu par la proposition de loi, au seul cas d'acceptation à titre gratuit. En effet, lorsque le contrat d'assurance vie vient garantir un prêt, il est bien évident que l'on ne peut pas maintenir un tel délai. À défaut, aucun prêt ne sera accordé.
Enfin, nous avons rétabli des dispositions qui avaient été modifiées par la loi sur la protection juridique des majeurs, pour protéger en particulier le majeur sous curatelle voulant instituer un autre bénéficiaire ou même supprimer telle ou telle stipulation du contrat d'assurance vie : l'assistance du curateur suffit, et non pas l'accord du juge des tutelles ou du conseil de famille.
Telles sont les modifications qui ont été adoptées par la commission des lois.
Il s'agit d'un texte dont la portée est apparemment modeste, mais qui est très ciblé : il donne aux compagnies d'assurance les moyens de connaître la situation de l'assuré et il pose l'obligation à nos yeux fondamentale de se renseigner sur la situation de celui-ci. Cette proposition de loi représente un pas très important pour les bénéficiaires des contrats d'assurance vie.