Mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux. Le débat sur cet important projet de loi relatif à l'égalité des chances, ou plutôt relatif à l'accroissement des inégalités, s'ouvre dans des conditions de précipitation inacceptables.
Le Gouvernement, sa majorité qui redoute la montée en puissance du mouvement populaire de rejet de la disposition phare de votre texte, le CPE, tente de trouver son salut dans la fuite en avant.
Quelle est la première victime de la marche forcée imposée par le pouvoir ? C'est la démocratie parlementaire.
Rappelez-vous l'origine de cette affaire. M. de Villepin cherchant à donner des gages au patronat a décidé d'avancer de quinze jours à l'Assemblée nationale le débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances et d'y introduire par voie d'amendement, un pur cavalier, le contrat première embauche.
Simultanément, le débat prévu au Sénat vers la mi-mars était avancé au 28 février.
Comme chacun le sait, l'appétit vient en mangeant et M. de Villepin, toujours en compétition avec M. Sarkozy, non content d'avoir empêché une préparation sereine, réfléchie, du projet de loi par l'Assemblée nationale, a décidé d'imposer le vote du projet de loi par la mise en oeuvre de l'article 49-3 de la Constitution.
Et, là encore, au cours de la conférence des présidents du jeudi 10 février, le Gouvernement a accéléré les travaux sénatoriaux en avançant les débats dans notre hémicycle du 28 au 23 février.
Ces modifications successives de l'ordre du jour, dans le seul but de gêner l'intervention de l'opposition, relèvent d'une conception autoritaire, brutale du fonctionnement de nos institutions.
Je ne reviendrai pas sur les ultimes manoeuvres auxquelles nous avons assisté hier : retrait de la question orale de M. Haenel, interruption brutale et report sine die de l'examen du projet loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, en pleine nuit, pour dégager l'ordre du jour. Les manoeuvres sont lamentables et confinent à la pantalonnade qui ferait sourire s'il ne s'agissait pas d'une grave remise en cause du débat parlementaire.
Nous ne sommes pas surpris de cette dérive, puisque, depuis 2002, MM. Raffarin et de Villepin ont usé de tous les artifices : sessions d'été à répétition pour contourner le mouvement social, utilisation de la procédure des ordonnances, bien entendu recours au 49-3 et, enfin, banalisation de la procédure d'urgence qui limite l'examen du texte à une seule lecture par assemblée.
Monsieur le président, le Parlement creuse sa propre tombe en se soumettant au diktat du pouvoir exécutif.
Quelle est la légitimité d'un Parlement qui ne débat pas dans de bonnes conditions, qui enregistre finalement, un projet de loi ?
Pire, quelle est la légitimité de l'Assemblée nationale qui, finalement, n'aura débattu, du fait de la procédure d'urgence, que de quatre articles sur trente-huit ?
L'Assemblée nationale ne sera plus saisie de ce texte qui doit se diriger vers la commission mixte paritaire après le débat sénatorial.
Le groupe communiste républicain et citoyen, monsieur le président, alerte avec la plus grande solennité notre peuple, la jeunesse, sur la dérive antidémocratique de notre régime.
Ces mots ne sont pas trop forts. Ils traduisent le constat lucide d'une situation de déséquilibre institutionnel extrêmement dangereux.