Intervention de Joseph Kergueris

Réunion du 14 janvier 2010 à 15h00
Création des maisons d'assistants maternels — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Joseph KerguerisJoseph Kergueris :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte II de la décentralisation a permis aux collectivités d’innover pour répondre au mieux aux besoins locaux ; elles ne s’en sont pas privées.

C’est sur la base de ces libertés nouvelles que, dans une dizaine de départements, a été expérimentée une formule très prometteuse en matière d’accueil des jeunes enfants : les maisons d’assistants maternels.

À la suite de l’initiative pionnière de notre collègue Jean Arthuis dans la Mayenne, le département dont j’ai l’honneur de présider le conseil général, le Morbihan, a été l’un des premiers à lancer cette expérimentation ; elle dure depuis plus de quatre ans et, à nos yeux, elle a largement fait ses preuves.

Or, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, au moment où cette formule relevant jusqu’à présent de la seule expérimentation devrait être consacrée et institutionnalisée, elle est à maints égards menacée ; le présent projet de loi présente donc un caractère absolument indispensable. En effet, les maisons d’assistants maternels constituent la meilleure réponse à un besoin local criant.

Nous sommes victimes du succès de notre politique nataliste. Comme l’a rappelé le rapporteur, la France affiche l’un des taux de fécondité les plus élevés de l’Union européenne ; mais, en aval, le rythme de développement des infrastructures n’est pas satisfaisant. L’offre d’accueil, même si elle a beaucoup crû au cours des dernières années, reste grandement insuffisante. Un chiffre résume bien la situation : à son rythme actuel de développement, les besoins ne pourraient théoriquement être couverts qu’en 2021.

Dans ces conditions, l’offre d’accueil doit absolument être développée. Parmi les différentes formules de garde envisageables, les maisons d’assistants maternels sont les mieux adaptées à l’accueil des enfants en grand nombre. Elles présentent, par rapport à l’accueil par une assistante maternelle seule, à la garde à domicile et à l’accueil en établissement, des avantages à la fois économiques, sociaux et, si j’ose dire, mécaniques.

Premièrement, l’avantage économique : l’accueil par une assistante maternelle, qu’elle exerce sa profession seule ou dans le cadre d’un regroupement, constitue la solution la moins onéreuse, tant pour la famille que pour la collectivité. En effet, tandis que l’assistante maternelle est accessible à toutes les bourses, la garde à domicile reste réservée aux foyers les plus aisés. Du point de vue de la collectivité, les assistantes maternelles, payées directement par les parents, ne sont pas une charge pour la commune ; l’aide en nature ou en espèce que cette dernière peut apporter reste toujours inférieure au coût de fonctionnement d’une crèche. Je ne m’attarderai pas sur le coût de création d’une place en crèche…

Deuxièmement, l’avantage social : les maisons d’assistants maternels peuvent offrir des horaires de garde beaucoup plus souples que les établissements collectifs – les différents orateurs qui m’ont précédé l’ont indiqué –, horaires comparables à ceux de la garde à domicile. C’est leur immense atout. Cette offre correspond à un besoin vital de nombreux parents travaillant en horaires décalés. De plus, contrairement à la garde à domicile, les maisons d’assistants maternels favorisent aussi la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge.

Troisièmement, le développement des maisons d’assistants maternels devrait mécaniquement emporter augmentation des capacités d’accueil, en permettant l’accès à la profession de personnes dont le logement est exigu ou non conforme aux critères requis pour l’agrément par la PMI, ou encore dont l’habitation est située dans une zone où la demande est trop faible, et de celles qui ont du mal à concilier leur activité et leur vie familiale.

Tels sont les considérations et les constats qui nous ont incités, en tant que présidents de conseil général, à miser sur ce mode innovant d’accueil des jeunes enfants.

L’expérimentation menée a largement porté ses fruits. Mais alors que l’heure est à sa consécration législative, elle est plus que jamais menacée par la convention type que la Caisse nationale des allocations familiales voudrait imposer.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a bien fait entrer les maisons d’assistants maternels dans la loi, en soumettant leur ouverture à la signature d’une convention entre elles, le conseil général et la caisse d’allocations familiales. Or la convention type élaborée par la CNAF en application de ce texte, et qui nous a été soumise le 29 juillet dernier, compromet tout le dispositif.

Je ne m’étendrai pas longuement sur ses insuffisances, d’autres orateurs l’ayant déjà abondamment fait et très bien fait avant moi.

Cette convention est de nature non seulement à porter un coup d’arrêt au développement des maisons d’assistants maternels à l’avenir, mais aussi à déstabiliser et à remettre en cause celles qui existent déjà. Le résultat est exactement inverse à celui que nous escomptions. Convenons qu’il s’agit là d’un tour de force !

Au cœur du problème se trouve évidemment la délégation d’accueil, décrite par le menu par d’autres que moi. Je n’y reviendrai donc pas.

Or vous savez, mes chers collègues, que la convention type de la CNAF interdit purement et simplement la délégation d’accueil. Rien que pour cette raison, elle n’est pas acceptable. D’autre part, elle est extrêmement complexe.

C’est pour réagir à cette condamnation annoncée des maisons d’assistants maternels que Jean Arthuis, Alain Lambert et moi-même, notamment, avons protesté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous l’avons fait avec d’autant plus de vigueur que nous sommes confrontés à ce qui nous paraît être un cas manifeste et inacceptable d’entrave à la décentralisation.

Quoi qu’il en soit, la convention de la CNAF incarne l’opposé de ce dont ont besoin les maisons d’assistants maternels : un cadre juridique spécifique et opérationnel, visant à faciliter leur développement dans des conditions sécurisées et respectueuses des prérogatives et des libertés départementales.

Nous entendions les doter d’un tel cadre juridique en déposant l’amendement que nous avions défendu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous avons vivement regretté que la commission mixte paritaire ne nous suive pas.

Cependant, nous ne pouvons que nous réjouir aujourd’hui du soutien du Gouvernement : rendez-vous avait en effet été pris pour que notre amendement soit transformé en une proposition de loi. C’est désormais chose faite.

La présente proposition de loi répond très exactement à la problématique des maisons d’assistants maternels.

D’une part, elle autorise explicitement la délégation d’accueil. Dans le contrat de travail, les parents pourront autoriser l’assistant qu’ils emploient à déléguer temporairement l’accueil de leur enfant à un ou plusieurs de ses collègues exerçant dans la même maison. Chaque professionnel devra s’assurer en conséquence.

Le dispositif offre une triple sécurité : les parents gardent la maîtrise de leur contrat de travail ; les assistants maternels conservent un contrat de travail identique ; les présidents de conseil général seront protégés par la loi et, en conséquence, leur responsabilité ne pourra plus être engagée.

D’autre part, ce texte respecte les principes de la décentralisation, auxquels chacun d’entre nous, dans cet hémicycle, est, j’en suis convaincu, profondément attaché.

Ainsi donne-t-il le choix aux conseils généraux de recourir ou non à une convention. Le cadre global étant sécurisé par la loi, la convention ne s’imposera plus nécessairement, ce qui est parfaitement rationnel.

De plus, et c’est heureux, le texte confie le contrôle des maisons d’assistants maternels aux services de la PMI. C’est pourquoi il est adapté à la problématique juridique résultant de la nécessité de développer ces établissements.

J’ai certes le sentiment de répéter des propos qui ont déjà été tenus. Mais, monsieur le ministre, vous qui êtes expert en la matière, vous savez que la répétition est le fondement de la pédagogie.

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