Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 17 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Articles additionnels avant l'article 60, amendement 337

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

338 ont tous deux pour objet la question de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que les exonérations de cotisations sociales. C'est pourquoi je me permets de vous les présenter en même temps, mes chers collègues.

Depuis plus de quinze ans maintenant, au nom de l'emploi et afin de lever les supposés freins à l'embauche, une politique d'abaissement du « coût du travail » a été menée, avec une appétence particulière chez les gouvernements de droite.

Les allègements de cotisations sociales, qui étaient censés être ciblés sur les bas salaires, s'appliquent désormais, grâce à M. Fillon, aux rémunérations qui s'élèvent jusqu'à 1, 6 fois le SMIC.

Il ne s'est pas passé une année sans que l'on ait ajouté aux dispositifs existants, sans les évaluer bien sûr, de nouvelles exonérations totales de cotisations sociales, qui s'appliquent à des territoires donnés, à des publics particuliers ou à des secteurs d'activité. On en a encore eu un exemple voilà deux jours, avec les 150 millions d'euros consacrés, une nouvelle fois, à de telles exonérations.

Le résultat, c'est que pas moins de 46 dispositifs différents coexisteraient aujourd'hui, pour un coût pour les finances publiques avoisinant les 20 milliards d'euros. Pas moins de 50 % des salariés gagnent entre 1 et 1, 6 fois le SMIC.

Notre économie crée peu d'emplois, mais elle déqualifie le travail : qualitativement, les normes d'emploi se sont considérablement dégradées, et le travail est rendu responsable de plus d'un problème de santé sur cinq.

Alors qu'officiellement on révise à la baisse l'impact global de cette politique sur l'emploi, que la Cour des comptes s'interroge ouvertement sur la pérennité et l'ampleur de ce dispositif, en raison des incertitudes qui pèsent sur son efficacité quantitative, et qu'elle souligne les risques du phénomène des trappes à bas salaires, que les mêmes magistrats dénoncent « la tendance générale au mitage de l'assiette des cotisations sociales » et posent le problème de l'équité du financement de la sécurité sociale, ce gouvernement schizophrène en rajoute, en supprimant ce qui restait de cotisations sociales au niveau du SMIC !

Ces cadeaux, qui sont toujours offerts aux mêmes, constituent autant de manques à gagner pour la sécurité sociale, M. le rapporteur pour le régime général ne me contredira pas ; l'État s'autorise à ne pas respecter les obligations légales de compensation intégrale des allègements et exonérations de cotisations sociales qu'il consent.

On mesure rapidement les conséquences de cette politique massive d'exonération de cotisations sociales sur la situation financière de la branche AT-MP, dont le poste principal et quasi exclusif de recettes est constitué par des cotisations employeurs ou par des cotisations prises en charge par l'État au titre des exonérations. Mais il est tout aussi important de s'intéresser à ses effets sur la responsabilisation des employeurs en matière de santé et de sécurité au travail.

N'est-il pas troublant de constater que les secteurs qui sont marqués par une forte sinistralité, comme les services, le commerce, l'industrie de l'alimentation, la métallurgie et le BTP, sont aussi ceux où une large part des salariés sont très faiblement rémunérés ?

Comment inciter ces secteurs d'activité à privilégier la prévention des risques professionnels si, économiquement, ils n'y ont aucun intérêt ?

Exonérées des cotisations sociales, dont les taux sont fonction de leur sinistralité en matière d'AT-MP, les entreprises ne risquent pas d'être pénalisées par une augmentation de leur taux de cotisation, ni par une sur-cotisation.

Monsieur le ministre, dans un rapport de novembre 2004, l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, s'est penchée sur ce sujet. Si, faute de données disponibles, elle n'a pu rapprocher le montant des cotisations liées aux accidents du travail et celui des exonérations, pour savoir dans quelle mesure la politique d'exonération annihile ou réduit de manière excessive les effets attendus de la tarification par numéro de risque, elle a toutefois pris acte de la réduction à néant des effets de la tarification dans les cas d'exonération totale des cotisations employeurs.

Ce rapport est on ne peut plus explicite : « lorsque l'exonération totale est liée à la localisation de l'entreprise (ZFU, ZRU, ZRR, DOM), et même si l'exonération ne porte que sur une part plafonnée du salaire [...], la suppression de tout mécanisme d'incitation/pénalisation paraît critiquable. Or ces dispositifs concernent environ 230 000 salariés. »

Pour préserver la logique préventive du dispositif de tarification, l'IGAS conclut simplement qu'il conviendrait d'exclure les cotisations AT-MP des dispositifs d'exonération.

Tel est, ni plus ni moins, l'objet de notre amendement n°337.

Toutefois, conscients que cet amendement de principe a peu de chances d'être adopté, tant il prend à rebours les orientations jusqu'alors privilégiées par le Gouvernement, nous formulons une autre proposition : l'amendement n° 338, qui vise, a minima, à conditionner le bénéfice des mesures d'exonération des cotisations sociales au respect par l'employeur de ses obligations en matière d'hygiène et de santé au travail.

Sur le modèle de la législation relative au travail illégal, nous envisageons l'annulation des exonérations par l'organisme chargé du recouvrement, puis le remboursement de leur montant par l'employeur, lorsque des infractions répétées aux règles d'hygiène, de sécurité et de santé ont été constatées par procès-verbal.

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