Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 9 novembre 2004 à 10h00
Aéroports — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les enjeux du transport aérien, aussi bien sur le plan économique qu'en termes d'aménagement du territoire.

Dans ce secteur, le succès et l'attractivité des compagnies aériennes sont étroitement liés aux gestionnaires d'aéroports.

Air France-KLM, qui a choisi comme plateforme de correspondance l'aéroport Charles-de-Gaulle, ne pourra pas poursuivre son développement si ADP ne s'adapte pas aux nouvelles exigences du secteur et n'investit pas afin d'accroître la qualité du service rendu.

Il me semble important de souligner les enjeux, pour l'entreprise Air France, de la modification du statut d'un établissement public dont elle est la première cliente.

Air France-KLM, première compagnie aérienne mondiale par son chiffre d'affaires, est le premier client d'ADP, puisqu'elle représente à elle seule 53, 4 % des mouvements d'avion, ce qui la place très loin devant la deuxième compagnie mondiale, Lufthansa, qui n'en représente que 3, 3 %.

Air France et ADP sont donc deux entreprises largement dépendantes l'une de l'autre.

Tout en tenant compte des besoins d'ADP et des nécessaires adaptations de son statut, il ne faudrait pas que nous oubliions, dans ce débat, que la compétitivité d'Air France à l'échelon international dépend des prestations qui seront offertes pas ADP sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, sa plateforme de correspondance.

Permettez-moi de regretter, à cette occasion, que la question de la concession de l'aéroport Charles-de-Gaulle 2 à Air France n'ait pas été abordée. Cela aurait évité les conflits d'intérêt que nous constatons aujourd'hui s'agissant des redevances aéroportuaires. C'est une pratique courante aux Etats-Unis, où les compagnies aériennes sont concessionnaires de leur hub.

Un certain nombre de dispositions de ce projet de loi sont relatives à la future société ADP. L'établissement public actuel, remarquable, possède aujourd'hui le plus grand domaine aéroportuaire d'Europe, étant rappelé qu'il en a acquis les deux tiers directement. Quelque 708 500 mouvements d'avions commerciaux en 2003 font de lui le sixième exploitant d'aéroport au monde. Par ailleurs, il dispose de 8 000 salariés, mais génère également, pour la seule plateforme de Roissy, près de 75 000 emplois directs.

Or son statut actuel ne permet pas à Aéroports de Paris un développement satisfaisant. Il limite ses possibilités d'expansion à l'international et entrave sa capacité à nouer des partenariats et à accéder aux marchés financiers pour financer ses investissements.

En effet, ADP va devoir faire face à un important besoin de financement, alors que l'établissement public est handicapé par un endettement nettement supérieur à celui des autres grands aéroports internationaux.

Le recours à l'endettement n'est plus envisageable dans la mesure où celui-ci a déjà progressé de 13, 4 % en 2003. L'Etat ne pourra pas combler ces besoins financiers. Or, pour maintenir son rang, ADP doit mener à bien un important programme d'investissements concernant, notamment, la réfection des pistes en vue de l'accueil de l'A 380, la rénovation du terminal 2E et la construction du satellite S3. Ces projets représentent un investissement de 600 millions à 700 millions d'euros pour les deux années à venir.

L'ouverture du capital et la transformation de l'établissement public en société anonyme apparaissent donc indispensables.

En outre, en tant qu'établissement public, ADP est soumis au respect du principe de spécialité : il est principalement chargé d'aménager, d'exploiter et de développer les installations de transport civil en Ile-de-France, d'assurer un service de sauvetage contre les incendies et le péril aviaire, ainsi que l'embarquement, l'acheminement et le débarquement des voyageurs et des marchandises.

N'entrent pas dans ses compétences les activités de prestations de services ou la prise de participations sur des aéroports situés en dehors de l'Ile-de-France. Cette disposition ne lui permet donc ni de valoriser les compétences acquises dans l'exploitation des aéroports franciliens ni de se diversifier, ce qui deviendra possible dès lors qu'ADP sera une société anonyme.

En ce qui concerne les missions de la société Aéroports de Paris, je tiens à mettre l'accent sur le travail de M. Le Grand, qui propose de préciser l'article 6 du projet de loi.

Simplement, afin de conserver à l'Etat son pouvoir actuel, j'aimerais qu'il soit inscrit dans la loi que les décisions de répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes seront soumises au contrôle de l'Etat et qu'elles constitueront des actes administratifs.

Le projet de loi prévoit également le déclassement des biens dont ADP assure la gestion et dont il a acquis directement les deux tiers.

L'Etat conservera dans son domaine les biens qui lui sont nécessaires pour l'exercice des missions de service public. Toutefois, comme l'a souligné M. Le Grand dans son rapport, il est nécessaire de préciser la liste des biens indispensables à l'exercice des missions de service public.

Au sujet de la prise en compte de la situation des personnels d'ADP, le projet de loi ne modifie en rien leur statut, qui reste défini par le conseil d'administration de l'entreprise, sous le contrôle des ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie. Le groupe de l'Union centriste s'en félicite.

Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la modification du statut des grands aéroports régionaux. Les douze aéroports concernés sont actuellement exploités par les chambres de commerce et d'industrie territorialement compétentes. Or de nombreuses concessions vont arriver à échéance entre 2005 et 2017. Le projet de loi prévoit de remplacer ces concessions par la création de sociétés de droit privé se substituant aux chambres de commerce et d'industrie.

A leur création, ces sociétés devront être majoritairement détenues par des personnes publiques, l'ouverture du capital étant envisagée dans un second temps.

Les dispositions relatives à la régulation économique des redevances constituent le dernier volet de ce projet de loi, mais non le moindre, puisqu'il s'agit du principal contentieux entre les compagnies aériennes, leurs groupements et ADP. Dans le projet de loi, de nouvelles modalités de calcul et de fixation des redevances aéronautiques sont envisagées.

Plusieurs modifications sont à souligner. Les redevances seront désormais inscrites dans un cadre quinquennal et non plus annuel. Les évolutions de tarifs seront par ailleurs adossées à un contrat liant l'Etat et les exploitants d'aéroports afin de favoriser l'investissement et d'améliorer aussi bien les services rendus aux usagers que les capacités aéroportuaires.

Enfin, le projet de loi introduit la possibilité de moduler le niveau des redevances pour des motifs d'intérêt général. Cette modulation a pour objet louable d'améliorer la qualité des services rendus et la protection de l'environnement.

Au-delà des précisions que propose d'apporter à ce dispositif nouveau le rapporteur de la commission des affaires économiques, le groupe de l'Union centriste souhaite que la liste des motifs d'intérêt général justifiant le mécanisme de modulation soit complète et exhaustive.

Le groupe de l'Union centriste est, par ailleurs, tout à fait favorable à la création d'une commission de conciliation aéroportuaire, comme le propose M. Le Grand. C'est une structure nécessaire pour que la société ADP, en situation de position dominante, et les compagnies aériennes, notamment Air France, puissent s'entendre.

Nous attendons également, comme M. le rapporteur, des engagements clairs de la part du Gouvernement sur la politique qu'il souhaite mener en termes de régulation économique.

Je défendrai en mon nom un amendement tendant à réaffirmer le principe de la caisse unique, qui, à mes yeux, intéresse surtout les grands aéroports. Il me semble logique et conforme aux intérêts de tous que les recettes nées des activités extra-aéronautiques servent également à financer les infrastructures aéroportuaires et la qualité des services rendus aux usagers dans leur ensemble, qu'il s'agisse des compagnies aériennes, des passagers ou des entreprises privées.

Monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste est donc favorable à ce texte et le votera. La nécessité d'adapter le statut d'ADP est indiscutable. Les contraintes économiques et budgétaires de l'heure ne permettent plus à l'Etat de financer un tel établissement public.

Pour autant, il ne faut pas que l'Etat se désengage de la régulation économique aéroportuaire. Il doit continuer à veiller à la qualité des services rendus aux usagers des aéroports de Paris et des grands aéroports régionaux.

Je salue le rapporteur du projet de loi, M. Le Grand, pour la qualité de son rapport et de ses propositions en vue de l'adoption d'un texte équilibré et conforme aux intérêts de tous. Je salue également le travail de M. Collin, rapporteur pour avis, ainsi que le travail des deux commissions saisies sur ce projet de loi.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir choisi le Sénat pour l'examen en première lecture d'un texte primordial pour l'organisation du transport aérien de notre pays, dans ses dimensions nationale et internationale.

Je tiens également à saluer l'action courageuse que vous menez à la tête de votre ministère, notamment en matière de sécurité routière, ainsi que les efforts que vous déployez en faveur du dialogue social afin d'obtenir un service minimum.

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