Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cet article 5 est le énième rebondissement dans la définition des tarifs réglementés ! En effet, il y a simplement quelques mois, nous étions déjà ici afin de débattre de la proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé proposé par notre rapporteur.
Depuis l’ouverture totale à la concurrence pour l’ensemble des consommateurs, le constat est alarmant. Les tarifs dits libres se sont envolés, prenant au piège les consommateurs qui ont décidé de sortir des tarifs réglementés.
Force est donc de constater que ce libéralisme globalisé porté depuis 2004 a été un échec, car peu de consommateurs – trop peu selon les membres de la majorité – ont fait le choix de quitter les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.
Pourtant, certains opérateurs alternatifs n’ont pas ménagé leurs efforts, employant des méthodes quelquefois bien peu éthiques, au point d’être épinglés par le Médiateur national de l’énergie.
Nous avons, bien sûr, été favorables au principe de l’élargissement de la réversibilité, et nous continuons de l’être. Je le rappelle, nous avions d’ailleurs déposé des amendements allant dans ce sens lors de l’examen des différentes lois sur ce thème.
Nous pourrions donc être satisfaits de voir inscrite dans la loi l’extension de la réversibilité à tous les consommateurs finals domestiques de gaz et d’électricité et ce, de manière illimitée.
Pourtant, nous restons très inquiets. Ainsi, l’annonce de la suppression des tarifs réglementés à l’échéance de 2015 pour les gros consommateurs, c’est-à-dire ceux dont la consommation dépasse les 36 kilovoltampères, entache, à nos yeux, la compétitivité économique du pays.
Oui, nous sommes inquiets de la direction prise par le Gouvernement dans sa politique énergétique. En effet, il est clair que, dans le cadre du parachèvement du marché intérieur, l’existence même des tarifs réglementés n’est pas compatible avec les objectifs de concurrence libre et non faussée énoncés par l’Union européenne.
Les tarifs réglementés s’apparentent, en effet, soit à des barrières à l’entrée, soit à des aides d’État prohibées par la Commission européenne. Celle-ci a d’ailleurs entamé deux actions contre la France pour cette raison.
Les solutions que vous proposez au travers de ce projet de loi ne tiendront pas, et nous serons obligés d’y revenir encore et encore.
Les sages du Conseil constitutionnel ne se sont pas trompés en censurant ces tarifs au regard de nos engagements européens. Soyons clairs : si la construction européenne ne se réoriente pas très rapidement vers d’autres objectifs, comme la priorité donnée aux services publics et l’intérêt général communautaire, il est certain que les tarifs réglementés, considérés comme des pratiques anticoncurrentielles, sont voués à disparaître, ou à être dénaturés ; c’est d’ailleurs ce que vous préparez avec l’article 4 et l’adossement aux tarifs dits libres.
Pour cette raison, nous demandons régulièrement un bilan complet sur les conséquences de l’application des directives européennes de libéralisation, notamment dans le secteur de l’énergie.
Au niveau national, on veut contraindre EDF, au prétexte d’un abus de position dominante, à céder aux entreprises concurrentes de l’électricité à moindre prix, celle qui est produite à partir de la technologie nucléaire. Il s’agit en l’occurrence, pour favoriser l’instauration d’un marché concurrentiel, de partager avec le secteur privé la rente nucléaire, alors même que celle-ci a été financée par les citoyens eux-mêmes.
Ce système est particulièrement pernicieux, puisqu’il revient à brader le bien public pour permettre aux actionnaires privés de conforter leurs bénéfices. Où se situe, dans ces conditions, l’intérêt des consommateurs ?
Par ailleurs, que valent les tarifs réglementés si les entreprises chargées d’une mission de service public sont de moins en moins en mesure de la mettre en œuvre ? L’ouverture du capital d’EDF et de GDF s’est ainsi accompagnée d’une forte hausse des tarifs réglementés. En effet, la participation de capitaux privés modifie irrémédiablement la politique d’entreprise du fait de la nécessité de rétribuer les actionnaires. C’est autant d’argent qui ne sera pas investi dans le service public !
On nous annonce, d’ores et déjà, des hausses importantes de tarifs réglementés. La CRE indique ainsi que ses tarifs vont augmenter. Or 3, 5 millions de familles se trouvent actuellement en situation de précarité énergétique, et nous pouvons craindre une augmentation inexorable de ce chiffre. À terme, l’outil que représentent les tarifs réglementés risque de ressembler tellement aux tarifs libres que sa suppression dans quelques années, au détour d’une énième loi sur l’énergie, passera inaperçue.
À notre sens, c’est l’ensemble de la politique énergétique qu’il faut revoir, et non pas simplement les conditions d’accès à ces tarifs, qui ont vocation à disparaître dans le contexte européen, et sont de moins en moins adossés à une politique publique d’accès de tous à l’énergie.
Redonnons du sens aux tarifs réglementés ! C’est la priorité que doit se fixer ce gouvernement.