Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale des crédits de la mission, car elle a déjà été faite par Gérard Longuet. Je rappellerai simplement que les cinq programmes dépendant de l’éducation nationale représentent 60, 5 milliards d’euros, soit une progression de 1, 6 % par rapport à 2010.
Cette augmentation d’environs 1 milliard d’euros est très loin d’être négligeable puisqu’elle représente l’équivalent du budget d’un département comme la Haute-Savoie.
Je souhaite maintenant me concentrer sur les points qui ont attiré tout particulièrement l’attention de la commission de la culture : la situation de l’enseignement privé, le remplacement des enseignants, les effets de la mastérisation, la situation de la médecine scolaire et les écoles numériques rurales.
Premier point, les suppressions de postes dans le privé. En 2010, pour 16 000 suppressions de postes dans l’ensemble de l’éducation nationale, 1 400 postes ont été supprimés dans le privé. En 2011, on enregistre toujours 16 000 suppressions globales, mais 1 633 suppressions dans le privé, soit une accélération de 16 % de l’effort demandé au privé en une année ! C’est disproportionné. Les familles aisées, contrairement à ce que l’on veut faire croire, ne seront pas les seules affectées : n’oublions pas qu’environ 12 % des élèves du privé sont des boursiers. J’ajoute que dans le privé 22 % des écoles possèdent moins de trois classes. Les suppressions de postes entraîneront donc des fermetures de classes, voire d’établissements, un peu partout. Pour préserver la liberté de choix des familles, la commission de la culture a déposé un amendement permettant de rétablir environ 300 postes dans le privé sans toucher au public.
Deuxième point, le remplacement des enseignants. Il n’est pas satisfaisant – tous les parents d’élèves nous le disent – alors même que près de 3 milliards d’euros y sont consacrés. Pour améliorer son efficience, il faut d’abord construire des outils de prévision robustes qui donnent une image fiable des besoins et des potentiels de remplacement. En outre, la rigidité du dispositif pose problème : le système est appuyé prioritairement sur des titulaires cantonnés strictement sur des zones trop étroites. Je fonde de bons espoirs sur votre récente note de service aux recteurs, monsieur le ministre, qui corrige le tir en supprimant, notamment, le délai de carence de quinze jours.
Troisième point, la mastérisation. Les premiers échos qui nous parviennent à son sujet sont mitigés. La commission ne remet en cause ni l’élévation du niveau de qualification ni la suppression de l’année en IUFM. Mais, si nous avons évité l’écueil du pédagogisme, nous n’avons pas encore remporté le défi de la professionnalisation.
La préparation au métier d’enseignant n’est pas encore suffisante. Les maquettes des masters et des concours devraient en tenir davantage compte alors qu’elles se cantonnent encore trop à la vérification de connaissances académiques. Un bagage disciplinaire solide est une bonne chose, mais il ne suffit pas pour motiver, instruire et aussi tenir des enfants. Cette capacité n’est pas innée, elle s’apprend.
Quatrième point, la situation de la médecine scolaire. Médecins et infirmières scolaires jouent un rôle primordial auprès des élèves, j’en suis convaincu : ils sont les confidents dont la capacité d’écoute permet de prévenir bien des incidents.
Aujourd’hui, le manque de personnel se fait cruellement ressentir, mais les postes ouverts au concours sont loin d’être tous pourvus. L’attractivité de ces professions pose en effet un problème. Après un doctorat en médecine et plusieurs années d’exercice libéral ou hospitalier, les médecins scolaires débutants se voient proposer 1 755 euros de traitement mensuel brut. C’est désormais moins qu’un interne en médecine et, au sein même de l’éducation nationale, les équivalents des médecins du travail pour les personnels reçoivent le double. La commission de la culture a donc déposé un amendement donnant un signe fort en faveur de la médecine scolaire.
Enfin, et ce sera mon dernier point, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est étonnée de ne trouver aucun prolongement du plan Écoles numériques rurales dans le projet de loi de finances pour 2011. Ce dispositif a pourtant permis, à la satisfaction générale, de gommer la fracture numérique. Le président de la commission, Jacques Legendre, a donc proposé de prolonger ce mouvement grâce à un amendement qui devrait permettre d’équiper 2 500 communes supplémentaires. C’est un effort modéré en faveur d’un investissement capital pour nos territoires.
Si nous voulons, mes chers collègues, améliorer les performances du système éducatif dans un contexte budgétaire difficile, il ne sert à rien de réfléchir en termes de gestion de grandes masses. Il faut travailler à l’affectation différenciée des moyens selon les besoins des élèves et selon les besoins des territoires, qui souffrent de grandes disparités entre eux.
J’ose affirmer que l’égalité des chances, mission première de l’éducation nationale, aujourd’hui à la peine, passe désormais par l’inégalité de traitement. J’espère que la mission commune d’information que le Sénat vient de constituer sur le système éducatif apportera des éléments de réponse.
En attendant ses conclusions, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l’adoption des trois amendements que j’ai évoqués.