Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a entrepris de réduire les effectifs dans la fonction publique et singulièrement à l’éducation nationale, qui emploie le plus grand nombre de fonctionnaires. Je souscris à cette politique. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions dans lesquelles s’opèrent ces réductions et sur leurs conséquences éventuelles.
Depuis la loi Debré de 1959, l’État verse aux écoles privées une subvention de fonctionnement proportionnelle au nombre d’élèves qui y sont accueillis et paie le salaire de leurs enseignants. Pour maintenir un statu quo, le ministère Chevènement avait mis en place, en 1985, la règle tacite dite des « 80-20 », qui consiste à réserver 80 % des postes d’enseignants au public et 20 % au privé.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, pour l’avenir, vous envisagez de réajuster cette règle des « 80-20 » afin de tenir compte de l’évolution du rapport entre les effectifs du public et ceux du privé. Tandis que les effectifs du public accusent un léger fléchissement depuis une dizaine d’année, je crois savoir que ceux du privé stagnent, voire évoluent très légèrement à la hausse.
Ma deuxième remarque porte sur la différence de marge de manœuvre entre les deux secteurs. En effet, les 135 000 enseignants du privé exercent directement leur mission éducative auprès des élèves, tandis que les 800 000 enseignants du public ne sont pas tous affectés à l’enseignement proprement dit : une part non négligeable – 10 % à 15 % – des effectifs du public n’exercent pas directement leurs fonctions auprès des élèves, notamment lorsqu’ils sont détachés sur des emplois syndicaux ou associatifs, titulaires sur zone de remplacement ou en surnombre. Le privé ne dispose pas, lui, de ces « réserves » de personnels.
Cette année, l’enseignement public bénéficiera de 5 600 régularisations des « surnombres », alors que l’on observe une accélération de l’effort demandé au privé, de 16, 5 % par rapport à l’année dernière, avec 1 633 postes supprimés, contre 1 400 l’année dernière...
La politique de réduction de l’emploi public, affichée comme un objectif prioritaire, n’a donc pas les mêmes répercussions sur les deux secteurs. Je souhaite savoir si, dans la détermination du nombre de postes, cet élément est pris en compte cette année et le sera pour les années à venir.
Dans l’immédiat, je me réjouis de la position de la commission de la culture, qui, sur l’initiative du rapporteur Jean-Claude Carle, a adopté un amendement destiné à rééquilibrer la situation.
Ma troisième observation découle des deux précédentes : si l’on ne prend pas en considération les évolutions réelles des effectifs public/privé et la réalité des taux d’encadrement, on s’expose à des fermetures de classes, notamment en milieu rural et particulièrement dans les régions où, historiquement, l’enseignement privé est le plus important, comme l’Alsace, les Pays de la Loire ou la Bretagne.
J’ai pu observer plusieurs exemples qui révèlent à quel point ce désengagement provoque des redéploiements du milieu rural au profit de la ville. Je n’ignore pas, bien sûr, l’histoire de nos écoles, ni les débats relatifs à la laïcité et à la liberté scolaire. Mais ce désengagement n’est pas neutre pour les finances de nos communes lorsqu’elles doivent se substituer au privé, construire des écoles et assumer leur fonctionnement.
En ces temps de restrictions budgétaires pour tout le monde, une approche pragmatique et globale des situations est plus que jamais souhaitable.