Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 2 juin 2009 à 15h00
Modification du règlement du sénat — Discussion d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois :

Reste la question de l’organisation de nos débats, qu’il s’agisse de la séance publique ou des commissions.

Il était apparu – vision naïve, sans doute – que le fait de délibérer en séance sur le texte de la commission allait dans le sens de la rationalisation du travail parlementaire. Cela devait contribuer à concentrer sur l’essentiel le débat en séance publique, surtout si l’examen d’un texte était précédé d’un débat préalable d’orientation, prévu par notre règlement et vivement souhaité par M. Henri de Raincourt.

À la lumière des premières expériences, et sachant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission, peut-être n’avons-nous pas trouvé l’équilibre souhaité.

Une meilleure publicité des travaux des commissions, ce qui ne signifie pas leur caractère public systématique – publicité ne signifie pas séance publique –, et la mise à disposition plus rapide et plus complète de ces travaux sont certainement l’un des enjeux de la réforme. Monsieur le président, je suis persuadé que, avec le bureau, vous prendrez toutes les dispositions à même d’améliorer la qualité du travail des commissions.

La présence des ministres en commission, dont le principe a été établi par le Conseil constitutionnel compte tenu du fait que la discussion porte, en séance, sur le texte de la commission, nous oblige à modifier l’article 8 du règlement.

Je ne suis pas persuadé que la présence permanente des ministres lors de l’élaboration du texte de la commission – hors cette circonstance, les ministres n’ont pas à être présents, sauf si nous souhaitons les entendre – soit de nature à simplifier nos débats. Heureuse commission des finances, monsieur Arthuis, heureuse commission des affaires sociales, monsieur About, qui n’ont pas l’obligation d’accueillir un ministre lors de l’examen des projets de budget ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale ! La commission des lois souhaiterait profiter d’une telle possibilité, mais une nouvelle révision constitutionnelle ne me semble pas pour demain !

Au-delà de la réforme de notre règlement, nous pouvons nous interroger sur la revalorisation affirmée du rôle du Parlement, que nombre d’entre nous ont soutenue, notamment en ce qui concerne l’ordre du jour partagé et, bien entendu, la volonté de mettre en œuvre des réformes sur lesquelles le Président de la République et la majorité parlementaire se sont engagés. Avouez qu’empêcher une majorité de conduire les réformes sur lesquelles elle s’est engagée relèverait d’un curieux fonctionnement de la démocratie.

Nous avions indiqué que cela risquait de conduire à une impasse, sauf engagement systématique de la procédure d’urgence, dite désormais « procédure accélérée ». Il nous reste encore à trouver une pratique plus équilibrée dans ce domaine, comme nous pouvons le constater depuis quelques semaines.

Certes, la fonction de contrôle du Parlement sur l’action gouvernementale, tradition du Sénat confortée par la révision constitutionnelle, doit continuer à se développer – le Sénat réalise d’ailleurs de nombreux travaux à cet égard sans vraiment les faire connaître –, à condition que cela ne devienne pas un rite vide de réels contenus et fasse l’objet d’une réelle préparation en amont. La force de proposition des commissions et des groupes est essentielle dans ce domaine.

L’initiative législative doit aussi, hors les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires que j’ai rappelés tout à l’heure, s’inscrire dans la durée pour éviter d’être anecdotique.

Monsieur le président, mes chers collègues, la sécurité juridique, la saine application des articles 34 et 37 de la Constitution, qui devraient être le souci permanent tant du Gouvernement que du Parlement, sont quelque peu absentes de nos travaux. L’inflation législative, tant par le nombre de textes que par leur longueur, même si l’importance d’un texte ne se mesure pas toujours au nombre d’articles qu’il comporte, pèse en effet lourdement sur le fonctionnement du Parlement. Mais, en fait, ce n’est pas nouveau. Songeons à ce que disaient Montesquieu – « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – et Portalis – « la loi permet, ordonne ou interdit ». Quant à Montaigne, il écrivait dans les Essais ce texte très beau : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure… Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et y attacher cent mille lois ? […] Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales. »

Puissions-nous, à l’avenir, nous référer à ces grands auteurs !

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