Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moins d'un an après l'adoption de la loi du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, dite loi Oudin, le Sénat est une nouvelle fois appelé à se pencher sur les actions extérieures des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Ces actions se caractérisent par leur ancienneté, leur diversité et leur importance. Prises en compte dans le calcul du montant total de l'aide publique au développement de notre pays, elles bénéficient du soutien de l'Etat. Leur montant s'est élevé à 230 millions d'euros en 2004, dont 115 millions d'euros au titre de l'aide au développement.
Aujourd'hui, pour être légales, ces actions doivent, en premier lieu, relever de la compétence des collectivités territoriales, en deuxième lieu, ne pas être contraires aux engagements internationaux de la France et, en troisième lieu, présenter un intérêt local.
Or, en l'absence de définition objective, cette dernière notion fait l'objet d'appréciations divergentes de la part des juridictions administratives.
L'insécurité juridique dans laquelle se trouvent actuellement les initiatives locales rend ainsi nécessaire une nouvelle modification de la loi.
La proposition de loi présentée par notre collègue Michel Thiollière, dont je salue l'initiative, tend à prévoir que « les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs groupements peuvent, dans la limite de 1 % des recettes d'investissement, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans le cadre de conventions, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale en cas de catastrophe humanitaire ».
Les catastrophes récentes survenues en Asie du Sud-Est, aux Etats-Unis, au Guatemala et au Pakistan témoignent de la nécessité d'une solidarité internationale. Sollicitées, les collectivités territoriales se sont fortement mobilisées pour venir en aide aux victimes du tsunami. Nombre d'entre elles songent à apporter leur pierre à la reconstruction de la Louisiane. Elles hésitent toutefois à entreprendre de telles actions par peur de la censure du juge administratif.
La proposition de loi présentée par notre collègue tend à sécuriser ces actions et à les encadrer en instituant un plafond de dépenses calculé en fonction des recettes d'investissement.
Si intéressantes soient-elles, les dispositions proposées présentent, pour la commission des lois, plusieurs inconvénients.
Tout d'abord, elles excluent les départements et les régions.
Ensuite, elles peuvent induire, à tort selon nous, un financement de l'action extérieure des collectivités locales par l'emprunt.
Enfin, elles ne lèvent pas les incertitudes nées de la jurisprudence administrative sur la légalité des aides au développement consenties par les collectivités territoriales dans la mesure où elles visent surtout les situations d'urgence.
Aussi, la commission des lois a-t-elle estimé plus opportun, à la lumière des auditions auxquelles j'ai pu procéder, des conclusions du groupe de travail du Conseil d'Etat, présidé par M. Philippe Marchand, et du fructueux dialogue engagé avec le Gouvernement, de modifier le texte de la proposition de loi afin d'atteindre deux objectifs.
Le premier est de donner une base légale incontestable à l'aide au développement consentie par les collectivités territoriales françaises et leurs groupements, tout en exigeant la formalisation de cette aide dans le cadre de conventions avec des autorités locales étrangères.
Le second est d'autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à entreprendre des actions à caractère humanitaire sans passer de convention, lorsque l'urgence l'exige, soit directement, soit en finançant des organisations non gouvernementales ou des associations.
L'intitulé de la proposition de loi a été modifié en conséquence, afin de viser l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Pour encadrer davantage les actions de coopération décentralisée et d'aide humanitaire des collectivités territoriales et de leurs groupements, il eût été envisageable de plafonner les dépenses qu'elles engagent à ce titre.
La commission n'a pas souhaité le faire, car une telle restriction serait allée à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales et, loin de modérer les dépenses de ces dernières, aurait risqué de les exposer à la tentation, ou à la pression, d'atteindre le plafond, alors que tel n'est bien souvent pas le cas.
Enfin, je dois vous dire, pour mémoire, que j'ai longuement hésité à proposer à la commission des lois d'adopter un autre article ayant pour objet de permettre aux collectivités territoriales métropolitaines, à l'instar des départements et des régions d'outre-mer, de passer des accords avec des Etats frontaliers ou des Etats membres de l'Union européenne. Les prérogatives extérieures de l'Etat français auraient en tout état de cause été préservées puisque les collectivités territoriales auraient agi par délégation, donc sous l'autorité et sous le contrôle, de ce dernier.
Si elle repose sur un fondement constitutionnel, l'interdiction faite aux collectivités territoriales et à leurs groupements métropolitains de passer des conventions avec des Etats étrangers suscite en effet des difficultés d'ordre pratique.
En premier lieu, la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat diffère d'un pays à l'autre, certaines compétences des collectivités françaises étant, à l'étranger, exercées par l'Etat.
En second lieu, un projet de règlement européen, qui est en cours d'examen, tend à autoriser la création de groupements européens de coopération transfrontalière auxquels pourraient participer non seulement les collectivités territoriales, mais aussi les Etats membres de l'Union européenne.
A la réflexion, il nous a semblé préférable de ne pas modifier la loi à ce stade et ce pour trois raisons.
Premièrement, même sans texte, l'Etat semble d'ores et déjà pouvoir déléguer sa signature à des collectivités territoriales pour passer des conventions avec des Etats étrangers.
Deuxièmement, consacrer dans la loi une telle possibilité semble susciter sinon des réticences, du moins des inquiétudes.
Troisièmement, si l'on veut éviter de devoir procéder à des modifications incessantes de la loi, mieux vaut attendre l'issue des discussions dont le projet de règlement relatif au groupement européen de coopération transfrontalière fait l'objet.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous propose d'adopter l'article unique des conclusions du rapport qui vous sont soumises.