Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 6 avril 2005 à 15h00
Référendum relatif au projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une constitution pour l'europe — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

En cette période européenne mouvementée, l'Europe doit prendre, dans le coeur des Français, un nouveau départ. J'ai la profonde conviction qu'il n'y aura pas de nouveau départ si l'Europe néglige ou craint de se doter d'un projet politique. Or, aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de projet politique en Europe.

Comme le disait François Hollande, « cette Europe est sans doute trop anonyme dans ses décisions, trop imparfaite dans ses règles, trop lointaine ». Or, pour la première fois, avec ce traité constitutionnel, l'Europe se donne les moyens d'incarner une vision, un projet politique.

Le traité constitutionnel prévoit des objectifs et des principes qu'il définit comme un socle de valeurs communes : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité. [...] Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. » Le texte de l'article I-2 parle de lui-même !

L'affermissement de l'Europe politique passe par la reconnaissance officielle de ces valeurs communes : elles nous donnent une identité politique fondatrice. Mais cette identité ne serait rien sans relais institutionnels solides. Or, pour la première fois dans l'histoire de la construction européenne, cette Europe du traité constitutionnel dispose de leviers politiques majeurs, qui peuvent nous permettre, à la faveur d'un changement de majorité politique, de mettre en oeuvre des politiques publiques européennes différentes.

Par exemple, il crée le poste de président du Conseil européen, dont le titulaire, aux yeux des citoyens, incarnera l'Europe et pourra parler en son nom.

Ce traité étend aussi les domaines dans lesquels le Conseil européen se prononcera à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité, ce qui réduira la possibilité, pour un Etat ou un groupe d'Etats, de bloquer une décision européenne.

Les traités précédents, sous-tendus par un objectif de rapprochement économique communautaire, ne nous permettaient pas de mettre en oeuvre de telles exigences. En effet, l'Europe économique, nous le savons, a débuté à Rome ; elle est passée par Maastricht, et s'est arrêtée à Bruxelles, où fut signé ce traité constitutionnel. Plus qu'un arrêt, c'est une étape, et une étape décisive dans l'édification de l'Europe politique.

Ce traité européen donne en effet un premier contenu à l'Europe sociale, car aujourd'hui celle-ci a au moins fait l'objet d'une reconnaissance officielle : le plein emploi et l'économie sociale de marché ont été désignés comme les objectifs de l'Union, et l'on sait combien les préambules constitutionnels ont une valeur politique qui dépasse celle d'une simple déclaration d'intention.

Les Français reprochent souvent à l'Europe son manque de représentativité démocratique. Nous savons que l'Europe souffre d'une trop grande complexité institutionnelle qui la rend peu lisible pour nos concitoyens. Ils ont le sentiment qu'elle s'éloigne d'eux à mesure qu'elle s'élargit.

Il était donc urgent de répondre à cette attente. Faisons avancer l'Europe pour faire avancer la démocratie : avec ce traité constitutionnel, un pas dans la bonne direction est fait.

En effet, le traité constitutionnel accroît l'emprise du citoyen sur l'Europe en renforçant le contrôle des citoyens sur l'Union. Ainsi, la législation européenne sera soumise à l'examen des parlements nationaux, qui pourront vérifier si les propositions de la Commission s'inscrivent bien dans son domaine de compétence exclusive. Le choix du président de la Commission sera soumis au Parlement européen, qui pourra le révoquer.

Le traité constitutionnel rapproche l'Europe de ses citoyens en leur donnant un droit d'initiative en matière législative : si un million d'Européens le demandent, la Commission pourra déposer un projet de directive allant dans le sens souhaité par eux.

En outre, il renforce et protège les droits des citoyens. L'incorporation de la Charte des droits fondamentaux aura pour effet de permettre aux citoyens de saisir la Cour de justice européenne en cas de violation de cette dernière.

Puisque la question a été posée, il faut redire que le traité ne porte pas atteinte au principe français de laïcité.

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