A ceux qui refusent ou craignent l'Union européenne, je rappellerai qu'elle est déjà faite et que la France a tout à y gagner ; elle y a, d'ailleurs, déjà beaucoup gagné.
Depuis la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, et la Communauté européenne de l'énergie atomique, EURATOM, au début des années cinquante, beaucoup de chemin a été parcouru. Le traité de Rome a conçu la Communauté économique ; l'Acte unique a achevé le grand marché européen ; Maastricht a offert une nouvelle ambition avec la monnaie unique ; enfin, Amsterdam, puis Nice, ont ouvert la voie à la Constitution.
De petit pas en petit pas, à force de volontarisme et de compromis, l'Union européenne s'est dotée d'un ensemble de règles et d'institutions communes. Aujourd'hui, elle s'étend à presque tout le continent.
Certains ne voient que les aspects contraignants de l'Union. Qu'ils songent aussi à ce que cette construction nous a apporté : la réconciliation et la paix durable entre des pays si longtemps ennemis - depuis des siècles, nous n'avions pas connu cinquante ans de paix avec l'ensemble de nos voisins, que ce soient l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne ou l'Autriche -, la possibilité de circuler, de résider, d'étudier, de commercer sur un vaste territoire et, enfin, le développement grâce à la solidarité.
On n'insiste pas assez souvent sur ce dernier aspect. Les fonds structurels européens ont permis à l'Espagne, au Portugal et à la Grèce, ainsi, du reste, qu'à certaines régions françaises, de combler leur retard. Qui peut s'en plaindre aujourd'hui ? Pourtant, en 1986, que n'a-t-on entendu de la part de certains de nos concitoyens, spécialement de ceux résidant dans le sud-ouest ? On allait les étrangler, on allait les ruiner ! Finalement, le rattrapage de leur retard par l'Espagne, le Portugal et la Grèce a été très profitable à l'ensemble de leurs voisins.
Pourquoi accuser les nouveaux adhérents de vouloir en profiter ? Ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres. Nous verrons que ces pays rattraperont vite leur retard, car ils n'ont pas perdu la culture du développement.
L'Europe est bien là, n'en déplaise à ses détracteurs, et un non au référendum ne nous fera pas revenir en arrière. Il nous fera simplement stagner pendant de nombreuses années. La France, dans cet ensemble, perdrait alors beaucoup de son autorité.
En acceptant de transférer ou de partager certaines compétences, non seulement la France n'abandonne ni son identité ni son indépendance, mais elle y gagne.
Qui peut prétendre aujourd'hui que notre pays a suffisamment de poids face aux Etats-Unis, à la Chine, à l'Inde, demain face au Brésil, pour défendre ses positions et ses intérêts ? Qui peut affirmer que notre pays peut lutter seul contre le terrorisme et l'immigration clandestine ou peut protéger seul son environnement ?
Faisons donc preuve de modestie, de réalisme et d'honnêteté en admettant que seule une Europe structurée et puissante sera capable de protéger notre modèle de société et nos intérêts. En son sein, la France peut continuer d'exercer son influence dans le monde.
Mes chers collègues, sur cent citoyens du monde, un seul est français. Il faut quand même bien trouver le moyen de s'arranger avec quelques-uns de ces quatre-vingt-dix-neuf autres ! Il est préférable de le faire avec des gens qui partagent notre vision, notre idéal, nos valeurs. Or qui les partage, sinon les pays d'Europe qui nous sont les plus proches ?
A ceux qui s'interrogent sur le contenu de la Constitution, j'indiquerai simplement quelques-unes des raisons qui motivent le groupe du Rassemblement démocratique et social européen à voter oui.
Nous voterons oui parce que la Constitution européenne consolide les acquis européens et parce que nous sommes convaincus que nous sommes plus forts ensemble pour préserver nos emplois, notre agriculture, notre culture et notre technologie dans la compétition internationale. Les réussites éclatantes, telles que celles d'Airbus ou d'Ariane, en témoignent.
Nous voterons oui parce que, pour la première fois, un traité européen définit un modèle politique et social pour l'Union et parce que celui-ci s'inspire fortement de notre modèle républicain.
Respect de la dignité humaine, droits des minorités, égalité entre les hommes et les femmes, développement durable, accès à l'aide sociale et aux services publics, plein emploi, lutte contre l'exclusion, cohésion territoriale, solidarité entre les générations, droits syndicaux : ces valeurs, ces objectifs ou ces droits fondamentaux, inscrits pour la première fois dans la Constitution européenne, ne reflètent pas franchement une conception ultralibérale !
Un rejet du traité compromettrait les espoirs de placer l'homme au coeur du projet européen et de faire avancer l'Europe sociale. Le grand vainqueur serait finalement le seul marché unique, dont nombre de partisans du non déplorent la vision libre-échangiste et anglo-saxonne.
Nous voterons oui parce que la Constitution européenne permet un fonctionnement de l'Union plus transparent et plus démocratique.
Au fil des traités, nous avons conçu, comme le disait Jacques Delors, un objet politique non identifié. L'Europe n'est pas un Etat, mais ce « non-Etat » dispose d'un budget propre et légifère, selon des procédures qui sont incompréhensibles pour le grand public, par des autorités qui échappent au bulletin de vote des électeurs européens et, en général, dans l'indifférence des médias.
Le texte constitutionnel redonne justement la main au politique en soumettant la Commission à un contrôle renforcé du Parlement européen et des parlements nationaux. Cela est important pour nous car nous serons bien davantage consultés à l'avenir que dans le passé. Du reste, les directives deviendront des projets de loi soumis à débat et à vote.
Enfin, nous voterons oui parce que la Constitution européenne est un premier pas vers une Europe de la défense, nécessaire pour bâtir une « Europe-puissance » et assurer la sécurité des citoyens.
Au-delà de la création d'un poste de ministre des affaires étrangères, qui donne une voix à l'Europe, la principale avancée est certainement l'introduction d'une clause de défense mutuelle.
Pour conclure, je me permettrai d'interroger sur le sens de leur démarche ceux qui, malgré tout, diraient non à la Constitution européenne.
Veulent-ils rompre le pacte qui nous lie depuis cinquante ans à nos partenaires ? Ils prendraient alors de lourdes responsabilités, celle d'enlever toute crédibilité à la France, qui a inspiré l'édifice européen et a beaucoup oeuvré à sa construction, celle d'isoler notre pays et de le priver du moyen de défendre ses intérêts dans le monde. Je vous en supplie : pas de repli frileux sur l'hexagone !
Veulent-ils que la Constitution européenne soit renégociée ? Ils ne sont pas sérieux ! Il a fallu deux ans pour élaborer et faire accepter ce texte par tous les Etats membres.