Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que la commission des affaires culturelles vous demande aujourd'hui d'adopter fait l'objet d'un large consensus.
Elle émane de deux initiatives de deux groupes politiques du Sénat : d'une part, la proposition de loi n° 483 de notre collègue Annie David - que je veux associer à ce débat et à qui je transmets tous nos voeux de prompt rétablissement - et plusieurs membres du groupe CRC tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale ; d'autre part, la proposition de loi n° 511, que j'ai moi-même déposée avec le président Jacques Valade et plusieurs membres de la commission des affaires culturelles et du groupe UMP.
Il est en effet de notre responsabilité, et d'abord de la mienne en tant que rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, de rectifier une disposition adoptée par le Sénat à l'occasion des débats sur ce texte, dès lors qu'elle s'est révélée très nettement difficile à appliquer.
Lors de votre première audition devant la commission des affaires culturelles, au mois de juillet dernier, vous avez vous-même, monsieur le ministre, exprimé votre soutien à toute initiative du Parlement visant à apporter cette modification utile et de bon sens.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la disposition qu'il est aujourd'hui proposé de modifier a été introduite par amendement dans la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école lors des débats en séance publique au Sénat. Confirmée ensuite par la commission mixte paritaire et figurant à l'article 40 de la loi, la disposition introduite par cet amendement prévoit que les délégués départementaux de l'éducation nationale chargés de l'inspection des écoles publiques et privées « ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur commune, ou, à Paris, Lyon et Marseille, de leur arrondissement de résidence. »
Cette disposition était guidée par le souci fort légitime de renforcer la neutralité de ces fonctions, condition, bien sûr, de leur bon exercice. Toutefois, les représentants de ces personnels ont attiré notre attention sur les problèmes d'application que soulève ce texte.
En effet, les délégués départementaux de l'éducation nationale sont très attachés à la dimension de proximité sur laquelle repose, en grande partie, l'efficacité de leur mission.
Nommés par l'inspecteur d'académie, ils sont notamment chargés de faire rapport aux municipalités et aux autorités académiques de l'état et des besoins des établissements préélémentaires et élémentaires de leur circonscription. Dans les écoles, leur visite porte sur l'état des locaux, la sécurité, le chauffage, le mobilier scolaire et le matériel d'enseignement, l'hygiène et la fréquentation scolaire. La fonction s'étend également aux aspects touchant à la vie scolaire, c'est-à-dire aux centres de loisirs, aux transports scolaires, à la cantine, aux bibliothèques et aux caisses des écoles.
Les délégués départementaux de l'éducation nationale sont également membres de droit du conseil d'école.
Interface entre l'école, ses usagers et la municipalité, ils exercent ainsi une mission d'incitation et de coordination, et veillent à faciliter les relations entre les différents membres de la communauté éducative.
A ce titre, la première circulaire ministérielle encadrant la fonction de « délégué cantonal » régie par la loi du 30 octobre 1886, dite « loi Goblet », précise qu'il convient de « rechercher avec soin le concours de véritables amis de l'école ». Et, s'agissant du délégué, le texte poursuit : « Qu'il se souvienne seulement que, s'il doit s'efforcer de tout voir, de tout entendre, de tout observer, ce n'est pas au point de vue technique de l'homme du métier, mais à un point de vue plus général, celui de la famille et de la société. »
Aussi, en raison de la nature même de ces fonctions, qui s'appuient sur une bonne connaissance de l'environnement scolaire local, l'interdiction pour tout délégué d'inspecter les écoles situées dans sa commune de résidence n'apparaît pas tout à fait pertinente.
De surcroît, les quelque 25 000 délégués départementaux de l'éducation nationale actuellement en fonction exercent ces missions à titre bénévole. Ce sont, en grande majorité, des retraités de l'enseignement : 56 % d'entre eux ont plus de soixante ans.
En leur imposant des contraintes et des frais de transport, cette disposition pourrait conduire un grand nombre de ces personnes à renoncer à leurs fonctions. A la veille d'un renouvellement, la Fédération nationale évalue la perte à près de la moitié du corps. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a estimé opportun d'apporter une clarification à la disposition introduite dans la loi pour l'avenir de l'école : il s'agit de restreindre l'interdiction aux seuls délégués exerçant un mandat municipal.
Cet ajustement permet de préciser la portée de ce texte pour lui redonner tout son sens et, bien sûr, toute son efficacité. Sa nécessité et son bien-fondé font consensus.
Les deux propositions de loi sur lesquelles s'est prononcée la commission des affaires culturelles avaient ce même objet général, mais dans des rédactions quelque peu différentes.
Le texte retenu reprend celui de l'article unique de la proposition de loi que j'ai déposée avec le président Jacques Valade et d'autres membres de la commission et du groupe UMP, dans la mesure où sa rédaction est, d'une part, plus précise sur le plan formel et, d'autre part, de plus large portée.
Le texte vise à préciser que, « lorsqu'ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe. »
Ce texte est de portée plus large, car il permet de prendre en compte le cas où deux ou plusieurs communes se sont réunies pour l'établissement et l'entretien d'une école, en application de l'article L. 212-2 du code de l'éducation, et les cas - de plus en plus fréquents - dans lesquels les communes membres d'une structure intercommunale, notamment d'un établissement public de coopération intercommunale, EPCI, ont décidé de lui transférer les compétences en matière scolaire et périscolaire.
Dès lors, un délégué ne pourra visiter les écoles dont la commune où il est un élu contribue au fonctionnement, quand bien même ces écoles seraient situées sur le territoire d'autres communes.
Quant aux délégués des villes de Paris, Lyon et Marseille, si le critère de résidence justifiait une adaptation à leur égard, il ne semble plus souhaitable, pour des raisons de neutralité, qu'ils dérogent au principe fixé dès lors qu'ils sont élus dans l'un des arrondissements de ces municipalités. Mais ces cas sont si peu fréquents que cela ne pose aucun problème.
Cette proposition de loi répond donc au souci d'améliorer l'efficacité du dispositif qui avait été adopté par notre assemblée. Elle le conforte dans l'intention initiale qui avait été la nôtre au moment de l'adoption du texte, à savoir de garantir et de renforcer la neutralité et l'indépendance des délégués départementaux de l'éducation nationale dans l'exercice de leur mission, afin qu'ils ne soient pas « juge et partie ». Cette mission au service de l'intérêt général de l'école ne saurait en effet se confondre avec d'autres intérêts.
Mes chers collègues, au nom de la commission des affaires culturelles, je vous demande d'adopter cette proposition de loi, qui conjugue neutralité et efficacité.
Monsieur le ministre, je souhaite que ce texte, après une large approbation par le Sénat, puisse être présenté à l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais.