Je regrette également que cette réforme laisse de côté certains sujets importants comme celui de la visite médicale et de l’aptitude.
Nous sommes d’accord : les enjeux de la santé au travail imposent d’affirmer la prévention comme mission prioritaire du médecin du travail, ce qui passe impérativement par un renforcement de son action dans l’environnement même du travail, c’est-à-dire sa dimension collective.
Pour autant, il ne faut pas oublier l’approche individuelle. C’est dans le cabinet médical que les salariés peuvent s’exprimer librement, et que les médecins se forgent la meilleure connaissance sur les situations de travail en échangeant avec ceux qui les vivent. L’entretien clinique est donc primordial pour faire le lien entre atteinte à la santé et travail.
En fait, l’approche individuelle et la dimension collective sont complémentaires et s’alimentent l’une l’autre. J’avais eu l’occasion de le rappeler – ceux qui étaient présents s’en souviennent –, et d’affirmer qu’il ne fallait pas donner la primauté à l’une ou l’autre ; or, dans ce texte, on oublie complètement cette approche individuelle.
Pour ce faire, il me paraît essentiel de redonner du sens à la visite médicale, voire d’en changer le nom, comme cela est d’ailleurs suggéré dans le rapport Dellacherie du Conseil économique, social et environnemental : il y est évoqué une « consultation médico-professionnelle » ; une consultation qui tournerait le dos à l’aptitude. Selon moi, l’aptitude n’est pas le volet par lequel on prend le mieux en compte les problèmes de médecine du travail. L’aptitude, c’est la capacité, en dépit de difficultés de santé, à continuer de produire, à travailler. Il faudrait donc tourner le dos à l’aptitude qui est aujourd’hui le pivot des visites d’embauche, au profit d’une logique de maintien de l’emploi. En effet, le critère de l’aptitude ne me semble pas tout à fait adapté à la situation, c’est-à-dire à la prévention des risques qu’encourent les salariés. Pourquoi le texte n’aborde-t-il pas cet aspect de la réforme ?
En conclusion, mes chers collègues, il faut effectivement réformer la médecine du travail, et nous sommes prêts à en discuter – nous l’avions dit lors de l’examen du texte sur les retraites –, mais ce débat doit s’inscrire dans un cadre précis : il s’agit avant toute chose de prendre en compte la santé des salariés, et surtout d’anticiper sur les problèmes qui peuvent se poser.
Pour avoir été rapporteur-adjoint de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, et ma région étant directement concernée par ce problème, je peux affirmer que la prévention est absolument indispensable. Si nous n’avons pas pu empêcher le drame de l’amiante, faire en sorte qu’il soit maîtrisé, c’est parce que, à ce moment-là, – sachez-le bien, mes chers collègues – la médecine du travail, dans bien des cas, n’a pas eu la liberté de s’exprimer ; et quand elle s’est exprimée, elle n’a pas été écoutée ! §