Lors du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, notre groupe avait obtenu l’insertion de deux précisions qui nous paraissaient indispensables : d’un côté, les travailleurs qui sont visés dans le présent article 10 doivent bénéficier d’une protection égale à celle des autres travailleurs ; d’un autre côté, la périodicité des examens médicaux ne peut pas être modifiée.
Je rappelle que le plan Santé au travail pour la période 2010-2014 préconise, d’une part, de cibler la prévention sur certaines branches particulièrement exposées, mais aussi sur certains publics, au nombre desquels figurent ceux qui sont mentionnés à l’article 10, et, d’autre part, de mieux intégrer les problématiques liées à la sous-traitance et à la coactivité.
C’est précisément dans les branches où la pénibilité et les risques sont les plus élevés que l’externalisation des activités à risques s’est le plus développée. Ce n’est évidement pas un hasard, puisque la sous-traitance externalise aussi la hausse des cotisations à la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP.
C’est ainsi une véritable armée de réserve que nous avons vu naître, constituée de travailleurs voués à la précarité, à la sous-rémunération, aux mauvaises conditions de travail et à la flexibilité systématique de l’emploi.
Ces salariés migrants et temporaires, précisément les catégories qui sont énumérées dans cet article, ont des conditions de vie et de travail souvent indignes. Beaucoup se déplacent d’un chantier à l’autre à travers toute l’Europe, ont des horaires de travail sans limitation, vivent dans des locaux de fortune, ne voient plus leur famille dans des conditions décentes, et subissent toutes les crises.
Sur le plan de la santé et de la sécurité, ils sont évidemment les plus exposés, avec le risque de l’accident, ou de la maladie qui se déclenche du fait de l’usure prématurée ou de l’exposition à des substances dangereuses. C’est alors la double peine, puisqu’il leur est quasiment impossible de retrouver un emploi, et leur vie est ruinée sur bien des plans.
C’est pourquoi, sur le fond, nous sommes opposés à la catégorisation, sauf si celle-ci remplit deux conditions : être justifiée par des raisons pratiques incontournables et conduire à un renforcement de la surveillance des salariés concernés. Or, ces précisions ne figurent pas dans le texte de l’article 10.
Si ces deux conditions ne sont pas remplies, et elles ne semblent pas l’être, les exceptions prévues aboutiront à ce que ces travailleurs soient examinés par des médecins non spécialisés. En fait, à la sous-traitance du travail correspondra la sous-traitance de la surveillance médicale. Nous sommes donc conduits à vous demander, mes chers collègues, de voter la suppression de l’article 10, au nom du principe de précaution.
Enfin, que prévoit le décret qui déterminera les règles d’organisation, de choix et de financement des SST, ainsi que les conditions de surveillance de ces travailleurs ? Des modalités de surveillance renforcée de ces catégories précarisées et fragilisées sont-elles prévues ?
Monsieur le ministre, depuis le début de la préparation de ce texte, il semble évident que le projet de décret est prêt. Si tel est le cas, pourriez-vous nous en communiquer le contenu ? Dans le cas contraire, quand sa rédaction sera-t-elle achevée ?