Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 15 juillet 2009 à 14h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’absence de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général du budget, retenu à l’étranger, il m’incombe de présenter le rapport de la commission des finances sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008.

Il ne s’agit plus, comme cela a pu l’être par le passé, d’une simple formalité. L’examen de ce projet de loi se situe, en effet, à une phase charnière du cycle budgétaire.

C’est à la fois un « moment de vérité », pour reprendre la formule désormais consacrée, permettant de confronter les prévisions aux dépenses effectives, c’est-à-dire les promesses aux réalisations, et un moment de cohérence, où l’on est en mesure de tirer les conséquences de l’exécution du dernier budget n-1 en vue de l’élaboration de celui de l’année n+1. Le débat d’orientation budgétaire pour 2010, qui aura lieu demain, va ainsi pouvoir s’appuyer sur l’état des lieux auquel a procédé la commission des finances dans son rapport écrit sur l’exécution 2008.

Sans doute s’agit-il d’un rendez-vous traditionnel, mais, cette année, il me semble moins anodin que jamais. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaiterions qu’un tel débat puisse trouver sa place au sein de la session ordinaire, ou, à tout le moins, se dérouler avant le 14 juillet. Certes, nous connaissons les contraintes qui ont pesé sur l’agenda parlementaire au cours du premier semestre de cette année.

L’année 2008 apparaît doublement significative : elle traduit non seulement le choc de la crise, mais aussi le poids du passé, c’est-à-dire de trente-cinq ans de déficits.

Elle est la première à subir, de façon déjà marquée, l’impact de la crise sans précédent que traverse l’économie mondiale depuis le second semestre de 2008.

Elle est aussi le reflet de la douce insouciance, qui a conduit tous les gouvernements, depuis la crise du pétrole de 1974, à s’accommoder de déficits, même en phase haute du cycle.

À ces deux titres, elle préfigure, à quelques nuances près, sur lesquelles je reviendrai, la situation critique à laquelle nous allons devoir faire face en 2009.

Deux phénomènes majeurs caractérisent l’année budgétaire 2008 : d’une part, le gonflement du déficit budgétaire essentiellement dû à la nette chute des recettes fiscales consécutive au brutal ralentissement de l’activité économique mais aussi à la propension, il est vrai déjà ancienne, à accorder des allégements d’impôts non compensés – j’insiste sur ce point, monsieur le ministre ; d’autre part, l’alourdissement de la charge de la dette publique, à la croissance de laquelle l’on semble se résigner, malgré la menace qu’elle constitue pour la pérennité de notre modèle économique et social.

Certes, l’inflation forte a laissé la place à une quasi-stabilité des prix, tandis que les taux d’intérêt diminuent pour atteindre des points bas historiques, mais ces inversions de tendance ne changent pas, selon moi, l’attention toute particulière qu’il faut porter à la dette publique et à ses modalités de financement.

Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé les résultats de la gestion 2008. Je n’y reviendrai donc pas.

La dégradation tient, d’abord, au recul brutal de l’activité et à ses conséquences sur les recettes mais elle résulte également, pour une large part, de la gestion budgétaire passée. Il ne faudrait pas que la crise ait, en quelque sorte, « bon dos » et vienne masquer le fait que le déficit budgétaire est largement structurel.

Relevons aussi que le constat établi par la commission des finances ne comporte pas que des points négatifs. En particulier, il convient de se féliciter – indépendamment des questions de méthode sur lesquelles je reviendrai – de la maîtrise des dépenses, dont la progression reste limitée à la hausse des prix.

Au titre des points positifs de l’exécution 2008, je mentionnerai en tout premier lieu le fait que les dépenses de personnel apparaissent maîtrisées – elles progressent de 1 % –, passant de 118, 4 milliards d'euros à 119, 6 milliards d’euros entre 2007 et 2008.

Cette tendance peut être rapprochée de l’évolution des effectifs de l’État. On relève ainsi tout d’abord une consommation des emplois en diminution de 78 339 équivalents temps plein travaillé, les ETPT, par rapport à l’exécution 2007, soit 3, 5 %, essentiellement imputable – à hauteur de 55 000 équivalents temps plein travaillé – aux mesures de décentralisation ou de transferts de missions à certains opérateurs. Selon l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, « la diminution réelle des ETPT est ainsi évaluée à 23 300 ».

On constate, par ailleurs, une sous-consommation de 21 861 équivalents temps plein travaillé par rapport au plafond d’autorisation d’emplois autorisé en loi de finances initiale pour 2008. Cette sous-consommation résulte d’une surévaluation des plafonds d’emplois en loi de finances initiale, de mouvements de décentralisation de personnel supérieurs de 1 000 équivalents temps plein travaillé à la prévision, ainsi que d’une diminution des effectifs réels des ministères supérieure d’environ 5 300 équivalents temps plein travaillé à la prévision.

Certains ministères, à l’instar de celui de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, semblent ainsi avoir anticipé en 2008 les suppressions d’emplois programmées par le budget triennal 2009-2011.

En revanche, du côté des recettes, le présent projet de loi de règlement des comptes vient prolonger des tendances, il est vrai préoccupantes, déjà amorcées depuis quelques années.

Mes chers collègues, la diminution de près de 12 milliards d’euros des recettes nettes par rapport à la loi de finances initiale alimente de légitimes inquiétudes sur la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, à l’horizon d’une loi de programmation des finances publiques dont il était clair, dès l’origine, qu’elle sous-estimait l’impact de la crise.

Au-delà des effets de la détérioration de la conjoncture, et même de l’impact des premières mesures de relance, il faut voir dans le décalage croissant entre les recettes brutes et les ressources nettes la conséquence d’une propension à multiplier les allègements fiscaux.

Quelles que soient les raisons invoquées, notamment l’importance des prélèvements obligatoires ou la nécessité de récompenser la prise de risque et l’initiative, nous ne pouvons que regretter de voir se multiplier des aménagements de notre fiscalité qui ne sont pas compensés et sont donc, en définitive, financés par un endettement accru.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion