Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Limite d'âge de fonctionnaires — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est saisi en premier du projet de loi tendant à reculer la limite d’âge des fonctionnaires occupant un emploi supérieur, pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

En 2009, l’âge moyen de départ à la retraite des agents de la fonction publique d’État était de 59, 7 ans. Il variait entre 60, 9 ans pour les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie sédentaire et 56, 5 ans pour ceux de catégorie active. Entre 2003 et 2009, il a augmenté de treize mois.

Alors qu’ils peuvent demander à partir à la retraite à l’âge de 60 ans ou de 62 ans depuis la réforme de 2010, certains fonctionnaires demeurent en activité jusqu’au jour où ils atteignent la limite d’âge du corps auquel ils appartiennent. Cette dernière est fixée à 65 ans, sauf texte contraire. Elle sera progressivement reculée à 67 ans, en application de la loi portant réforme des retraites adoptée en 2010.

En 2009, environ 4, 9 % des fonctionnaires partant à la retraite avaient 65 ans et plus.

Les limites d’âge sont régies par la loi du 13 septembre 1984 et par des textes épars. Plusieurs dispositions applicables à l’ensemble des fonctionnaires prévoient le maintien de ces derniers en activité au-delà de l’âge limite. Ces dérogations reposent sur des critères liés soit à la situation familiale, soit à la carrière du fonctionnaire.

Ainsi, la limite d’âge peut être reculée d’une année par enfant à charge ou par enfant handicapé, dans la limite de trois ans. De même, lorsque le fonctionnaire était parent d’au moins trois enfants vivants à l’âge de 50 ans, il peut demander à bénéficier d’un recul de la limite d’âge d’une année. Celui qui peut bénéficier des deux mesures doit choisir la plus favorable des deux.

Il existe également une dérogation liée à la carrière du fonctionnaire. Ainsi, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a permis à ceux qui ne peuvent se prévaloir de 160 trimestres d’activité de demander, sous réserve de leur aptitude et de l’intérêt du service, à être maintenus dans les cadres jusqu’à atteindre l’ancienneté requise, mais sans pouvoir excéder une durée de dix trimestres.

Cette disposition m’a d’ailleurs conduit à examiner la situation des chercheurs et à m’interroger sur le risque de leur expatriation, qui fut médiatisé naguère au travers du cas du professeur Luc Montagnier. Or l’impact de la limite d’âge sur les directeurs de recherche doit être relativisé : un grand nombre de scientifiques relèvent d’un statut de caractère privé, qui leur permet de poursuivre leur activité sans véritable contrainte d’âge. Ceux qui relèvent d’un statut public peuvent prolonger leur travail de recherche dans le cadre de l’éméritat.

Il n’a donc pas paru utile d’aller plus loin dans cette voie à l’occasion de l’examen du présent texte.

En revanche, les auditions ont permis de constater que de nombreux chercheurs éprouvaient les plus grandes difficultés à atteindre la durée requise de 160 trimestres. En effet, ils ont le plus souvent commencé à travailler tardivement et passé plusieurs années à l’étranger. Certains établissements publics à caractère scientifique et technologique, comme le CNRS, ne permettent pas à leurs chercheurs de bénéficier du dispositif de carrières incomplètes, privilégiant le recrutement de jeunes chercheurs. Il y a là un véritable problème, qui justifierait que nous approfondissions notre réflexion sur cette situation.

En 2009, sur 68 167 agents de la fonction publique d’État partant à la retraite, plus de 3 000 ont bénéficié des dispositifs de report de la limite d’âge liés aux critères familiaux et un peu plus de 900 du dispositif de carrières incomplètes.

En outre, des dérogations à la limite d’âge sont propres à certaines catégories de fonctionnaires.

Ainsi, un fonctionnaire qui occupe un emploi supérieur et qui atteint la limite d’âge dans les trois mois précédant la fin du mandat du Président de la République peut être maintenu en activité.

Une disposition similaire est applicable aux fonctionnaires territoriaux titulaires d’un emploi pouvant être pourvu directement par l’organe exécutif de la collectivité territoriale à laquelle ils sont attachés : si le renouvellement du mandat de l’assemblée délibérante intervient dans les dix-huit mois suivant le jour où le fonctionnaire a atteint la limite d’âge, celui-ci peut poursuivre sa mission.

Par ailleurs, afin d’assurer la continuité du service public, les magistrats de l’ordre judiciaire peuvent être maintenus en activité jusqu’au 30 juin suivant la date à laquelle ils ont atteint la limite d’âge. Il en est de même pour les enseignants.

Enfin, peuvent être maintenus en activité en surnombre jusqu’à 68 ans les magistrats et les professeurs de l’enseignement supérieur.

Une autre dérogation à la limite d’âge résulte de la jurisprudence administrative, le Conseil d’État ayant précisé, en 2001, qu’un fonctionnaire pouvait être maintenu dans son emploi de préfet au-delà de la limite d’âge jusqu’à la nomination de son successeur si cette mesure est « rendu[e] nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ».

Le présent projet de loi tend donc à remédier aux insuffisances qui ont été constatées et à mieux encadrer les dérogations aux limites d’âge applicables aux fonctionnaires occupant des emplois supérieurs.

Mes chers collègues, le texte qui vous est soumis ne vise, comme M. le secrétaire d'État vient de le rappeler, que les emplois supérieurs définis par l’article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Il s’agit, par exemple, des préfets, des ambassadeurs, des recteurs ou encore des directeurs d’administration centrale.

Ce qui caractérise ces emplois, dont on estime le nombre entre 500 et 600, c’est que leur nomination est laissée à la discrétion du Gouvernement. Ils peuvent être occupés indifféremment par des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires ; ces derniers ne sont pas assujettis à la limite d’âge.

Les titulaires des emplois supérieurs sont des relais importants de la politique gouvernementale. Or les fonctionnaires qui occupent ces emplois demeurent soumis aux mêmes règles en matière de limite d’âge que celles qui sont applicables à n’importe quel autre agent de l’État. Cette situation peut, dans certains cas, se révéler problématique pour l’application de la politique menée par le Gouvernement et pour la continuité du service, en particulier lorsque le fonctionnaire titulaire de cet emploi, atteint par la limite d’âge, possède des compétences et une expérience telles qu’il est difficilement remplaçable dans l’immédiat. Le projet de loi tend à remédier à cette difficulté.

Le dispositif proposé ne devrait concerner chaque année que quelques fonctionnaires – moins d’une vingtaine. En outre, le maintien en activité ne sera pas systématique, comme M. le secrétaire d'État vient de le préciser. Plusieurs conditions devront être remplies. Ainsi, il faudra que le fonctionnaire occupe l’un des emplois supérieurs précités au moment où il atteint la limite d’âge. Son maintien dans ses fonctions devra être justifié par l’intérêt du service et recueillir son accord. La durée de la prolongation dans l’emploi devra être précisée dans la décision de nomination et ne pourra dépasser deux ans. Enfin, le fonctionnaire demeurera révocable à tout moment et sans justification.

Mes chers collègues, ce dispositif est apparu à votre commission des lois comme une voie médiane entre la suppression de toute limite d’âge pour ces fonctionnaires et le rétablissement d’une limite d’âge élevée. Je rappelle d'ailleurs que celle de 70 ans a été supprimée voilà seulement quelques années.

Ce texte permettra donc d’atténuer la différence de traitement entre les titulaires de ces emplois selon qu’ils bénéficient ou non d’un statut de fonctionnaire. En effet, pour ceux qui n’entraient pas cette catégorie, les contraintes n’existaient pas.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification le projet de loi qui nous est soumis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion