C’est aussi une garantie d’indépendance et d’impartialité pour l’autorité judiciaire, qui peut ainsi choisir librement le service de police judiciaire compétent.
En outre, cela crée une émulation entre services enquêteurs et permet, lorsqu’un policier ou un gendarme est mis en cause, de saisir un service enquêteur n’appartenant pas à son corps.
La gendarmerie nationale assure aussi la police judiciaire et la prévôté dans les armées. Ce rôle particulier au sein des forces armées, mais en dehors des armées, explique qu’elle soit qualifiée d’« arme ».
Cette position permet à la gendarmerie de contrôler les armées. À cet égard, elle est indispensable, car les autres solutions ne sont pas satisfaisantes : soit les armées se contrôlent elles-mêmes, soit cette mission incombe à la police nationale, qui ne dispose pas de la culture militaire suffisante.
L’existence de deux forces ayant une organisation et un fonctionnement distincts est également nécessaire pour faire face à des besoins différents.
La police et la gendarmerie sont compétentes sur l’ensemble du territoire de la République, notamment en matière de police judiciaire et de maintien de l’ordre. Elles n’en ont pas moins des zones de compétences privilégiées.
Sur le plan géographique, à la logique de concentration de la population et des unités de la police nationale dans les très grandes agglomérations s’oppose une logique de maîtrise des espaces et des flux pour la gendarmerie nationale. Ces différences commandent le choix de l’organisation et du statut de chaque force.
La maîtrise de 95 % du territoire par la gendarmerie suppose un maillage dense de petites unités très déconcentrées. Une telle organisation requiert une disponibilité totale que seul le statut militaire permet et qui implique le logement en caserne.
Si son utilité n’est pas contestable, le dualisme « policier » doit néanmoins être coordonné et rationalisé pour atteindre son efficacité maximale. Plusieurs écueils doivent être évités : une concurrence exacerbée et des rivalités ; les doublons ; la non-interopérabilité.
Toutefois, il convient de remarquer que ces écueils existent également au sein d’une même force de police ou entre plusieurs forces de police à statut civil : ils ne sont pas spécifiques au dualisme français.
À cet égard, la situation française, qui voit coexister deux forces principales de sécurité intérieure, est relativement concentrée par rapport à celle que connaissent d’autres démocraties comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou l’Allemagne, où chaque agglomération ou chaque Land dispose de sa propre force de police.
Tout l’enjeu du projet de loi réside dans cette double exigence : préserver le dualisme et renforcer l’efficacité des deux forces. Je crois, madame le ministre, que, tel qu’il a été amendé par nos commissions, ce texte atteint ces deux objectifs, car il pose les garde-fous nécessaires et ouvre la voie à des coopérations et à des synergies renforcées.
Le projet de loi de finances pour 2009, que nous venons d’examiner, prévoit d’ailleurs de nombreuses mutualisations. Néanmoins, là encore, le souci d’équilibre doit toujours prévaloir. La lutte contre les doublons ou les défauts de coordination, aussi légitime soit-elle, ne doit pas faire perdre de vue les vertus du dualisme.
La mutualisation des moyens ne doit pas être recherchée systématiquement, par principe : en fin de compte, la spécificité des deux forces perdrait sa justification. Sauf exception, la capacité à travailler en commun ne doit pas conduire à fusionner des unités ou services. La concurrence entre deux forces, à la condition qu’elle ne soit pas exacerbée, est aussi un facteur d’efficacité.
Ces remarques valent également pour certaines des fonctions support qui font l’objet des principales mutualisations. À cet égard, je me réjouis par exemple, madame le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission des lois que la fusion de l’Institut national de la police scientifique et de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale n’était pas à l’ordre du jour. Il me semble en effet important et même indispensable, dans ce domaine, de conserver deux organismes.
Je ne reviendrai pas sur toutes les dispositions du projet de loi, que mon collègue Jean Faure et vous-même, madame le ministre, avez déjà présentées excellemment. J’insisterai seulement sur l’article 3 du projet de loi, relatif à l’autorité du préfet, qui fait l’objet d’une divergence partielle de points de vue entre les deux commissions.
L’affirmation de manière aussi claire de l’autorité du préfet est importante sur le plan politique, même si l’essentiel du chemin a déjà été parcouru grâce à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui dispose que le préfet dirige l’action de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le département et que celles-ci doivent lui rendre compte de l’exécution de leurs missions. Lors de votre audition, madame le ministre, vous aviez d’ailleurs déclaré que le projet de loi ne changerait rien à la nature des relations actuelles entre les préfets et la gendarmerie dans les départements.
Dans ces conditions, il est certainement possible de trouver un compromis respectueux du caractère militaire de la gendarmerie et de l’efficacité de l’action de l’État dans le département.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.