Le premier est celui de l’indépendance énergétique assurée par l’énergie nucléaire.
Je rappelle ici que cette filière dite d’exception repose sur un minerai dont les quantités sont limitées – même si elles sont encore exploitables durant quelques petites décennies – et qui, de surcroît, se trouve sur des territoires que nous ne maîtrisons pas. À cet égard, je ne reviendrai pas sur les événements dramatiques qui se sont déroulés au Niger. Mais est-il raisonnable de claironner que cette filière industrielle garantit notre indépendance énergétique, alors même que les gisements nécessaires nous échappent totalement ?
Selon le deuxième dogme, l’énergie nucléaire est une énergie propre qui n’émet pas de gaz carbonique. Là encore, c’est un écran de fumée qui cache mal une autre réalité, celle de l’ensemble des énergies grises utilisées par la filière.
Oui, il faut du gaz carbonique pour extraire le minerai au Niger et le transformer ici. Il en faudra aussi pour traiter, demain, les centrales nucléaires en fin de vie ; il en faudra aussi pour traiter, demain, les déchets nucléaires. Lorsque l’on additionne l’ensemble du gaz carbonique issu de ces activités, le bilan n’est pas très glorieux !
Certaines études menées en Allemagne ont démontré qu’une bonne centrale à gaz accompagnée d’une installation en cogénération présente un meilleur bilan carbone que nos centrales nucléaires.
Le troisième dogme affirme la rentabilité du courant nucléaire. N’en déplaise à M. le secrétaire d’État, qui n’a pas été suffisamment attentif aux propos que j’ai tenus hier, ou à l’intention de ceux de nos collègues qui n’étaient pas présents à ce moment-là, je rappellerai que nous n’internalisons pas certains coûts importants dans le prix du courant nucléaire.
Ainsi, le prix du traitement des centrales en fin de vie est quasiment inconnu. Autrement dit, les provisions qui sont inscrites ne correspondent pas à la réalité. Jusqu’à présent, aucun pays ne s’est engagé dans l’opération extrêmement difficile et complexe qui consisterait à évaluer ces coûts. Avancer aujourd’hui un chiffre, ce n’est pas sérieux !
Il en est de même pour la filière des déchets nucléaires qui, en fin de course, s’évaporent quelque part en Russie, dans des conditions de stockage inacceptable au regard de la sécurité. De grâce, ne parlons pas de provisions qui tiendraient compte de l’ensemble des coûts ! Là non plus, ce n’est pas sérieux.
Nous allons devoir faire des choix stratégiques. Or choisir, c’est regarder l’avenir. Construire le futur, ce n’est pas s’appuyer sur une énergie fossile limitée, mais réfléchir en termes d’énergies renouvelables. Se tourner vers l’avenir, c’est le préparer et éviter de mettre sous perfusion des centrales nucléaires qui devraient s’arrêter. C’est planifier une sortie du nucléaire raisonnée, en procédant par étapes. C’est aussi ne pas relancer la filière à coups de milliards d’euros. Enfin, c’est réfléchir en termes de filières industrielles.
En effet, pour créer un emploi dans la filière industrielle nucléaire, on dépense aujourd’hui 14, 5 millions d’euros. Pour créer un emploi dans la filière éolienne, il faut 250 000 euros, soit soixante fois moins. Et la dépense est encore moindre quand on raisonne en intégrant les économies d’énergie ainsi réalisées !
Mes chers collègues, réfléchissons ! Les 35 milliards d’euros que EDF se prépare aujourd’hui à dépenser dans des centrales qui, pour certaines, sont obsolètes, permettraient, par exemple, de créer 140 000 emplois dans la filière éolienne. Cela nous permettrait surtout d’essayer de rattraper le retard considérable que nous avons pris par rapport à nos voisins étrangers en matière d’énergies renouvelables.