Reprenant les propositions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, le projet de révision constitutionnelle s’articule en trois volets : création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques ; monopole accordé aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires ; organisation de la discussion du projet de programme de stabilité financière adressé chaque année aux institutions européennes.
On peut rappeler, car on l’a un peu oublié, que le projet s’inscrit dans l’approche, timide, engagée par la révision constitutionnelle de 2008, qui instaurait les lois de programmation des finances publiques, s’inscrivant dans l’objectif d’équilibre des finances publiques !
Nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, notamment, nous proposaient déjà d’aller plus loin, mais l’Assemblée nationale ne nous avait pas suivis. J’y reviendrai.
Sur le premier point, à savoir la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, le texte adopté par l’Assemblée nationale, sous réserve d’améliorations rédactionnelles que nous partageons avec la commission des finances, vise à instaurer un cadre constitutionnel précis et contraignant en matière d’équilibre budgétaire.
C’est ainsi qu’est créée une nouvelle catégorie de lois, celle des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui remplaceraient les actuelles lois de programmation des finances publiques et devraient déterminer les normes d’évolution des finances publiques « en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques ».
En principe, une loi organique devra préciser le contenu des lois-cadres. J’aurais presque souhaité que, pour modifier les lois-cadres, on soit un petit peu plus précis dans la Constitution, à l’image de la loi fondamentale allemande.
La loi organique devra donc préciser le contenu des lois-cadres, leur procédure d’adoption et de modification en cours d’exécution budgétaire, ainsi que celles de leurs dispositions dont le respect devrait s’imposer aux lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.
Plusieurs dispositions du texte renforcent le caractère impératif de ces lois-cadres.
Elles devraient avoir une durée minimale d’application de trois années.
Elles définiraient les règles de gestion des finances publiques ainsi qu’un plafond de dépenses et un plancher de recettes qui s’imposeraient aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Enfin, l’absence de loi-cadre bloquerait l’adoption de toute loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.
La procédure d’adoption des lois-cadres est par ailleurs calquée sur celle qui est applicable en matière de projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, dont, notamment, et c’est normal, la priorité de dépôt à l’Assemblée nationale et la discussion en séance sur le texte transmis par le Gouvernement ou voté par l’autre assemblée, et non sur celui qui serait établi par la commission.
Pour permettre une sorte de respiration, l’Assemblée nationale a, en outre, avancé le dépôt du projet de loi de finances au 15 septembre et celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale au 1er octobre. Nous proposons de préciser les modalités de contrôle par le Conseil constitutionnel de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour éviter que l’une n’ait à supporter les éventuels écarts de l’autre. Il faut un examen d’ensemble par rapport aux lois-cadres.
L’article 9 du projet de révision soumet les lois-cadres à un contrôle systématique du Conseil constitutionnel avant leur promulgation, comme pour les lois organiques, ce que l’on ne peut qu’approuver – comme l’a prévu l’Assemblée nationale en ce qui concerne le contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel sur la conformité des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques.
Les ministres ayant développé avec talent, comme à leur habitude, le troisième volet de la révision, je n’évoquerai que très brièvement le vote annuel du Parlement sur le projet de programme de stabilité adressé aux institutions européennes.
C’est un progrès incontestable visant à un meilleur contrôle du Parlement, d’autant que l’Assemblée nationale a complété cette procédure pour prévoir, d’une part, l’examen du projet par une commission permanente – nous proposerons qu’il y en ait éventuellement plusieurs – de chaque assemblée saisie pour avis et, d’autre part, qu’elle puisse donner lieu, à la demande du Gouvernement ou d’un groupe parlementaire, à un débat en séance publique et fasse l’objet d’un vote, sans engagement de la responsabilité du Gouvernement.
Nous aurions pu en rester là si le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus n’avait pas donné son assentiment à l’inscription de la règle du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, qui figure aux alinéas deux à six de l’article 1er du présent projet de loi.
Cette inscription de la règle du monopole a bien été proposée par nos éminents collègues Jean Arthuis et Philippe Marini. Le rapport Camdessus souligne d’ailleurs que la dispersion des sources d’initiative en matière de prélèvements obligatoires « met à mal en permanence les articles d’équilibre initialement adoptés ».
On ne peut que souscrire à l’objectif visé, mais les difficultés posées par le monopole confié aux lois financières ne sont pas mineures et ne sauraient être balayées d’un revers de main, tant elles ont d’incidence sur l’équilibre de nos institutions. Si ce monopole était aménagé, à mes yeux, cela ne remettrait nullement en cause l’architecture du projet de révision constitutionnelle.
À l’Assemblée nationale – cela constituera sans doute ici aussi l’essentiel du débat –, cette question a été au centre des discussions, la position de la commission des lois aboutissant à supprimer tout simplement ce monopole – je vous renvoie à la page 33 du rapport du président Jean-Luc Warsmann –, sans omettre les propositions du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, qui prévoyait l’institution des lois de prélèvements obligatoires, se rendant bien compte qu’il y avait un petit problème.
À ce sujet, cinq arguments ont été développés que je ne fais que reprendre.
Un tel monopole empêcherait que la réforme d’une politique publique soit accompagnée d’une discussion et d’une décision sur les moyens qu’elle suppose et sur les coûts ou les économies qu’elle induit. Ce n’est pas complètement faux…
Le monopole conféré aux lois financières risque de dégrader les conditions de discussion des réformes relatives aux prélèvements obligatoires. Cela durera trois semaines, et après ce sera fini.
Le caractère double du monopole – fiscal et social – peut conduire à alourdir encore davantage les procédures.
La réforme aurait des conséquences très contraignantes pour l’initiative parlementaire, car l’extension du domaine exclusif des lois financières priverait les parlementaires de la possibilité de déposer des propositions de loi contenant des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales, ou de déposer, sur des textes non financiers, des amendements contenant des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales.