Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 14 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés, depuis plus de trente ans, à des déséquilibres budgétaires de grande ampleur. Le budget de la nation a drainé, toutes ces années, un endettement qui s’accroît, ce qui reporte la charge sur les générations futures.

Cessons donc la course effrénée à l’endettement ! Au-delà de l’objectif que le Président de la République s’est fixé voilà quatre ans, il s’agit d’un engagement vertueux, fort, pour notre pays et les générations à venir.

C’est l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics, notamment en période de croissance, qui a conduit aux déséquilibres budgétaires actuels. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés devant les Français à inscrire une règle d’or qui interdirait tout déficit budgétaire en dehors des dépenses d’investissement. Mais, avec la crise, qui a fait exploser le déficit budgétaire et la dette publique de la France, l’idée a pris du temps à mûrir. Pourtant, la constitutionnalisation de la règle d’or pourrait contribuer au redressement de nos finances publiques.

Ces contraintes sont désormais défendues à l’échelon européen. Les autorités estiment en effet qu’elles aideront à réduire les déficits et donc à consolider une zone euro actuellement en proie à une crise de confiance liée aux problèmes de financement de certains de ses membres.

Nous souffrons d’un problème structurel pour maîtriser nos comptes sur le moyen terme. Or la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques constituent non seulement une nécessité économique, mais également un impératif moral si nous voulons préserver notre liberté de choix pour la préparation de l’avenir, protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté.

Cette situation appelle donc une amélioration de la gouvernance de nos finances publiques.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à respecter la trajectoire de déficits publics inscrite dans la loi de programmation des finances publiques – 6 % en 2011, 4, 6 % en 2012 et 3 % en 2013 –, quelles que soient les conditions économiques. C’est une trajectoire ambitieuse, peut-être réalisable, comme vous nous l’avez d’ailleurs démontré. Il est donc de notre devoir de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement et le Président de la République.

La véritable question est aujourd’hui centrée, non pas sur l’objectif, mais sur la méthode. Vous nous proposez ainsi d’inscrire dans notre Constitution trois séries de dispositions de nature à modifier de manière radicale la gouvernance de nos finances publiques.

Tout d’abord, le projet de loi constitutionnelle tend à créer un instrument juridique nouveau, à savoir les lois-cadres d’équilibre des finances publiques – je n’apprécie pas vraiment cet intitulé, les lois-cadres ayant laissé un assez mauvais souvenir sous la IVe République –, dont les dispositions auront pour objectif, à un horizon pluriannuel défini, d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois-cadres pluriannuelles s’imposeront aux textes financiers ordinaires annuels.

Ensuite, le texte vise à assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale afin de régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale. Son objet est d’éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs, qui nuit à la cohérence globale de la stratégie budgétaire.

Enfin, vous proposez d’inscrire dans la Constitution le principe d’une transmission systématique au Parlement du projet de programme de stabilité avant qu’il ne soit adressé à la Commission européenne dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 avait déjà posé quelques jalons : l’article 34 de la Constitution prévoit désormais que les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation répondant à l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois de programmation préfigurent ce que pourraient être les lois-cadres en fixant, sur une période triennale, les plafonds globaux, par mission, des dépenses de l’État ainsi que l’impact annuel minimum des mesures nouvelles en recettes.

Cependant, vous souhaitez que nous franchissions une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d’un retour durable à l’équilibre des finances publiques. Il s’agit de mieux prendre en compte les échéances auxquelles nous devons faire face, notamment vis-à-vis de nos partenaires européens.

Nous souscrivons à l’idée que la Constitution ne se limite pas à organiser le fonctionnement de nos institutions, mais qu’elle est aussi l’expression du pacte social, comme M. le garde des sceaux nous l’a rappelé. Cette conception nous permettrait d’inclure dans la Constitution ce qu’on a appelé, à une certaine époque, les normes optatives, d’après les termes mêmes du professeur André Hauriou, qui, je le rappelle, fut également sénateur.

L’un de nos voisins et partenaires, l’Allemagne, a inscrit dans sa Constitution un calendrier de retour à l’équilibre budgétaire. Il s’agit aujourd’hui de nous engager, non pas dans une voie commune, mais dans une démarche parallèle afin de préserver notre modèle social et notre souveraineté pour les générations futures.

Je souhaite maintenant revenir sur plusieurs aspects du projet de loi constitutionnelle qui ont un impact important sur le fonctionnement du Parlement.

Il convient de rappeler ce que dit la Constitution en ce qui concerne les droits du Sénat. Ainsi, aux termes de l’article 39, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. L’article 72-2 dispose, quant à lui, que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes.

Dès lors, il est difficile d’imaginer comment le Sénat pourrait discuter de l’organisation et des compétences des collectivités territoriales, tandis que l’Assemblée nationale légiférerait simultanément sur les finances locales. Il y a là un problème compliqué à résoudre. J’espère que nous trouverons une solution au cours de notre débat.

N’oublions pas non plus que, à l’occasion des réformes de retraites, de la justice, de la politique environnementale ou de la recherche, il n’est pas possible d’aborder la question des moyens séparément du fond. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront-elles comprendre une série de dispositions complétant les réformes adoptées en cours d’année ?

Je sais que cette question a été longuement débattue en commission des lois. Je tiens d’ailleurs, en cet instant, à saluer son travail, sous l’autorité de Jean-Jacques Hyest, lequel a su nous proposer des solutions juridiquement valables et financièrement réalistes. Le sujet est d’autant plus important pour le Sénat que toute modification de l’article 39 et de l’article 72-2 de la Constitution aboutirait à une diminution de ses pouvoirs et donc à une transformation non désirée de la Constitution.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne le contrôle du respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Du fait de leur nature, les lois-cadres seront soumises avant leur promulgation à un contrôle systématique du Conseil constitutionnel. Celui-ci vérifiera leur conformité non seulement à la Constitution, mais aussi à la loi organique qui devra préciser les modalités de vote, leur contenu et les conditions de modification.

Nos collèges députés ont complété ce dispositif en portant une atteinte indéniable, comme l’a dit M. Hyest, aux travaux parlementaires. C’est pourquoi nous soutenons les propositions de la commission des lois en la matière, qui reviennent sur les mesures adoptées par l’Assemblée nationale.

Enfin, le texte prévoit que le Parlement votera sur le projet de programme de stabilité, sans avoir participé à son élaboration et sans que ce vote aboutisse à un texte engageant le Gouvernement. La solution proposée par la commission des lois d’ouvrir la discussion à toutes les commissions intéressées en permettant à une ou plusieurs commissions permanentes d’émettre un avis nous semble être équilibrée, le projet de programme de stabilité étant susceptible d’avoir des effets sur les finances de l’État, comme sur celles des collectivités territoriales et sur les comptes sociaux.

À ce stade, je forme le vœu que la Haute Assemblée ait une attitude responsable durant nos travaux et qu’elle élabore enfin un outil qui concilierait respect de l’initiative parlementaire et retour à l’équilibre budgétaire. La règle d’or que nous allons instituer à travers cette révision constitutionnelle est, certes, une règle contraignante, mais elle ne remplacera jamais le volontarisme politique pour réaliser les efforts nécessaires en matière de rigueur budgétaire. Il appartient à chacun de faire preuve de responsabilité !

Ces remarques étant faites, c’est donc sans surprise que je vous annonce d’ores et déjà que le groupe de l’UMP soutiendra l’initiative courageuse et ambitieuse que constitue ce texte.

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