Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 11 décembre 2008 à 9h30
Application de l'article 25 de la constitution et élections des députés — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

S’agissant de la représentation des nouveaux territoires que sont Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous connaissons l’amendement voté par l’Assemblée nationale. La balle est dans le camp du Gouvernement, qui va fixer, dans l’ordonnance, le nombre de représentants de ces collectivités d’outre-mer. Combien seront-ils ? Mais ce n’est là qu’une des difficultés que le Gouvernement rencontrera sur le parcours faisant suite au vote de la loi ordinaire et de la loi organique.

Des difficultés sont également prévisibles, par exemple, pour la représentation des Français établis hors de France. Du moins est-il un point sur lequel le Gouvernement a très clairement précisé sa position : le scrutin majoritaire uninominal à deux tours continuera de s’appliquer tant aux députés représentant les Français établis hors de France qu’aux députés élus de métropole et d’outre-mer.

L’article 4 est consacré aux modalités de remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français accédant à des fonctions gouvernementales. Le cas est rarissime : il n’arrive en effet pratiquement jamais qu’un député européen devienne ministre. Mais ne me faites pas dire que le Parlement européen est une voie de garage ; loin de moi cette idée ! Il s’agit surtout, ainsi que l’a indiqué tout à l’heure Mme la ministre, de respecter un parallélisme des formes.

Les difficultés qui attendent le Gouvernement tiennent à la complexité du processus qui va se dérouler. Ce processus commencera par le contrôle éventuel effectué par le Conseil constitutionnel à l’issue du vote de cette loi ordinaire, à la demande de soixante parlementaires, la saisine du Conseil étant automatique pour la loi organique.

La loi organique ne me paraît pas promise à de grandes difficultés. Quant à la loi ordinaire, le Conseil constitutionnel risque de vérifier de près si l’article 2 de la loi d’habilitation reprend bien toutes les conditions qu’il avait précédemment énoncées dans la jurisprudence à propos du découpage des circonscriptions électorales.

Puis, l’ordonnance sera transmise pour avis à la commission, et ensuite soumise au Conseil d'État.

Le Conseil d'État donnera son avis sur son contenu juridique et même, indirectement, sur sa constitutionnalité. Il est en effet juge en excès de pouvoir, et, tant qu’elle n’est pas ratifiée, l’ordonnance reste attaquable comme peut l’être un décret.

Le troisième obstacle sera celui de la ratification devant le Parlement, ce qui annonce vraisemblablement un beau débat, ici comme à l’Assemblée nationale. De nouveau, le Conseil constitutionnel pourra être saisi.

Cela signifie qu’il faudra prendre de grandes précautions. Ainsi, l’application du principe selon lequel il y a un député par collectivité territoriale quelle qu’elle soit sera certainement examinée à la loupe, tant au Conseil constitutionnel qu’au Conseil d'État. Nous aurons là un test grandeur nature quant à la façon dont il faut comprendre ce principe, que nous appliquons tout naturellement au Sénat alors que l’aspect démographique l’emporte à l’Assemblée nationale.

La question relative à Mayotte qu’a soulevée tout à l'heure M. le secrétaire d'État sera également examinée de près par les hautes juridictions.

Il ne faut pas oublier de surcroît qu’il y a outre-mer de considérables développements de la population, et je ne crois pas que l’on puisse y appliquer des règles différentes de celles qui s’appliquent en métropole, sauf à courir le risque de voir tel ou tel choix remis en cause par ces hautes juridictions.

Il en va de même en ce qui concerne les Français de l’étranger.

C’est donc dans un véritable parcours du combattant que le Gouvernement va s’engager à partir du moment où le texte que nous examinons aujourd'hui sera adopté et je préfère que ce parcours se déroule à l’échelon du Gouvernement plutôt qu’ici.

Je me demande en effet comment nous nous en serions sortis si nous avions dû énoncer dans la loi organique le nombre des députés métropolitains, des députés des départements d’outre-mer, des députés des collectivités d’outre-mer et des députés représentant les Français établis hors de France : il n’était pas possible que ce débat ait lieu ici, même si, sur le fond, nous n’aurions pas suivi d’autre voie que celle qu’aurait choisie l’Assemblée nationale.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de voter conforme le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire en raison du principe, énoncé plusieurs fois dans mon rapport écrit, selon lequel le Sénat ne se préoccupe pas, sauf lorsqu’il est lui-même mis en cause, des modes de désignation des députés.

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