Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 15 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Mes collègues ont explicitement exprimé nos réserves de fond au cours de la discussion générale. Vous me permettrez, à présent, au nom de notre groupe, de procéder à l’explication de vote.

Avec ce texte, la Constitution, norme suprême de notre édifice juridique, est utilisée comme support à une opération aux préoccupations partisanes. C’est là une conception de l’action réformatrice – en l’occurrence, de l’agitation réformatrice - que nous ne partageons pas et qui nous paraît tout à fait préjudiciable.

La vraie question, la seule question qui compte, est celle de la situation de nos finances publiques. C’est à celle-là qu’il nous faut répondre ; c’est contre la constante dégradation des comptes de l’État depuis maintenant bientôt dix années que nous devons agir. Or le projet de loi constitutionnelle ne réglera aucune des graves difficultés que connaît notre pays.

En effet, sur le fond, le texte qui nous est proposé n’apportera aucune amélioration concrète. Surtout, il ne pourra pas suppléer ce qui restera toujours indispensable : je veux parler de la volonté politique. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes qui le dénonce, dans son dernier rapport public : « L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays qui ont le mieux traversé la crise ou qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. »

Même en Allemagne, que vous aimez citer en exemple, la règle introduite dans la loi fondamentale ne s’appliquera qu’à compter de 2016, alors même que la situation financière de ce pays s’est déjà améliorée.

Nous l’avons dit tout au long de cette discussion, que n’avez-vous respecté les règles vertueuses que vous voulez édicter aujourd’hui !

Des finances publiques saines reposent sur des choix politiques adaptés, non sur l’adoption incessante de règles nouvelles. En jouant ainsi au pompier pyromane, vous ne parvenez pas à masquer l’échec de vos politiques et vous ne réussissez pas plus à camoufler les conséquences financières des cadeaux fiscaux que vous avez octroyés tout au long du dernier quinquennat.

Je ne doute pas personnellement de la sincère volonté du président de la commission des finances de mettre fin aux déficits publics ni même de celle de certains collègues de la majorité qui constatent bien que l’on ne peut continuer ainsi. Cependant, nos débats ne sont tout de même pas une histoire des institutions et des mécanismes financiers racontée aux enfants !

La victime collatérale de votre projet de loi constitutionnelle, monsieur le garde des sceaux, est une nouvelle fois le Parlement, et singulièrement le Sénat, comme mes collègues l’ont souligné dans leurs interventions.

L’essence même de la démocratie réside dans le fait que le Parlement a pour principale prérogative de voter la loi, de consentir l’impôt et d’adopter le budget. Avec le texte qui nous est présenté, le droit d’initiative est encadré au point de s’en trouver bridé. Je note, au passage, que c’est la prétendue volonté de renforcer le Parlement qui avait guidé la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008…

Je souligne également qu’il nous est proposé de supprimer les lois de programmation des finances publiques introduites par la même révision constitutionnelle il y a moins de trois ans. Il est vrai qu’il n’en a pas été fait grand usage !

Mes chers collègues, je suis au regret de devoir affirmer avec force que ce projet de loi constitutionnelle est rempli d’arrière-pensées. En réalité, il constitue une tentative de diversion…

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