Intervention de Françoise Henneron

Réunion du 9 avril 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo de Françoise HenneronFrançoise Henneron :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, l’Union européenne est le fer de lance de la lutte contre les discriminations. Dès le traité de Rome, le principe général d’égalité ou de non-discrimination a été posé comme pierre angulaire de l’ordre juridique européen. Depuis, les outils juridiques se sont multipliés. Ainsi, de multiples textes sont venus fixer un niveau minimal de protection contre un nombre important de discriminations.

Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est la nécessité de poursuivre la lutte contre les discriminations en assurant le respect des règles communautaires en la matière.

La Commission européenne a souligné notre retard dans la transposition de plusieurs directives et nous a reproché le caractère incomplet de la transposition de certaines dispositions. Je tiens cependant à souligner les efforts accomplis par notre pays ces dernières années et à saluer la détermination du gouvernement actuel à rattraper notre retard.

Notre société repose sur des valeurs de tolérance qui imposent le respect des origines, de l’identité et des choix de vie de chacun. Ce respect trouve sa source dans le principe d’égalité, principe consacré par notre devise nationale et par les textes fondateurs de notre droit.

Plusieurs lois emblématiques ont été adoptées récemment.

Les lois du 9 mai 2001 et du 23 mars 2006 traitent de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.

La loi du 16 novembre 2001, texte de portée générale contre les discriminations, a notamment introduit la possibilité, pour les organisations syndicales et les associations de lutte contre les discriminations, d’ester en justice. Elle constitue un progrès indéniable en matière de lutte contre les discriminations à l’emploi.

La loi du 30 décembre 2004 a créé la HALDE, haute autorité qui accompagne les victimes de discriminations et formule des recommandations à l’adresse de l’État. Elle nous permet de disposer de données annuelles et de prendre ainsi la mesure de l’importance des discriminations en France.

La loi du 11 février 2005 vise notamment à protéger les personnes handicapées contre les discriminations dans le travail.

Je citerai enfin la loi du 31 mars 2006, relative à l’égalité des chances.

Malheureusement, dans notre « patrie des droits de l’homme », la bataille pour l’égalité est toujours à poursuivre.

J’ai évoqué à l’instant le rôle important de la HALDE dans l’estimation de l’ampleur du phénomène de la discrimination.

Ainsi, la haute autorité a dressé, en 2006, une liste des discriminations classées selon leur fréquence. Vient au premier rang des facteurs de discrimination l’origine, puis la santé ou le handicap, l’âge, le sexe, l’activité syndicale, la situation de famille, l’orientation sexuelle, les opinions politiques, la religion et l’apparence physique.

La HALDE a également pu estimer dans quels domaines les discriminations se manifestaient le plus souvent. C’est l’emploi qui cristallise le plus grand nombre de pratiques discriminatoires, mais les discriminations concernent également les biens et les services privés, l’éducation ou le logement. Elles se manifestent dans tous les domaines de la vie.

Quel triste tableau ! Les publics les plus fragiles sont précisément ceux qui cumulent les risques de discrimination sur le marché de l’emploi, dans l’accès au logement ou aux loisirs et dans toutes les composantes de leur vie quotidienne.

Les inégalités de traitement entre les individus compromettent notre cohésion sociale et sont à l’origine, chacun le sait, d’un sentiment d’exclusion qui s’exprime dangereusement dans les communautarismes.

En effet, les jeunes Français issus de l’immigration sont les premiers concernés par les discriminations : 11 % de ceux d’entre eux qui sont titulaires d’un diplôme de second cycle sont au chômage, contre 5 % en moyenne nationale pour la même catégorie de diplômés.

Selon une étude récente du Bureau international du travail, 70 % des employeurs français favoriseraient un candidat portant un nom français par rapport à un candidat portant un nom à consonance étrangère. Le lieu même de résidence devient un élément discriminant. Des enquêtes avec envois de CV factices ont montré ce que beaucoup de nos concitoyens vivent au quotidien. Les personnes en situation de handicap et les personnes issues de l’immigration sont les premières victimes des discriminations à l’embauche.

Je suis membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et vous ne vous étonnerez donc pas que je cite quelques chiffres concernant l’égalité professionnelle.

Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes se situent, en moyenne, autour de 26 %, en défaveur de ces dernières ; 31 % des femmes actives occupent un emploi à temps partiel ; le taux de chômage féminin est plus élevé que celui des hommes ; le « plafond de verre » est bien une réalité, et l’ascension des femmes dans la hiérarchie reste plus difficile que celle de leurs homologues masculins, d’où leur sous-représentation chronique dans les fonctions de direction. Le chemin est encore long pour parvenir à l’égalité.

En tant qu’élus, nous avons tous eu connaissance d’inégalités subies par des femmes en matière d’emploi et de déroulement de carrière.

Le harcèlement moral, défini par le présent projet de loi, devient de plus en plus fréquent sur le lieu du travail, comme la HALDE a également pu le constater. Le durcissement des possibilités d’embauche et la peur du chômage ne sont guère propices à ce que les victimes fassent valoir leurs droits.

Il revient aux pouvoirs publics de désigner et de sanctionner efficacement les comportements et les infractions discriminatoires.

Aujourd’hui comme hier, la nécessité de transposer certaines directives communautaires constitue un aiguillon dans la poursuite de la lutte contre les discriminations en France.

Le présent projet de loi, en respectant les exigences de la Commission européenne, donne des définitions précises des discriminations directes et indirectes, ainsi que du harcèlement. Il étend le champ des discriminations interdites en en fixant la liste. Il instaure une protection contre les mesures de rétorsion et renforce les garanties données aux victimes.

Je souhaite ajouter que le groupe de l’UMP soutient ce projet de loi, dont l’adoption s’impose au moment où la France s’apprête à exercer la présidence de l’Union européenne.

Madame le secrétaire d’État, si elle est consciente des contraintes qui sont les vôtres en matière de transposition, la commission des affaires sociales, à laquelle j’appartiens, s’inquiète de possibles dérives à partir de ce texte très protecteur. Nous souhaitons donc connaître votre sentiment à ce sujet.

Je conclurai en soulignant que si la répression des actes de discrimination est indispensable, il serait naïf de ne compter que sur son effet dissuasif pour les éradiquer : c’est également en amont qu’il faut intervenir. Parce qu’il s’agit surtout de changer les mentalités, la lutte contre les discriminations est une action de longue haleine. Elle doit relever d’autres politiques publiques, telles que les politiques relatives à l’école et à l’enseignement. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion