Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 19 novembre 2009 à 11h00
Loi de finances pour 2010 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder le projet de loi de finances pour 2010, il n’est pas inutile de nous reporter un an en arrière et de nous souvenir de l’état d’esprit qui avait présidé à nos débats. Nos interrogations étaient alors nombreuses, et la situation que nous affrontions avait créé, reconnaissons-le, un certain désarroi.

J’avais débuté mon intervention en soulignant combien la crise économique, née des graves défaillances du système financier mondial, menaçait les équilibres sociaux de notre pays et portait en germe la ruine de notre pacte républicain.

Un an après, le Gouvernement évoque à juste titre un budget de « sortie de crise ». Celle-ci a bien eu lieu, et nous avons subi toutes ses rigueurs au cours des derniers mois.

Madame le ministre, vos prévisions de croissance pour 2009 sont de moins 2, 2 % du produit intérieur brut, donnée qui reflète, il faut le souligner, la pire récession enregistrée par notre pays depuis 1945. Néanmoins, les choix faits voilà un an nous permettront vraisemblablement de réaliser des performances en moyenne deux fois moins mauvaises que celles de nos partenaires de la zone euro et du Japon et à peu près identiques à celles des États-Unis. Notre principal partenaire, l’Allemagne, devrait ainsi connaître une contraction de 5 % de son produit intérieur brut.

Cette relative maîtrise de la situation n’emprunte rien au hasard. Nous la devons à l’action énergique du Gouvernement, qui a su agir avec discernement et célérité : d’abord, pour rompre la paralysie qui menaçait le système bancaire et donc le financement de l’économie ; ensuite, pour donner un coup de fouet indispensable à l’activité économique à travers le plan de relance.

Je ne reprendrai pas sur ce point les excellents développements de ceux qui m’ont précédé à la tribune. Qu’il me soit cependant permis de saluer le travail tout à fait déterminant du Médiateur du crédit, qui a mis là où il le fallait, quand il le fallait, les quelques « gouttes d’huile » nécessaires pour assurer la survie de nombreuses entreprises.

Il faudra suivre cela « comme le lait sur le feu », madame le ministre, car, ici et là, dans nos territoires, des PME se trouvent probablement à la limite du dépôt de bilan. Veillons à ce que tous les gestionnaires des fonds publics d’investissement, y compris des fonds de consolidation, ne confondent pas le private equity et le soutien à des entreprises hautement et gravement menacées de disparition, avec tous les emplois qui pourraient succomber.

Le budget de l’État et, complémentairement, les budgets de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ont joué à plein leur rôle d’amortisseurs de la crise. Les résultats sont là, incontestables. La richesse nationale a recommencé de progresser dès le deuxième trimestre de cette année, et 2010 devrait être tout entière une année de croissance du produit intérieur brut. À ce sujet, j’approuve la très grande prudence dont fait preuve le Gouvernement en évoquant un taux de 0, 75 %, là où le consensus des économistes évoque pratiquement le double. Le budget ne peut qu’y gagner en sincérité et la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, en crédibilité. Cela étant, il conviendra de prolonger les comparaisons en observant de près la tonicité des premiers signes de reprise.

En effet, au-delà des louanges, si méritées soient-elles, il nous faut regarder la vérité en face : la réponse budgétaire que nous avons dû, à juste titre, apporter à la crise n’a fait qu’accentuer les déséquilibres gigantesques qui affectent nos finances publiques. Je donne volontiers acte au ministre des comptes publics de sa volonté de tenir les dépenses. Hors plan de relance, que l’on peut à bon droit exclure des bases de comparaisons car il a consisté en des charges ponctuelles et non récurrentes, et à périmètre constant, les dépenses de l’État n’augmenteraient que de 1, 1 %, ce qui correspond à une très légère réduction en volume. Naturellement, il faudra être attentif aux dépenses fiscales, madame le ministre.

Mais nous devons tenir compte du passé et du passif accumulé ces dernières années. Il est aussi de notre devoir d’envisager sérieusement un scénario dans lequel notre potentiel de croissance aurait été durablement entamé par la crise dont nous continuons à subir les effets.

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