Intervention de Charles Guené

Réunion du 19 novembre 2009 à 22h15
Loi de finances pour 2010 — Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion, au lendemain du congrès des maires, de rétablir certaines vérités et de tracer des perspectives avant de commencer l’examen de la réforme de la taxe professionnelle, puis de celle des collectivités territoriales. Il est aussi l’occasion, pour le groupe UMP, de réaffirmer ses convictions au service de nos territoires et de nos concitoyens.

Notre première ambition est de conforter le pôle communes/intercommunalité dans son rôle de proximité, tout en ouvrant une vraie perspective de solidarité et de mutualisation au sein du pôle département/région. Les communes conserveront ainsi leur clause de compétence générale et l’intercommunalité restera leur œuvre, leur émanation, grâce à une élection des délégués communautaires en 2014 par fléchage sur les listes municipales.

L’élection en 2014 de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional permettra, quant à elle, d’éviter les interventions concurrentes des départements et des régions, et d’engager une véritable clarification des compétences entre les deux échelons, source de simplification des procédures et d’économies budgétaires. Les communes, en particulier en milieu rural, pourront néanmoins continuer de bénéficier du soutien des autres collectivités territoriales pour financer leurs projets locaux de solidarité et d’aménagement du territoire, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. La pratique des financements croisés sera simplement précisée, peut-être à l’instar des fonds de concours, pour éviter une complexité excessive.

Pour soutenir l’investissement local, le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA, s’agissant des dépenses pour lesquelles elles se sont fermement engagées en 2009, mais qu’elles n’ont pu réaliser ou mandater avant le 31 décembre de cette année, compte tenu des délais de certaines procédures de commande publique.

Le Premier ministre nous a donné son accord sur ce point. Nous nous réjouissons, par ailleurs, de sa volonté de reconduire en 2010 le dispositif de remboursement anticipé du FCTVA. Le groupe UMP a déposé un second amendement pour concrétiser l’annonce faite le 17 novembre, lors de la session annuelle du Congrès des maires de France. Il permettra de soutenir les collectivités locales qui n’auraient pas pu s’engager en 2009. Cela sera particulièrement bénéfique pour les collectivités territoriales dont l’investissement continuera à être encouragé en 2010.

Nous approuvons également l’annonce de la création, auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, d’un fonds dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités territoriales et contribuera à financer leurs investissements d’économie d’énergie.

En ce qui concerne la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs, nous devons là aussi faire preuve de pragmatisme.

La suppression de la part des investissements de la taxe professionnelle fait l’unanimité auprès du monde économique. Personne ne conteste sérieusement, aujourd’hui, l’apport de compétitivité à nos entreprises face à la mondialisation et à la crise. Ce qui fait débat, c’est son remplacement dans la ressource locale.

À cet égard, la divergence ne réside pas dans le principe, car chacun convient que notre fiscalité était à bout de souffle, et que le moment était venu de remplacer la part prépondérante que représentait la taxe professionnelle, dont une large moitié était réglée par l’État, par un impôt moderne, une répartition fiscale plus contemporaine et en phase avec l’économie nouvelle. Ce sur quoi on voudrait nous fâcher, ce sont les affectations à retenir.

La valeur ajoutée est sans doute le moins mauvais des critères que nous avions à notre disposition, car elle reflète la richesse produite et, par le biais d’un taux fixe, elle vient corréler la ressource à l’évolution naturelle de l’assiette du PIB. Elle a aussi l’avantage, en contractant le montant de l’ancienne taxe professionnelle, de laisser place à une nouvelle répartition de la ressource entre les collectivités, et surtout, en remplaçant les actuelles contreparties versées par l’État par le transfert d’impôt qu’il se réservait, l’introduction de la nouvelle contribution économique territoriale, la CET, permet de renforcer l’autonomie financière des collectivités.

En revanche, de par sa composition, la nouvelle contribution met en évidence la cristallisation de la richesse sur certains territoires. C’est en cela que réside l’intérêt et les enjeux de la réforme de la fiscalité locale qu’elle sous-tend.

Par ailleurs, le bouleversement généré par le remplacement d’un impôt conçu il y a un demi-siècle impose d’en fixer le cadre immédiat pour répondre à l’orthodoxie budgétaire et aux règles constitutionnelles. Le respect des équilibres et l’affirmation des grands principes de la réforme doivent être débattus immédiatement. Il en va aussi de la nécessité de rassurer les élus dans le doute, mais le contexte des réformes territoriales et des compétences, et les échéances différées, comme le besoin de vérifier les mécanismes, imposent de disposer de temps.

Ce sont les problématiques qui se posent au Sénat. Pour être délicates et source de paradoxes, elles n’en sont pas pour autant hors de portée.

La difficile question de la répartition de la valeur ajoutée peut être surmontée par la mutualisation que prévoyait l’avant-projet du Gouvernement. La mutualisation permet d’effectuer directement une péréquation de la richesse sur les territoires en fonction du nombre de salariés et des surfaces occupées, et de pondérer le produit par des critères adaptés aux compétences des collectivités. Elle maintient ainsi un lien fort avec le territoire, tout en le pondérant nationalement.

Il peut être retenu d’effectuer cette mutualisation seulement pour les départements et les régions, et de recourir à une territorialisation pour les seules communes et EPCI, ainsi que le souhaiterait l’Assemblée nationale. Il conviendrait toutefois de territorialiser par l’assiette, et non par le produit, de façon à ne pas être contraint de modifier un barème qui fait consensus et à en pondérer les effets, que certains sous-estiment. Le rapporteur général nous a indiqué les pistes qu’il explorait à cet égard.

À la vérité, les communes et les établissements de coopération intercommunale ne seront pas pénalisés par la réforme. Ils bénéficieront en 2010, comme l’ensemble des collectivités territoriales, d’une compensation de ressources au moins égale au produit perçu en 2009.

Surtout, à partir de 2011, les communes et les EPCI disposeront d’un panier diversifié de recettes fiscales, avec un large pouvoir d’en fixer les taux, ce qui préservera leur autonomie financière et fiscale : taxe d’habitation, taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe sur les surfaces commerciales transférée par l’État, nouvelle cotisation foncière des entreprises implantées sur leur territoire, nouvelles impositions forfaitaires sur les éoliennes, les centrales photovoltaïques, les antennes-relais, etc.

Il reste à s’interroger sur l’affirmation selon laquelle le bloc communal doit nécessairement disposer d’une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée. Cette option le rendrait en effet beaucoup plus vulnérable aux aléas économiques liés à l’évolution de la valeur ajoutée et que la mutualisation venait adoucir.

Dans l’avant-projet gouvernemental, le bloc communal, en disposant de la seule part de la cotisation locale d’activité, basée sur le foncier de l’ancienne taxe professionnelle, avait l’avantage de proposer une autonomie financière plus grande, et moins sensible aux aléas économiques.

L’Assemblée nationale a décidé de lui affecter 20 % de la cotisation complémentaire. Nous devons nous interroger sur la nécessité et la pertinence d’une affectation supplémentaire. À quel niveau fixer le curseur ? Telle est la réponse que doit apporter le Sénat, sur la base des travaux de la commission des finances et de notre excellent rapporteur général, Philippe Marini.

À titre personnel, je considère qu’il faut, chaque fois que nécessaire, proposer le recours à la mutualisation plutôt que celui de la territorialisation, qui ne correspond pas à l’esprit du nouvel impôt, et exigerait alors de créer ensuite une péréquation distincte et aléatoire dans ses résultats comme dans sa mise en œuvre.

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