Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à la crise, les entreprises ont besoin de capitaux. Comme la commission des finances a pu le mesurer, le Gouvernement n’est pas resté inactif depuis octobre dernier.
Puis-je rappeler qu’un projet de loi de finances rectificative a permis d’assurer le refinancement des banques afin de leur permettre d’irriguer l’économie tout entière et de prévenir un risque systémique ?
Puis-je rappeler que les moyens mis à la disposition d’OSEO ont été sensiblement accrus, en particulier afin de renforcer la garantie de cet établissement public sur les prêts octroyés aux PME ?
Puis-je rappeler que la baisse du taux de centralisation du livret d’épargne populaire et la décentralisation complète du livret de développement durable ont mis 17 milliards d’euros à la disposition des banques pour financer les PME ?
Puis-je rappeler que le remboursement anticipé par l’État des acomptes d’impôt sur les sociétés, de la totalité des créances de report en arrière des déficits et du crédit d’impôt recherche a permis de soulager la trésorerie des entreprises de 10 milliards d’euros environ ?
Puis-je rappeler, enfin, que les mécanismes de compléments d’assurance-crédit publics, les CAP et les CAP Plus, ont été mis en place, via la Caisse centrale de réassurance, pour « donner de l’oxygène » au crédit interentreprises ?
Par ailleurs, nous mesurons, dans la période actuelle, toute l’utilité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune, ISF, au titre des investissements dans les PME – même s’il y a pu y avoir ici ou là quelques dérives –, mesure promise par le Président de la République lors de sa campagne pour l’élection présidentielle et adoptée dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite TEPA.
Le dispositif, convenons-en, est puissant, puisque les contribuables peuvent obtenir une réduction d’ISF de 75 %, dans la limite de 50 000 euros, en investissant directement au capital de PME européennes ou au travers de holdings dont l’objet exclusif est la détention de telles sociétés. Cet avantage reste important pour les souscriptions dans des fonds de capital investissement – FCPR, ou fonds communs de placement à risque, FCPI, ou fonds commun de placement dans l’innovation, et FIP, ou fonds d’investissement de proximité, respectant certains critères d’investissement –, puisqu’il s’élève alors à 50 % des versements, et ce dans la limite de 20 000 euros.
Les premiers chiffres communiqués par Bercy relatifs à la collecte de l’année 2008 sont éloquents. Quelque 1, 1 milliard d’euros ont ainsi été investis par les redevables de l’ISF : 500 millions d’euros d’investissements directs, 130 millions d’euros au travers des holdings, 359 millions d’euros par le biais de FIP, 167 millions d’euros via des FCPI et 7 millions d’euros par l’intermédiaire de FCPR.
S’il est probable que la collecte de 2009, sur laquelle vous pourrez peut-être nous apporter des indications, madame la ministre, se révélera moins fructueuse, du fait tant de la baisse du produit de l’ISF que de l’aversion au risque de nombreux investisseurs, un tel apport de fonds propres à nos entreprises reste très appréciable, d’autant que le renforcement du capital des PME les aide ensuite à obtenir des crédits auprès de leur banquier et de leurs fournisseurs. Cet avantage fiscal a donc un effet levier.
Comme vous le savez, en déposant la proposition de loi que nous examinons ce soir, j’ai souhaité m’inscrire dans le droit fil des mesures que je viens d’évoquer. Mon but n’est pas d’attaquer une profession ou de nuire à qui que ce soit. Il s’agit simplement d’accélérer l’arrivée dans les entreprises des sommes collectées par les fonds alors que, en l’état actuel du droit – qui, en l’occurrence, repose sur une simple instruction fiscale –, ces structures disposent de trente mois pour atteindre le quota d’investissement que leur impose la loi.
Un tel délai est excessif au regard de l’objectif d’intérêt général qu’a visé le législateur en accordant l’important avantage fiscal – 50 %, je le rappelle – sur lequel s’appuient les fonds pour collecter les souscriptions des redevables à l’ISF. J’ai donc jugé nécessaire de légiférer afin que les investissements de ces contribuables se retrouvent le plus rapidement possible là où ils sont vraiment indispensables, c’est-à-dire au sein du capital des entreprises.
Le texte que j’ai déposé comporte trois mesures.
La première, afin de répondre à la préoccupation que je viens d’exprimer, vise à réduire à six mois le temps laissé aux Fonds dont les souscripteurs peuvent bénéficier de la réduction d’ISF instaurée par la loi TEPA pour investir dans les entreprises éligibles, c’est-à-dire les PME.
La deuxième mesure a pour objet d’étendre l’éligibilité à la réduction d’ISF aux investissements dans des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, telles que définies par la loi de modernisation de l’économie.
Enfin, la troisième mesure tend à encadrer la rémunération des gestionnaires de fonds afin de s’assurer que l’avantage fiscal consenti pas l’État n’entraîne pas d’abus manifeste en la matière. Il en va non seulement ainsi pour les FIP, les FCPR et les FCPI, mais aussi pour les holdings. Un encadrement est en effet nécessaire. À cet égard, le rapporteur, M. Albéric de Montgolfier, a déposé un amendement ayant pour objet d’assurer une véritable transparence de ces rémunérations afin que les souscripteurs n’ignorent rien.
Je pense que M. le rapporteur, qui a accompli un excellent travail, détaillera les modifications apportées à ce texte par la commission des finances. Pour ma part, sous le bénéfice de quelques ajustements que la séance de ce soir devrait nous permettre d’opérer, j’estime que le texte adopté par la commission représente un point d’équilibre satisfaisant, qui respecte l’objectif principal de la proposition de loi, c’est-à-dire le soutien au financement des PME.
Le délai d’investissement a été réaménagé, tout en demeurant bien plus bref que dans la pratique actuelle. En outre, le champ de la mesure a été étendu à l’ensemble des fonds communs de placement à risque, ce qui devrait renforcer son effet. Un amendement de la commission permettra de ne viser que ceux de ces fonds permettant à leurs souscripteurs de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 25 %, ce qui paraît effectivement logique.
Qu’il me soit cependant permis de regretter la disparition des dispositions relatives aux entreprises de taille intermédiaire, adoptée par la commission sur la suggestion du Gouvernement. Je rappelle en effet que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait introduit dans notre droit cette nouvelle catégorie d’entreprise, sur l’initiative de notre collègue Laurent Béteille, l’un des trois corapporteurs du texte, et avec le soutien de Gérard Larcher, qui présidait la commission spéciale chargée d’examiner ce texte.
Le décret d’application, en date du 18 décembre 2008, pris en application de l’article 51 de la loi de modernisation de l’économie, dispose que « La catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est constituée des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des petites et moyennes entreprises, et qui : d’une part, occupent moins de 5 000 personnes ; d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros. »
Ces entreprises se situent actuellement dans un « entre-deux » : alors, d’une part, qu’elles n’appartiennent plus à la sphère des PME, et ne peuvent donc prétendre aux aides dont celles-ci bénéficient, et, d’autre part, qu’elles sont très souvent immergées dans la compétition internationale, elles ne disposent pas de la puissance financière des grands groupes.
Nous le savons, ne pas disposer d’un vivier d’entreprises de taille intermédiaire constitue une faiblesse pour notre économie. Nous savons également que tous les seuils qui ont été institués au fil des législations ont « freiné » l’avènement de PME de plus de 250 salariés.
D’après le rapport de M. Albéric de Montgolfier, 4 600 entreprises entreraient dans la catégorie des ETI. Parmi elles se trouvent, potentiellement, les « champions de demain », ceux-là mêmes que la France, dont le CAC 40 se renouvelle si peu, peine à faire émerger.
À mon sens, un « coup de pouce » à destination de ces entreprises aurait donc été bienvenu, d’autant que les ETI subissent, elles aussi, les conséquences financières de la crise actuelle. Mais sans doute avez-vous eu raison, madame la ministre, d’insister sur le fait que nous étions à la lisière du droit communautaire. Néanmoins, il est du devoir du Parlement, en particulier du Sénat, de mettre en évidence les préoccupations fondamentales. Voilà ce que je souhaitais faire avec ma proposition de loi initiale.
Je me permets donc d’exprimer le souhait, madame la ministre, que vous demandiez à la Commission de Bruxelles de revoir cette question et d’accepter de desserrer l’étau, car, en limitant le champ des PME en dessous de 250 employés avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros et un bilan de moins de 43 millions d’euros, le potentiel de notre économie se voit ainsi restreint.
La présente proposition de loi aurait pu fournir une occasion d’interpeller directement la Commission européenne sur cette question. Vous nous avez rappelés à une sage raison, à laquelle je me rallie. Cependant, je compte sur vous, madame la ministre, pour demander à Bruxelles de bien vouloir revoir sa position.
Pour l’heure, et malgré la suppression des dispositions relatives aux entreprises de taille intermédiaire, je souhaite que le Sénat adopte cette proposition de loi. Si tel devait être le cas, je formerais le vœu qu’elle puisse être inscrite dans les meilleurs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Alors que, partout dans nos territoires, nombre de PME ont besoin de financement, mes chers collègues, il est urgent d’agir !