Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 4 février 2009 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel, rendez-vous traditionnel entre la Cour des comptes et le Sénat, s’inscrit en ce début d’année dans un contexte bien particulier. Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier président.

Nous sommes, en effet, à la veille de l’entrée en vigueur de dispositions essentielles de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, concernant notamment la fonction de contrôle confiée au Parlement et l’assistance que la Cour des comptes peut être amenée à nous apporter en ce sens.

La réforme constitutionnelle a consacré explicitement les fonctions de la Cour des comptes dans le contrôle et la certification des comptes de l’État.

La commission des finances du Sénat a elle-même participé à cette reconnaissance, en étant à l’initiative de l’introduction de la notion de sincérité des comptes dans un nouvel article 47-2 de la Constitution.

Le second alinéa de cet article proclame ainsi : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

Quant au premier alinéa du même article, il reprend les trois piliers sur lesquels s’appuie la mission de la Cour des comptes : contrôler, certifier, évaluer.

Je place volontairement à part la fonction de juger, qui me semble d’une nature différente des autres. Sur ce point, monsieur le Premier président, vous connaissez mon sentiment sur l’ambiguïté qui existe à confier aux mêmes personnes, qui ont statut de magistrat, des fonctions d’évaluation, de certification et de juge. Il pourrait y avoir un soupçon de conflit entre ces différentes fonctions ; je ne parle pas de conflit d’intérêt, cela va de soi. Comment concilier en effet les fonctions de juge et celles d’auditeur certificateur ?

Je fais confiance à la Cour des comptes pour mettre en place les murailles nécessaires et les bonnes pratiques. Nous l’y aiderons dans le cadre de notre propre activité de contrôle.

Si la dernière réforme constitutionnelle a consacré les missions de la Cour des comptes, elle se présente aussi, pour le Parlement, comme un défi à relever pour la mise en œuvre effective de sa mission de contrôle de l’exécutif.

L’article 48 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle, entre en vigueur le 1er mars 2009, soit dans moins d’un mois. Cet article dispose qu’une « semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ».

Nous avions bien sûr déjà mis en œuvre les moyens d’exercice de la fonction de contrôle du Parlement : les travaux d’investigation et de suivi menés par les commissions permanentes du Sénat et ceux des missions d’information en portent témoignage.

Pour ce qui concerne la commission des finances, j’avais eu l’honneur de présenter, l’année dernière, un bilan de ses travaux de contrôle, qui mettait en évidence leur retentissement et leurs suites concrètes en matière de réforme des pratiques administratives.

Il est certain que la révision constitutionnelle donnera, sur ce point, un nouvel élan à notre mission de contrôle. C’est une chance qu’il faut saisir et un défi qu’il faut relever.

De ce point de vue, la qualité des liens que nous avons tissés ces dernières années avec la Cour des comptes constitue bien un élément très positif. Les travaux de la Cour des comptes qui nous sont transmis, et dont nous apprécions la qualité et la diversité, représentent en effet une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour nourrir notre réflexion et alimenter nos débats.

Au premier rang de ces travaux figurent les enquêtes qui vous sont demandées par les commissions des finances du Parlement, aux termes du 2°de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances.

Quatre des enquêtes demandées en 2008 ont donné lieu à des auditions « pour suite à donner », ouvertes à nos collègues et à la presse, ainsi qu’à la publication de rapports d’information.

Ces enquêtes ont porté sur la gestion et la comptabilisation des créances d’aide publique au développement par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, les refus d’apurement communautaire dans le domaine agricole, les questions budgétaires liées à l’école maternelle et, enfin, les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats, les CARPA.

Très prochainement, le 18 février 2009, nous organiserons la même procédure de publicité pour la dernière enquête reçue au titre de 2008 et qui est relative aux engagements du Centre national d’études spatiales, le CNES, dans les programmes de l’Agence spatiale européenne.

Pour l’année 2009, la commission des finances a saisi la Cour des comptes de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : les crédits de la présidence française de l’Union européenne ; la gestion du projet informatique COPERNIC du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; la gestion des centres de rétention administrative ; l’articulation des dispositifs de la politique de la ville et de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles ; l’Office national des forêts.

Le second axe de notre collaboration repose sur la faculté, offerte par le 1°de l’article 58 de la LOLF, de demander l’assistance d’un magistrat de la Cour des comptes. En 2008, la commission des finances a saisi cette faculté sur deux sujets : le fonctionnement des administrations chargées de la gestion de l’immigration économique, sujet qui a fait l’objet d’un rapport d’information de la commission des finances, et les ressources financières des chambres de métiers et de l’artisanat, dont les conclusions devraient être connues au cours de cette année.

Les référés et les rapports particuliers transmis par la Cour des comptes au Sénat sont également une source d’inspiration fructueuse.

La commission des finances sera certainement amenée à puiser dans ces documents des thèmes de contrôle qu’elle proposera au titre des nouvelles procédures issues de la réforme constitutionnelle.

Les relations établies entre la Cour des comptes et la Haute Assemblée ne se limitent pas à ces transmissions et à leur suivi. Elles prennent aussi la forme de rencontres moins formelles, mais de plus en plus fréquentes, entre les rapporteurs spéciaux et les présidents de chambre ou, sous leur autorité, les présidents de section. Ces rencontres s’inscrivent parfois dans le cadre des enquêtes demandées et permettent aux rapporteurs spéciaux de préciser leurs attentes par rapport à un simple intitulé d’enquête, qui, souvent, ne peut refléter la complexité des problématiques.

Ces rencontres ont aussi pour finalité de permettre une information régulière sur les travaux menés par la Cour des comptes dans le domaine de compétence des rapporteurs spéciaux. Elles sont devenues une habitude à l’occasion de l’examen des projets de loi de règlement.

Tous ces rendez-vous, qui sont de plus en plus nombreux, témoignent de la très grande attention portée par la Cour des comptes à l’étendue et à la qualité de l’information des parlementaires et de sa volonté de « jouer le jeu » de la collaboration affirmée par la Constitution.

Monsieur le Premier président, la réussite de la mise en place de la réforme constitutionnelle sera pour une part non négligeable déterminée par la collaboration harmonieuse de nos institutions.

C’est dans cette perspective que nous prendrons connaissance, avec beaucoup d’attention, des observations du rapport annuel de la Cour des comptes.

Vous nous avez déjà révélé quelques thèmes qui ont fait l’objet de vos travaux et qui sont consignés dans ce rapport : la revue générale des politiques publiques ; la charge de la dette, son évolution, la difficulté à la contenir ; le droit à l’image collective des sportifs professionnels. Sur tous ces sujets, la convergence est profonde entre les travaux de la commission des finances et vos observations.

Vous avez évoqué le rôle des chambres régionales des comptes et souligné l’importance de la certification des comptes.

Le débat sur la certification des comptes des collectivités territoriales doit avoir lieu, de profonds changements en résulteront : les chambres régionales des comptes ne pourront plus intervenir tous les trois ou quatre ans : si elle est établie, la certification des comptes devra être annuelle et les travaux des chambres régionales des comptes devront être permanents.

Je souhaite, monsieur le Premier président, que nous puissions engager des discussions, afin que les chambres régionales des comptes participent à la certification de la sincérité, de la régularité, de la fidélité des comptes des collectivités territoriales. Vaste programme !

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