Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 27 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Immigration asile et intégration

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Bernard-Reymond, la politique de la France en matière d’immigration s’efforce de concilier une attitude généreuse, conformément à notre tradition – et, si j’ose dire, à notre identité nationale –, avec la fermeté nécessaire dans la lutte contre l’immigration irrégulière et ses filières.

Elle dispose pour cela d’un ministère désormais bien installé dans le paysage administratif, et dont le périmètre se stabilisera sans doute en 2010 avec l’intégration des bâtiments des centres de rétention administrative, ou CRA.

L’évolution des crédits de la mission vous a déjà été présentée par notre collègue M. Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Qu’il me soit simplement permis de souligner qu’au sein de ce ministère, sur le montant total des ressources nationales consacrées à la politique en matière d’immigration et d’intégration en 2010, soit 3, 6 milliards d’euros, plus de 2, 5 milliards, soit 70%, sont consacrés à l’intégration et à la formation des étrangers, ainsi qu’à leur santé à travers l’aide médicale d’État.

Ce chiffre, qui a été rappelé tout à l’heure, est en tout point remarquable. En effet, on regarde souvent les choses par le petit bout de la lorgnette, en se focalisant sur les expulsions, les retours dans les pays d’origine, ou même les mauvais traitements portés à l’égard de ceux dont on estime qu’ils ne peuvent pas, d’un point de vue juridique, rester sur le territoire. Pourtant, sur le plan budgétaire, il se révèle clairement que notre budget est très majoritairement consacré à l’accueil des étrangers, à leur formation, à leur intégration et à leur santé.

J’aimerais d’abord insister sur la nécessité d’améliorer les outils de connaissance, notamment statistiques, dont dispose le ministère, même si nous savons que ce n’est pas toujours facile et qu’il faut savoir raison garder en la matière.

Je prendrai deux exemples : celui de la garantie du droit d’asile, d’une part, celui de la lutte contre l’immigration irrégulière, d’autre part.

Les crédits consacrés à la garantie de l’exercice du droit d’asile devraient s’élever en 2010, en crédits de paiement, à 318 millions d’euros contre 289 millions d’euros en 2009, soit plus de la moitié des crédits de la mission. L’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, de quelque 14, 5 % en 2008 et de plus de 20 % en 2009, se traduit par une augmentation de 1, 5 million d’euros des crédits de l’OFPRA, de 7 millions d’euros des crédits des centres d’accueil des demandeurs d’asile, ou CADA, et enfin par une progression de 23 millions d’euros des crédits consacrés à l’allocation temporaire d’attente, ou ATA, soit une hausse de 76%.

Par ailleurs, les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière passeront de 80 à 94 millions d’euros, du fait essentiellement de l’entrée de l’immobilier et des centres de rétention administratifs dans le périmètre de votre mission, monsieur le ministre.

Or, ces crédits, qui représentent au total plus des deux tiers du volume budgétaire de la mission, sont en grande partie liés à des phénomènes sur lesquels le ministère n’a pas d’influence immédiate, à savoir respectivement l’évolution du nombre de demandeurs d’asile et celle du nombre de personnes essayant de pénétrer irrégulièrement sur le territoire français. Il est donc indispensable de mieux connaître ces phénomènes pour évaluer le plus précisément possible les crédits nécessaires.

Cependant, nous ne connaissons ces données que de manière imprécise. Il semble d’ailleurs que le nombre de demandeurs d’asile suive des fluctuations difficilement prévisibles, bien que les guerres ou la politique menée en matière d’asile par d’autres pays aient un impact parfois décelable.

Il est ainsi difficile de dire pourquoi la baisse d’environ 50% du nombre de demandes d’asile entre 2004 et 2007 a été suivie d’une hausse de 14, 5% en 2008 et de plus de 20% en 2009, ou de connaître les raisons qui font que les demandeurs d’asile qui fuient les guerres du Moyen-Orient vont davantage en Allemagne ou en Suède qu’en France. Peut-être les connaissances, fort reconnues d’ailleurs, des personnels de l’OFPRA, spécialistes de la demande d’asile, pourraient-elles être davantage valorisées en la matière. Les parlementaires ayant assisté à des entretiens organisés par l’OFPRA soulignent en tout cas tous la qualité de leur travail et de leurs connaissances ainsi que la pertinence de leurs observations.

En revanche, concernant l’immigration irrégulière, il existe aujourd’hui d’autres méthodes d’évaluation que le faisceau d’indicateurs habituellement utilisé et présenté dans le rapport annuel remis au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration.

Certes, nous savons par expérience que l’immigration irrégulière est, par définition et par principe, difficile à évaluer. Mais nous savons aussi, grâce à une commission d’enquête de 2006, qu’il est possible, sur recommandations de l’INSEE, de trouver des moyens nous permettant d’avoir une évolution plus rationnelle, sinon plus précise, et de se rapprocher d’une jauge plus acceptable que celle que nous avons aujourd’hui.

Par exemple, pourraient être rapprochés les résultats des enquêtes annuelles de recensement, qui permettent une connaissance de toute la population résidente par nationalité, et les statistiques des documents de séjour, grâce auxquelles est connue l’immigration régulière par nationalité. On pourrait également envisager que certains protocoles d’enquête élaborés par l’INSEE permettent de recenser les étrangers en situation irrégulière, de manière anonyme bien sûr.

Les nouvelles données recueillies grâce à ces évaluations seraient notamment utiles pour mettre en perspective l’indicateur n°4.1 du projet annuel de performance de la mission, qui présente le nombre de mesures de reconduites effectives à la frontière, en mettant en regard la variation annuelle du nombre d’immigrés en situation irrégulière présents sur notre territoire.

Le second point que je voudrais aborder est celui de l’immigration professionnelle. Le Président de la République a fixé un objectif de 50 % d’immigration professionnelle dans l’immigration totale. L’indicateur 1.1 du projet annuel de performance montre à cet égard une forte progression, ce taux étant passé de 14 % en 2007 à 30 % en 2009, avec une prévision de 37 % en 2010.

Ainsi, alors qu’environ 14 500 titres avaient été délivrés au titre du travail en 2005 et en 2006, ce nombre est monté à plus de 18 000 titres en 2007 et à 28 000 titres en 2008. Certes, les entrées en France au titre du travail ne représentent qu’une fraction de ce total, puisque de nombreux titres résultent de changements de statut. Ainsi, selon un rapport de l’ANAEM, l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, en 2006, 68, 5 % des travailleurs permanents admis au séjour n’entraient pas physiquement sur le territoire national mais bénéficiaient d’un changement de statut. Monsieur le ministre, permettez-nous de vous demander si cette proportion a aujourd’hui évolué.

Quoi qu’il en soit, une dynamique positive a indéniablement été enclenchée dans ce domaine. Elle se traduit aussi par la signature de nouveaux accords de gestion concertée des flux migratoires en 2008 et en 2009, qui comportent, outre des volets consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière et au codéveloppement, un volet visant à favoriser l’immigration professionnelle. Les accords avec le Congo, le Sénégal et la Tunisie sont ainsi entrés en vigueur cet été. En revanche, la collaboration avec les pays asiatiques est encore peu développée. Des négociations sont cependant en cours avec des pays comme le Vietnam, l’Inde ou la Chine. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer à quelle échéance pourront aboutir de nouveaux accords ?

Telles sont les quelques observations que je souhaitais présenter au Sénat cet après-midi, au nom de la commission des lois. Sous le bénéfice de ces explications, celle-ci a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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