Mais elle s’aggrave.
On peut comprendre les élus locaux : ils n’ont pas confiance dans la réforme de la taxe professionnelle et dans la compensation relais : on nous refait le coup de la compensation à l’euro près ! Le Gouvernement sait très bien que ce système est fragile, que ses conséquences sur les ressources des collectivités territoriales sont incertaines et que cette réforme ne s’attaque pas aux inégalités qui existent entre régions et entre départements.
Les élus locaux n’ont pas été entendus lors de la phase de préparation de la réforme.
Il est loin le temps où Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, écrivait dans Le Monde du 26 mars 2009, dans un article intitulé Dialoguons pour réformer les collectivités, « une réformede cette ampleur conduit à la recherche duconsensus » et en appelait à la « concertation » !
Le Sénat a-t-il été lui-même entendu ? On peut en douter. Il a constitué une mission d’information pluraliste, qui a rendu un rapport le 17 juin 2009.
Que disait ce rapport, qui a fait l’objet d’un large consensus et était cosigné par M. Krattinger, socialiste, Mme Gourault, centriste, et M. Belot, de l’UMP ? Oui au renforcement de la coordination des exécutifs locaux au niveau régional et départemental, mais non au conseiller territorial ; oui au renforcement du chef de file des différentes collectivités territoriales, mais non à la remise en cause de la clause générale de compétence ; oui au renforcement de l’autonomie fiscale et à l’amélioration de la péréquation.
Pourtant, dès le débat du 30 juin 2009 au Sénat, en écho aux propos tenus par le chef de l’État devant le Congrès, vous annonciez, monsieur le ministre de l’intérieur, la création du conseiller territorial, la remise en cause de la clause générale de compétence…
Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle est loin d’avoir satisfait aux « exigences » du Sénat, y compris à celles des « sénateurs dissidents » de la majorité, qui sont rapidement rentrés dans le rang.
Je suis d’ailleurs curieux d’entendre, à ce propos, la position du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire qui, lorsqu’il était sénateur, se disait « opposé au rapprochement des conseillers généraux et des conseillers régionaux », car il considérait que « le couple département-région n’était pas un couple pertinent, contrairement au couple département-commune », comme le révèle le rapport Belot !
Bref, il n’y a eu aucune prise en compte des propositions sénatoriales. Il n’est donc pas étonnant que les élus locaux, et de nombreux sénateurs, se méfient et se défient de cette réforme.
Par son importance, parce qu’elle met en cause des éléments fondamentaux de notre pacte républicain en portant atteinte à des principes constitutionnels, la réforme territoriale justifie, selon nous, le recours au référendum. Or vous repoussez le référendum…
Nous connaissons votre réticence à l’égard de la disposition qui, dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, a institué une procédure de référendum mélangeant l’initiative parlementaire et le soutien populaire. Nous attendons toujours la loi organique qui permettrait de l’appliquer…
Ce sont des questions de principe qui motivent ce recours au référendum, car le présent projet de loi pose une série de questions fondamentales, constitutionnelles et politiques, que seul le peuple souverain doit trancher. Le recours au référendum constitue une obligation constitutionnelle pour au moins cinq motifs.
Tout d’abord, nous considérons que les Français doivent se prononcer sur la poursuite ou l’arrêt du processus de décentralisation.
Alors que l’article 1er de la Constitution prescrit que l’organisation de la France est décentralisée, la politique conduite depuis 2007 à l’égard des collectivités locales se traduit par une recentralisation, comme en témoigne la suppression de la taxe professionnelle ou le projet de rapprochement des départements et des régions, malgré l’hostilité des associations d’élus locaux directement concernés.
Le « modèle » que le présent projet de loi s’apprête à imposer à notre pays est, en réalité, une concentration des pouvoirs : le chef de l’État détiendra tous les pouvoirs, notamment pour orienter les dépenses des collectivités locales et canaliser ainsi les investissements nécessaires à l’avenir de la France, de ses territoires et à l’activité de ses entreprises.
Cette tentation récurrente de la droite jacobine avait été dénoncée au mois de juin 2000, une fois encore par Michel Mercier.