Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 20 janvier 2010 à 14h30
Motion référendaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales — Rejet d'une motion référendaire

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Bref, les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur la recentralisation ou sur la poursuite de la décentralisation.

Le deuxième motif du recours au référendum tient à la fusion programmée des départements et des régions. Alors que l’article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus », et donc que chaque collectivité doit disposer d’une assemblée délibérante qui lui est propre, le projet de loi organise la fusion des conseils généraux et des conseils régionaux.

En effet, c’est bien cet enjeu qui est en cause : dans son ouvrage La France peut supporter la vérité, publié en 2006, François Fillon estimait que le conseiller territorial est le préalable à la fusion entre départements et régions. Selon lui, le conseiller territorial « aurait assuré la coordination des politiques de ces deux échelons en attendant leur fusion ». Il regrettait que cette proposition de l’UMP n’ait pas été reprise par Jacques Chirac en 2002. Aujourd'hui Premier ministre, il réalise enfin son projet ! C’est également la fusion entre les deux administrations, que M. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a appelée de ses vœux lors du débat avec François Hollande.

Avec le conseiller territorial, chaque niveau perdra sa spécificité : impulsion et coordination pour la région, proximité pour le département. L’un deviendra une simple structure d’accompagnement des politiques nationales ; l’autre préparera sa suppression programmée.

Je note en passant que ce conseiller territorial organise le cumul des mandats obligatoires – ce point a déjà été relevé –, alors que la démocratie locale a besoin d’une respiration, qui pourrait résulter d’une nouvelle étape dans la limitation du cumul des mandats. La réforme a créé un conflit d’intérêt permanent : si ce projet de loi est adopté, chaque élection fera l’amalgame de bilans et de projets contradictoires.

Les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur la pérennité des départements et des régions ou sur leur fusion programmée.

Le troisième motif du recours au référendum est de permettre aux Français de se prononcer directement sur le principe de l’organisation territoriale française.

Alors que l’article 72 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon », le projet de loi envisage de supprimer la clause générale de compétence, donc de priver les départements et les régions de la seule solution qui permet d’appliquer des politiques différenciées dans des territoires ayant des problématiques différentes.

Les Français doivent pouvoir se prononcer directement pour savoir si les collectivités locales doivent être cantonnées dans des compétences décidées par l’État ou s’il convient de maintenir leur compétence générale, afin notamment de répondre aux attentes des usagers des services publics locaux.

Le quatrième principe, et non des moindres, remis en cause par la réforme que nous soumet le Gouvernement est celui de la parité.

Alors que l’article 1er de la Constitution oblige la loi à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, le projet de loi procède à une régression de la place des femmes au sein des futurs conseils territoriaux, compte tenu du recul du scrutin proportionnel.

En effet, selon le nouveau mode de scrutin proposé, 80 % des conseillers territoriaux seraient élus au scrutin uninominal à un tour dans le cadre des cantons – soit 2 400 élus –, les 20 % restants le seraient sur des listes paritaires départementales – soit 600 élus –, selon une organisation de report des voix parfaitement incompréhensible pour l’électrice ou l’électeur, fût-il des plus avertis.

Si l’on opère une projection des résultats des dernières élections régionales et cantonales avec ce nouveau dispositif, on peut raisonnablement s’attendre à compter, sur l’ensemble des conseillers territoriaux élus en 2014, 19, 3 % de femmes et 80, 77 % d’hommes !

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