Il est vrai, madame la ministre d’État, que nous comptons beaucoup sur vous ! En effet, sous tous les gouvernements, le ministère des affaires étrangères a toujours eu du mal à se défendre contre ses amis du ministère du budget, qui considèrent que les affaires étrangères n’ont pas à se plaindre.
Dans le même temps, ce ministère fait l’objet d’une affirmation politique très forte, M. le Premier ministre ayant lui-même évoqué tout à l’heure la « voix de la France ».
Nous devons aujourd’hui dresser le bilan d’une telle contradiction. Le ministère des affaires étrangères, longtemps avant les autres, c'est-à-dire depuis l’époque de M. Védrine, puis de M. Juppé, a fourni des efforts considérables. Il s’est ensuite vu appliquer, dans un contexte de réformes, des règles très dures.
Aujourd’hui, – mes collègues l’ont dit, et en particulier M. Gouteyron, qui, en tant que membre de la commission des finances, est plus qualifié que moi, à cet égard – nous en sommes arrivés à une situation véritablement dangereuse.
Les réductions programmées des crédits du ministère atteindront 5 % en 2011, puis 7, 5 % en 2012 et 10 % l’année suivante. Honnêtement, à ce rythme-là, nous ne tiendrons pas ! Ce réseau exceptionnel, qui, dans une certaine mesure, est la voix de France et porte notre diplomatie culturelle, sera profondément fragilisé.
Reconnaissons toutefois que la création, soutenue par le Sénat et l’Assemblée nationale, de l’Institut français constitue un progrès important. Notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication y tenait beaucoup, car elle estimait nécessaire de professionnaliser ce réseau, afin de l’affranchir d’une gestion administrative un peu lourde et de donner des perspectives de carrière aux agents, dont la mobilité trop rapide nuisait à l’élaboration dans le temps de leur projet professionnel.
L’Institut français sera mis en place avec un budget relativement modeste de 38 millions d’euros, dont nous prenons acte. En la matière, il faut d’ailleurs rendre hommage à votre prédécesseur, qui s’est battu pour cette nouvelle agence, souvent contre sa propre administration, laquelle redoutait de perdre ainsi une partie de son propre personnel.
En tout état de cause, madame le ministre d’État, malgré les demandes de notre commission, le réseau culturel français subira encore l’année prochaine une diminution importante de ses moyens.
Votre prédécesseur avait obtenu un abondement de 20 millions d’euros sur trois ans. En réalité, ce « plus » n’existe pas car, lorsque le ministère du budget a vu cette somme, il a retiré une somme équivalente ailleurs. Nous sommes ainsi revenus à notre point de départ, ce qui a profondément déçu la commission.
J’évoquerai également l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, afin de redire ce qui a été dit. En apparence, le budget est gelé à hauteur satisfaisante ; en réalité, cette agence, qui souhaite, comme beaucoup d’autres, établir un contrat d’objectifs et de moyens, ne le peut pas, compte tenu des incertitudes qui ont été évoquées. Ainsi, des incertitudes pèsent sur les frais de scolarité, je ne reviens pas sur ce point. Un amendement déposé par notre collègue Gouteyron vise à stabiliser la situation, mais ne règle pas l’affaire de manière définitive. Nous serions partisans, pour notre part, d’un système de bourses, qui serait plus juste et qui permettrait de se dégager de l’opération en question.
Par ailleurs, comment passer sous silence la question très grave et très injuste de la prise en charge par l’AEFE des pensions civiles des personnels titulaires de l’État ? Madame le ministre d’État, c’est le seul établissement public à ne pas avoir bénéficié, au-delà de la première année, d’une compensation à la suite du transfert d’une telle charge ! Les autres établissements publics bénéficient en effet, chaque année, d’une compensation à l’euro près.
En l’occurrence, la compensation dont l’Agence a bénéficié la première année a été versée une fois pour toutes. Ce sont donc les parents qui paient, par le biais de la contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité. Franchement, c’est vraiment choquant ! Notre commission a demandé la remise par le Gouvernement, avant le 30 juin 2011, d’un rapport sur ce sujet, pour rendre compte de l’évolution de cette mesure. Il faut en effet savoir comment l’AEFE pourra faire face à cette charge, qui augmente tous les ans.
Sur la question immobilière, je formulerai les mêmes observations que mes collègues. L’État, après avoir transféré en dotation à l’AEFE un certain nombre d’établissements lui appartenant, a complètement changé de pratique en décidant de louer les bâtiments. À quel prix ? On n’en sait rien ! Dans quel état seront-ils loués ? Les estimations pour la remise en état des locaux varient entre 150 millions et 300 millions d’euros.
L’Agence prélève une partie de la contribution de 6 %, soit environ 10 millions d’euros par an, pour entretenir les bâtiments, ce qui, bien évidemment ne permettra pas de faire face à la situation !
C’est d’autant plus désolant, madame la ministre d’État, qu’il y a une augmentation très forte de la demande en matière d’enseignement du français. Elle est estimée à 4 % par an, ce qui est très positif.
Les services du budget peuvent toujours dire que, puisque la demande croît, il suffit de faire payer les intéressés. Une telle attitude serait dangereuse et fragiliserait le système.
L’AEFE s’inquiète aussi beaucoup du risque de voir se ralentir la mise à disposition des fonctionnaires de l’éducation nationale, qui serait la conséquence des baisses d’effectifs dans l’éducation nationale. Faute d’obtenir des enseignants en nombre suffisant, l’AEFE devrait aller chercher des enseignants je ne sais où, au risque de compromettre la qualité de l’enseignement qui fait la réputation des établissements. Il faut absolument que sur ce plan, l’Agence continue à avoir une relation claire avec l’éducation nationale.
Au sujet de l’Agence culturelle, un autre problème se pose, celui de la contribution des autres ministères à la politique culturelle. Cette année, compte tenu de la rigueur, le budget du ministère de la culture n’est pas si mauvais que cela. Quant au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, son budget fait même envie aux autres !
Alors que votre ministère est durement frappé, il vous faut absolument, madame la ministre, utiliser toute votre force de conviction et votre autorité politique pour obtenir une aide substantielle de ces deux autres ministères. L’Agence culturelle n’aura pas d’avenir si elle n’est pas interministérielle !