Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez l’air étonné ; j’avais pourtant déjà indiqué ma position sur ce point lors de la révision constitutionnelle. Je vous renvoie aux propos que j’ai tenus à cette occasion.
La refonte de la carte législative est également indispensable pour permettre le respect du principe d’égalité devant le suffrage. Ce fait est connu de tous : avec la délimitation actuelle des circonscriptions, qui a été effectuée sur la base du recensement général de 1982 – il y a presque trente ans ! –, la voix de chaque citoyen a un poids très inégal selon son lieu de résidence, en raison des évolutions démographiques extrêmement importantes qu’ont connues certaines parties de notre territoire depuis lors. Voilà plus de dix ans que le Conseil constitutionnel invite d’ailleurs le législateur à remédier à cette situation, qui porte une grave atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous le rappelle, le Sénat avait reçu les mêmes recommandations de la part du Conseil constitutionnel et il s’est lui-même réformé. §Il me semble d’ailleurs indispensable qu’il le refasse régulièrement. Il est donc essentiel que nous actualisions la carte des circonscriptions, en gardant à l’esprit que cette mesure est urgente et nécessaire.
Comme vous le savez, cette actualisation est effectuée par le biais d’une ordonnance, conformément à l’habilitation qui figure à l’article 2 de la loi du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue par l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Cette habilitation a mis en place trois critères majeurs pour encadrer le travail du Gouvernement.
Premièrement, la population de chaque circonscription ne doit pas s’écarter de plus de 20 % de la moyenne démographique départementale.
Deuxièmement, le tracé des circonscriptions doit respecter le principe de continuité territoriale, ce qui signifie concrètement que seuls les cantons de plus de 40 000 habitants et les villes de plus de 5 000 habitants peuvent être divisés.
Ces deux premiers critères ont été parfaitement respectés par l’ordonnance : aucune circonscription ne présente d’écart par rapport à la moyenne départementale supérieur à 17, 5 %, et seuls 42 cantons, qui comptent tous plus de 40 000 habitants, ont été divisés.
Enfin, l’habilitation prévoyait qu’au moins deux sièges de député seraient attribués à chaque département. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé nécessaire de revenir sur cette tradition très ancienne afin de tenir compte de l’augmentation globale de la population française depuis les années quatre-vingt et de la révision constitutionnelle de 2008. Il est aussi revenu sur la jurisprudence selon laquelle chaque collectivité d’outre-mer constitue au moins une circonscription électorale.
En conséquence, l’ordonnance prévoit que la Lozère et la Creuse, dont la population est inférieure à la valeur de la « tranche », soit 125 000 habitants, n’éliront qu’un seul député.
En outre, je vous rappelle que cette ordonnance a été examinée par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution, qui a rendu deux avis publics sur la question.
Le Gouvernement a entendu ces avis et a modifié son projet dans vingt-cinq départements. Certes, il n’a pas suivi les recommandations de la commission dans treize autres départements ; mais il a tenu à justifier ce choix au cas par cas auprès du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Charles de la Verpillière, notamment en affichant sa volonté de tenir compte de l’évolution prospective de la population à court terme. C’est par exemple le cas en Seine-et-Marne, département que je connais bien : la circonscription englobant la ville nouvelle de Sénart est en pleine évolution, gagnant 8 000 habitants par an en raison du fort déploiement démographique dans ce secteur.
L’ordonnance est donc conforme aux exigences fixées par notre Constitution et par le législateur. Monsieur le secrétaire d’État, ce constat avait poussé la commission des lois, en première lecture, à vous proposer de la ratifier sans la modifier. Nous y étions presque parvenus lorsqu’un malheureux scrutin est survenu.
Je ne reviendrai pas en détail sur les étapes qui nous amènent, une deuxième fois, à examiner ce projet de loi, d’autant que nous connaissons les conditions dans lesquelles ce texte a été rejeté par la Haute Assemblée en première lecture.
Néanmoins, il me semble important de rappeler que, par deux fois, l’ordonnance a été ratifiée par l’Assemblée nationale sans que celle-ci y apporte une seule modification.