La séance est ouverte à neuf heures quarante.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (projet de loi n° 207, texte de la commission n° 219, rapport n° 218).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus d’un mois, le 14 décembre 2009, je vous présentais ici même le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, dernière étape de l’ajustement de la carte électorale entamé voilà maintenant près de deux ans.
L’examen et le vote de ce texte par la Haute Assemblée, juridiquement nécessaire pour que l’ordonnance ne soit plus un acte administratif mais acquiert force de loi, vous plaçaient dans une situation inédite par rapport aux délimitations effectuées sous la Ve République : pour des raisons que j’avais alors exposées, vous n’avez en effet examiné au fond ni l’ordonnance de1958 procédant à la première délimitation des circonscriptions législatives ni le projet de loi qui, à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire en 1986, a tracé les circonscriptions actuelles.
Je ne reviendrai pas sur l’incident qui s’est produit lors du vote au scrutin public d’un amendement supprimant l’article unique du projet de loi de ratification, ni sur les circonstances qui l’ont entouré.
Je souhaite en revanche m’exprimer sur les propos que j’ai tenus à l’Assemblée nationale mardi dernier, propos relatifs au précédent ainsi créé par le rejet du projet de loi de ratification par une majorité fortuite de sénateurs.
Que les choses soient bien claires, ces propos visaient non pas le Sénat dans son ensemble, mais bien – et chacun l’aura compris, j’en suis sûr – les sénateurs qui avaient fait voter cet amendement. Et c’est à leurs collègues députés de l’opposition que mes paroles s’adressaient à l'Assemblée nationale.
Leur attitude a en effet conduit à une nouvelle lecture d’un texte…
M. Alain Marleix, secrétaire d'État.… et elle revenait sur une tradition bien établie : celle selon laquelle une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État.Je ne me serais pas permis d’invoquer une telle position traditionnelle si elle n’avait pas été évoquée à plusieurs reprises, et encore tout récemment, dans cet hémicycle.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
J’ai d'ailleurs pris le soin de m’en entretenir avec le président de votre commission des lois et j’ai également demandé audience à M. le président du Sénat.
Ainsi, en 1986, lors des débats sur la nouvelle délimitation des circonscriptions législatives, c’est l’ancien président de votre commission des lois, M. Jacques Larché, qui avait constaté que « le Sénat, par principe, ne remettait pas en cause les choix arrêtés par les députés en la matière ». Il avait alors relevé que, sur les neuf lois ayant procédé à de nouveaux découpages ou autorisé les redécoupages précédents, six avaient été adoptées sans modification et trois avec de simples modifications rédactionnelles ou de coordination. Il vous avait en conséquence proposé d’opposer la question préalable au projet de loi, ce que vous aviez fait alors, au motif qu’il ne vous appartenait pas de statuer sur les modalités d’élection des membres de l’Assemblée nationale.
Plus récemment, lors de l’examen en commission du projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance à l’ajustement de la carte électorale, le rapporteur de ce texte, Patrice Gélard, avait estimé « que le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, »…
… « ne devait pas remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral ».
Il avait confirmé très nettement cette position en séance publique ; je cite certaines de ses interventions : « le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l’Assemblée nationale ! » ; « je ne vais pas le répéter dix fois : c’est la règle que nous avons toujours appliquée ! »
« Il n’y a pas de raison de modifier nos comportements ! »
Lisez la Constitution ! C’est le Parlement tout entier qui fait la loi !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il s’agit, je le répète, de citations de l’éminent sénateur Patrice Gélard, rapporteur du texte.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Au cours de ces mêmes débats, plusieurs sénateurs se sont également exprimés en ce sens, et je tiens aussi à citer quelques-unes de leurs interventions : « le Sénat avait pour règle de ne pas s’occuper de l’Assemblée nationale ».
« La courtoisie sénatoriale nous impose de ne pas nous occuper des questions relatives à l’Assemblée nationale et d’émettre un vote conforme. »
« Nos usages républicains veulent que les sénateurs ne se mêlent pas de la vie des députés quant à leur régime électoral ou leur mode de fonctionnement interne » ; « le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, se devait de ne pas remettre en cause le choix de l’Assemblée nationale. » Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ces citations ont l’air de vous gêner !
Enfin, l’éminent président de la commission des lois lui-même, M. Jean-Jacques Hyest
M. René Garrec applaudit.
Je n’ai donc pas voulu signifier autre chose aux députés de l’opposition : les sénateurs de leur camp, en votant la suppression de l’article unique du projet de loi de ratification, …
… les obligeaient à débattre de nouveau de leurs conditions d’élection, bien que l'Assemblée nationale ait déjà approuvé le texte à une très large majorité. Et ce sans qu’ils puissent être assurés de pouvoir à leur tour s’ingérer dans le redéploiement ou la création de sièges de sénateurs et sans qu’ils puissent avoir le dernier mot puisque le Sénat doit une nouvelle fois débattre du texte !
J’ai relevé le retard pris en conséquence par l’achèvement de la nouvelle carte législative, exigée par les textes et demandée par le Conseil constitutionnel depuis maintenant plus de vingt ans.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai ainsi souligné la responsabilité des sénateurs qui ont conduit à cette situation, je n’ai en aucun cas voulu, je le répète solennellement, mettre en cause le Sénat dans son ensemble.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai seulement souhaité relever les conséquences d’un comportement que je considère comme partisan.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Pour ne pas allonger le débat, je ne reviendrai pas sur les propos que je vous ai tenus le 14 décembre dernier : je ne peux évidemment rien retrancher ni ajouter aux arguments…
… que j’avais alors donnés devant la Haute Assemblée en faveur de la ratification de l’ordonnance. Chacun les ayant bien en mémoire, il ne serait pas convenable de vous les répéter. Ils figurent d’ailleurs en bonne place dans le compte rendu de vos débats, publié intégralement au Journal officiel. J’y reviendrai sans doute lors de notre discussion.
Vous n’aviez pu répondre positivement, du fait du vote que j’évoquais voilà un instant, à la question que je vous posais alors : l’ordonnance dont il vous est proposé la ratification respecte-t-elle les critères…
… fixés par la loi d’habilitation et les principes relatifs à l’élection de l’Assemblée nationale énoncés par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire – selon la formule consacrée – « sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l’égalité devant le suffrage » ?
Telle a été, je le rappelle, la position du Conseil d’État, qui a donné un avis favorable au projet de loi de ratification.
J’ai le sentiment que la majorité de votre assemblée estime que le Gouvernement a répondu de façon satisfaisante…
… à la confiance que le Parlement lui avait accordée en lui confiant la mission délicate de l’indispensable ajustement de la carte électorale.
C’est ce que le Gouvernement propose au Sénat de dire en se prononçant, à l’occasion de cette nouvelle lecture, sur le projet de loi de ratification qu’il lui soumet.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée est saisie pour la deuxième fois du projet de loi de ratification de l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Au vu de la richesse des débats qui ont eu lieu le 14 décembre dernier, alors que le Sénat examinait ce texte en première lecture, je me bornerai à effectuer quelques brefs rappels sur l’élaboration de l’ordonnance et sur ses principales caractéristiques.
Tout d’abord, nul ne l’ignore, l’ordonnance dont le Gouvernement sollicite la ratification, en modifiant les frontières de 339 circonscriptions dans 42 départements, répond à un véritable impératif démocratique et constitutionnel.
Elle est rendue nécessaire par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui, tout en créant des sièges de députés pour les Français établis hors de France, a fixé le nombre maximal de membres de l’Assemblée nationale à 577. La constitutionnalisation de ce nombre…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … suivre l'Assemblée nationale, bien que nous ne soyons pas parfaitement convaincus de la pertinence d’une telle disposition de la Constitution.
Ah ?sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez l’air étonné ; j’avais pourtant déjà indiqué ma position sur ce point lors de la révision constitutionnelle. Je vous renvoie aux propos que j’ai tenus à cette occasion.
La refonte de la carte législative est également indispensable pour permettre le respect du principe d’égalité devant le suffrage. Ce fait est connu de tous : avec la délimitation actuelle des circonscriptions, qui a été effectuée sur la base du recensement général de 1982 – il y a presque trente ans ! –, la voix de chaque citoyen a un poids très inégal selon son lieu de résidence, en raison des évolutions démographiques extrêmement importantes qu’ont connues certaines parties de notre territoire depuis lors. Voilà plus de dix ans que le Conseil constitutionnel invite d’ailleurs le législateur à remédier à cette situation, qui porte une grave atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous le rappelle, le Sénat avait reçu les mêmes recommandations de la part du Conseil constitutionnel et il s’est lui-même réformé. §Il me semble d’ailleurs indispensable qu’il le refasse régulièrement. Il est donc essentiel que nous actualisions la carte des circonscriptions, en gardant à l’esprit que cette mesure est urgente et nécessaire.
Comme vous le savez, cette actualisation est effectuée par le biais d’une ordonnance, conformément à l’habilitation qui figure à l’article 2 de la loi du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue par l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Cette habilitation a mis en place trois critères majeurs pour encadrer le travail du Gouvernement.
Premièrement, la population de chaque circonscription ne doit pas s’écarter de plus de 20 % de la moyenne démographique départementale.
Deuxièmement, le tracé des circonscriptions doit respecter le principe de continuité territoriale, ce qui signifie concrètement que seuls les cantons de plus de 40 000 habitants et les villes de plus de 5 000 habitants peuvent être divisés.
Ces deux premiers critères ont été parfaitement respectés par l’ordonnance : aucune circonscription ne présente d’écart par rapport à la moyenne départementale supérieur à 17, 5 %, et seuls 42 cantons, qui comptent tous plus de 40 000 habitants, ont été divisés.
Enfin, l’habilitation prévoyait qu’au moins deux sièges de député seraient attribués à chaque département. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé nécessaire de revenir sur cette tradition très ancienne afin de tenir compte de l’augmentation globale de la population française depuis les années quatre-vingt et de la révision constitutionnelle de 2008. Il est aussi revenu sur la jurisprudence selon laquelle chaque collectivité d’outre-mer constitue au moins une circonscription électorale.
En conséquence, l’ordonnance prévoit que la Lozère et la Creuse, dont la population est inférieure à la valeur de la « tranche », soit 125 000 habitants, n’éliront qu’un seul député.
En outre, je vous rappelle que cette ordonnance a été examinée par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution, qui a rendu deux avis publics sur la question.
Le Gouvernement a entendu ces avis et a modifié son projet dans vingt-cinq départements. Certes, il n’a pas suivi les recommandations de la commission dans treize autres départements ; mais il a tenu à justifier ce choix au cas par cas auprès du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Charles de la Verpillière, notamment en affichant sa volonté de tenir compte de l’évolution prospective de la population à court terme. C’est par exemple le cas en Seine-et-Marne, département que je connais bien : la circonscription englobant la ville nouvelle de Sénart est en pleine évolution, gagnant 8 000 habitants par an en raison du fort déploiement démographique dans ce secteur.
L’ordonnance est donc conforme aux exigences fixées par notre Constitution et par le législateur. Monsieur le secrétaire d’État, ce constat avait poussé la commission des lois, en première lecture, à vous proposer de la ratifier sans la modifier. Nous y étions presque parvenus lorsqu’un malheureux scrutin est survenu.
Je ne reviendrai pas en détail sur les étapes qui nous amènent, une deuxième fois, à examiner ce projet de loi, d’autant que nous connaissons les conditions dans lesquelles ce texte a été rejeté par la Haute Assemblée en première lecture.
Néanmoins, il me semble important de rappeler que, par deux fois, l’ordonnance a été ratifiée par l’Assemblée nationale sans que celle-ci y apporte une seule modification.
Monsieur le secrétaire d’État, la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes concernant exclusivement les députés doit nous inciter à suivre la position de l’Assemblée nationale sans nous immiscer dans ses choix. Vous avez évoqué vos propos devant l’Assemblée nationale. Je vous le rappelle, la Constitution a prévu deux assemblées et exige un accord entre les deux pour de nombreuses lois.
Le précédent de 1958 que vous avez cité n’a aucune valeur puisque, à ce moment-là, de nombreuses modifications substantielles ont été apportées à notre législation par une ordonnance prévue par la Constitution dont le Parlement n’a, par définition, pas été saisi.
Quant au vote d’une question préalable par le Sénat, qui s’est produit deux fois dans le passé, pour le passage à la proportionnelle, d’une part, et pour le retour au scrutin majoritaire et la fixation des circonscriptions, d’autre part, il n’a pas eu pour corollaire une absence de débat ! Le vote sans débat existait dans une Constitution très ancienne, lorsqu’il y avait une assemblée qui votait et une assemblée qui débattait. Il serait peut-être intéressant de revenir à un tel système
M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.
, et de choisir le Sénat comme assemblée délibérante, car on y est quelquefois beaucoup plus raisonnable qu’à l’Assemblée nationale !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous invoquez la jurisprudence. La seule que je connaisse pour ma part, c’est que, par deux fois, les députés se sont occupés, contre l’avis du Sénat, de notre mode électoral.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut toujours relire le texte de la Constitution. Il est normal de débattre. La commission des lois souhaite une ratification conforme de cette ordonnance, comme la grande majorité du Sénat, mais le droit d’amendement et le débat existent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous auriez dû nous demander de voter la question préalable en première lecture pour respecter la tradition, ainsi nous n’aurions pas eu un réel débat.
M. le secrétaire d’État rit.
Il arrive que des députés fassent des déclarations fracassantes sur le Sénat.
M. Daniel Raoul s’exclame.
…mais pour autant pas résignés, effectivement ! Lorsque les affirmations sont erronées, comme c’est toujours le cas, nous répliquons !
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous êtes un parlementaire expérimenté, toujours soucieux du respect de nos institutions, vos propos ne pouvaient qu’être relevés. Mais vous avez admis les avoir tenus dans le feu du débat. Ils ont certainement dépassé votre pensée.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Mais nous ferons bien entendu toujours respecter les prérogatives du Sénat, seconde chambre du Parlement qui est l’égale de l’Assemblée nationale sur le plan législatif. C’est vrai, celle-ci a toujours le dernier mot, mais quelquefois en deuxième lecture même si cela est arrivé très rarement dans l’Histoire. Je tiens à le souligner, nous maintenons notre jurisprudence. Or, la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes concernant exclusivement les députés nous incite à suivre la position de l’Assemblée nationale, sans nous immiscer dans ses choix.
La commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi sans modification.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –M. Hervé Maurey applaudit également.
La parole est à M. Bernard Frimat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, à cette même tribune, je terminai mon intervention par les mots suivants - excusez-moi de me citer mais vous l’aviez fait : « Il vous reste, monsieur le secrétaire d’État, à échapper à la malédiction qui finit toujours par s’abattre sur ceux qui manipulent les modes de scrutin. Ce n’est qu’une question de temps ».
Je vous l’avoue, je ne pensais pas que la malédiction frapperait si vite.Je n’imaginais pas la ratification de votre ordonnance si chaotique.
Mais il en a été ainsi, et vous vous retrouvez une nouvelle fois, à votre corps défendant monsieur le secrétaire d’État, devant le Sénat.
J’espère que vous supporterez avec philosophie cette situation. Je déplore, au demeurant, que vous vous soyez cru obligé de vous livrer, à la tribune de l’Assemblée nationale, à de violentes attaques contre notre collègue, la présidente Catherine Tasca, et contre le Sénat lui-même.
La brutalité de ces offensives a même surpris nos collègues députés, qui n’ont pourtant pas pour habitude de déborder d’affection pour la Haute Assemblée.
Vous évoquez constamment la tradition qui voudrait, selon vous, « qu’une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée ».
Permettez-moi de vous le faire remarquer, votre supposée tradition est à géométrie politiquement variable ! Elle est respectée quand il y a identité de majorité politique entre le Sénat et l’Assemblée, et n’est alors ni plus ni moins qu’un accord politique. En revanche, en l’absence d’identité, le comportement est différent.
Ainsi, quand, en 1985, le gouvernement de Laurent Fabius a proposé une profonde modification du mode d’élection des députés en substituant le scrutin proportionnel au scrutin majoritaire et en augmentant le nombre de députés, le Sénat n’a pas, à ma connaissance, invoqué la tradition. Il s’est opposé avec force – c’était son droit, et cela ne me choque pas – à cette évolution. Le recours à la technique de la question préalable ne l’a pas empêché de débattre et de s’exprimer contre, ni le projet de loi d’être renvoyé, comme aujourd’hui, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat manifestait alors un désaccord politique et exprimait ses convictions. C’était son droit !
De la même façon, quand le gouvernement de Lionel Jospin a proposé de modifier le mode d’élection des sénateurs, en instaurant le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs…
…parce qu’il lui semblait que les collectivités territoriales seraient ainsi représentées de manière plus fidèle à la réalité des conseils municipaux, l’Assemblée nationale a imposé au Sénat, en dépit de l’opposition de ce dernier, la solution qui avait sa préférence politique.
Elle exerçait alors son droit, conformément à la Constitution.
En ces circonstances, vous pouvez donc le constater avec moi, l’Assemblée nationale comme le Sénat sont intervenus sur le mode d’élection de l’autre assemblée. Ils n’ont fait que leur travail de législateur en débattant et en votant la loi, quel que soit son objet, fût-il le mode d’élection des députés ou des sénateurs.
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, nous ne connaissons pas, je vous cite une nouvelle fois – quel plaisir ! – « une situation […] totalement inédite, du moins sous la Ve République ». Nous n’avons donc pas créé un précédent, comme je l’ai démontré et contrairement à vos affirmations.
En tout état de cause, et là encore contrairement aux propos que vous avez tenus à l’Assemblée nationale, celle-ci aura le dernier mot, comme Jean-Jacques Hyest le rappelait. Si, reconnaissant, avec clarté, que votre texte est mauvais, le Sénat avait l’intelligence de confirmer son vote de première lecture, que se passerait-il ?
Le Gouvernement a, conformément à la Constitution, le pouvoir de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.
C'est bien parce qu’elle peut avoir, en cas de divergence définitive entre le Sénat et l’Assemblée nationale, et si le Gouvernement le souhaite, le dernier mot qu’il est indispensable selon nous de rendre conforme le découpage des circonscriptions d’élection des députés aux règles élémentaires de l’égalité de suffrage, et d’éviter de suivre une démarche essentiellement partisane.
Or, j’ai le regret de le constater, votre démarche est exclusivement partisane. Elle comporte un seul but inavoué, car inavouable, mais évident : favoriser le plus possible votre parti, l’UMP.
Mon ami Bruno Le Roux a opéré une analyse minutieuse des situations les plus inacceptables. Je ne la reprendrai pas dans le détail, mais il nous revient d’expliquer, à l’intention du Conseil Constitutionnel, pourquoi et en quoi votre ordonnance contrevient aux règles les plus élémentaires de l’égalité des suffrages.
Vous avez même, entre ces deux lectures, aggravé votre cas. Vous disposez de chiffres récents issus du dernier recensement, mais vous refusez d’en tenir compte.
Vous vous contentez d’affirmer, sans étude d’impact ni démonstration, que cela ne change rien. En effet, vous ne voulez rien modifier à votre travail et à celui de vos conseillers. II ne faut pas d’accroc dans votre dentelle électorale.
Ce faisant, selon nous, vous ne respectez pas les nouvelles exigences constitutionnelles formulées par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci vous demande, en effet, de désigner l’Assemblée nationale sur des bases essentiellement démographiques. Cela implique d’utiliser les données les plus récentes, à même de traduire avec le plus d’exactitude la réalité démographique du pays.
De plus, la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent respecter au mieux l’égalité devant le suffrage. Vous avez donc l’obligation, au moins morale, de tendre vers un idéal où la voix de chaque citoyen pèse le même poids au moins au sein d’un département. Nous en sommes très loin, et vous êtes bien placé pour le savoir.
Pour vous, une circonscription n’est pas une réalité historique, sociologique, économique, cernant au mieux, dans le respect des équilibres démographiques, des bassins de vie et d’emploi, et permettant la meilleure représentation des citoyens à l’Assemblée nationale. À vos yeux en effet, une circonscription est le fief de tel ou tel député qui vous conduit à nous proposer un découpage intuitu personae pour satisfaire le titulaire actuel ou le candidat que votre parti envisage de présenter.
Mme Catherine Tasca acquiesce.
La révision de la carte électorale n’est pas, pour vous et pour vos collaborateurs, le moyen de représenter de manière juste la population. Elle devient dans vos mains un instrument pour tenter de freiner, voire de bloquer, les possibilités d’alternance démocratique.
Pour cette raison, nous devons, par nos interventions, tenter de convaincre le Conseil Constitutionnel de « carboniser » votre découpage, pour recourir à une métaphore à la mode. Nous espérons qu’il en censurera au moins les manipulations les plus criantes.
Votre procédé est toujours le même. D’abord, choisir un mode de répartition des sièges avec le système de la tranche commencée qui vous permet de diminuer la représentation des départements les plus peuplés. Cette méthode, vous le savez, engendre les inégalités les plus profondes entre les départements et, en conséquence, s’écarte le plus du respect de l’égalité de suffrages entre les électeurs des différents départements.
Elle est employée uniquement en France, mais cela vous importe peu dès lors qu’elle est à vos yeux la plus favorable aux intérêts de l’UMP.
Vous autorisant à supprimer 33 circonscriptions, elle vous permet de rayer de la représentation nationale, si l’on s’en tient à leurs titulaires actuels, 23 députés de gauche contre 10 de droiteou, autrement dit, 23 députés de gauche sur 230, soit 10 %, et 10 députés de droite sur 340, soit 3 %.
On admirera votre sens de l'équité ! Ma région est bien placée pour en parler puisque le Nord perd trois députés, le Pas-de-Calais, deux. Il est vrai, je le reconnais, que les citoyens de ces départements ont pour habitude d’élire plus de députés de gauche que de droite.
Et oui ! Il était bien difficile de ne pas supprimer de députés de gauche !
Je conçois que cela vous soit désagréable. Est-ce une raison pour priver ces départements d’une juste représentation à l’Assemblée nationale ?
Après avoir choisi une méthode de répartition des sièges à vos yeux la plus favorable, le deuxième temps de votre exercice consiste à tordre les principes qui président au découpage, et ce jusqu’à la limite de la rupture.
Si vous respectez, rarement, la continuité territoriale, c’est au moyen de circonvolutions extraordinaires, en ignorant, quand cela vous arrange, les solidarités existantes entre les différents territoires du département. Mes collègues députés ont suffisamment mis en évidence ce travers pour que je ne m’y attarde pas. Il en est de même de la possibilité de scinder un canton de plus de 40 000 habitants : prévue comme une exception, vous la transformez en moyen banal, quand cela vous est utile, …
… pour vous donner la liberté nécessaire de faire fructifier vos petits arrangements partisans. Je l’ai démontré en première lecture.
Enfin, vous employez de la même façon l’écart de 20 % en plus ou en moins par rapport à la moyenne départementale. Il constitue les limites possibles de vos manipulations et nullement l’exception justifiée par rapport à la règle de l’égalité de suffrage.
Vous faites des dispositions que je viens de mentionner pour le découpage une utilisation venant directement contredire – je me permets de vous le rappeler – le considérant 26 de la décision du 8 janvier 2009.
Les dispositions « pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». C’est ce que vous faites.
De plus, le Conseil Constitutionnel ajoute ceci : ces mesures doivent « être réservées à des cas exceptionnels et dûment justifiés ; qu’il ne pourra y être recouru que dans une mesure limitée et en s’appuyant, au cas par cas, sur des impératifs précis d’intérêt général ; […] que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ».
Vous aurez beaucoup de mal à nous persuader que favoriser les intérêts électoraux de l’UMP constitue, au cas par cas, un impératif précis d’intérêt général.
De la même manière, l’usage systématique du confinement des secteurs réputés de gauche au sein d’une même circonscription, pour faciliter l’élection de députés UMP dans les circonscriptions limitrophes, peut difficilement s’apparenter à un impératif précis d’intérêt général. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, n’y croyez pas. Ce serait faire injure à vos talents de ciseleur de ne pas mettre en évidence votre activité partisane. Les découpes de certaines circonscriptions pour atteindre ce but sont telles que, en comparaison, les contours des fjords norvégiens deviennent des modèles de simplicité !
Monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable pour nous d’expliquer au cours de ce débat, à l’intention du Conseil constitutionnel, le caractère inacceptable de votre projet d’ordonnance. C’est ce à quoi nous nous attacherons, mes collègues socialistes et moi-même, en défendant nos amendements.
Un découpage sincère ne doit pas s’effectuer au profit de tel ou tel député. Nous refusons votre manière de faire, car la qualité démocratique d’un découpage ne se juge pas à l’aune du profit que peut en tirer la majorité ou l’opposition. Un découpage sincère se juge à la manière dont il permet au citoyen d’obtenir à l’Assemblée nationale une représentation conforme à ses choix. Il se juge également à la manière dont il permet de traduire dans la composition de l’Assemblée nationale les changements d’opinion de la population. Il se juge pour tout dire à la manière dont il permet à la démocratie de vivre, et donc à l’alternance de se réaliser, si le peuple en décide ainsi.
C’est parce que votre projet de loi de ratification ne répond à aucune de ces exigences que j’invite le Sénat, sans l’aide de la main de Dieu
Sourires.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Le Sénat avait rejeté ce texte le 14 décembre dernier dans les circonstances que chacun ici connaît, sur lesquelles je ne reviendrai pas. L’Assemblée nationale, conduite à s’exprimer de nouveau sur le texte qui lui avait été soumis en première lecture, n’a pas modifié son vote.
Les conditions dans lesquelles nous examinons le projet de loi n’ayant pas davantage changé, les motivations du vote de chacun des membres du groupe du RDSE demeurent intactes. Mon intervention sera donc identique à celle que j’avais faite en première lecture. Je m’en excuse auprès de ceux – peu nombreux – …
Certes, mais je vais quand même me faire un petit plaisir en la relisant !
Comme le disait Pierre Mendès France : mieux vaut se répéter que se contredire !
Mme Françoise Laborde. Le président Larcher, qui n’était pas en séance à ce moment-là, pourra ainsi m’entendre.
Sourires
L’élection au suffrage universel des représentants de la nation est l’acte fondateur de toute démocratie parlementaire. C’est sur elle que s’appuie la légitimité des lois qui régissent la vie en société et donnent corps à la citoyenneté. C’est donc à ce titre que la délimitation des circonscriptions électorales et la répartition des sièges de députés revêtent une importance singulière au regard de ce qui participe de l’essence d’un État de droit, l’alternance des majorités.
La ratification de l’ordonnance du 29 juillet 2009 sur laquelle nous sommes aujourd’hui conduits à nous prononcer intervient au terme d’un long – trop long même ! – processus.
Comme cela a déjà été évoqué, la délimitation actuelle des circonscriptions législatives remonte à la loi du 24 novembre 1986, adoptée au début de la première cohabitation et après le bref intermède du scrutin de liste proportionnel institué en 1985. Le découpage actuel s’appuie donc sur les données issues du recensement général de la population de 1982, lesquelles ne correspondent naturellement plus à la réalité démographique d’aujourd’hui.
Or, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil constitutionnel a posé le principe intangible selon lequel l’égalité du suffrage, instituée par l’article 3 de la Constitution, ne peut être garantie que si la délimitation des circonscriptions se fait « sur des bases essentiellement démographiques ».
Cela signifie qu’il faut prendre en compte non pas le nombre d’électeurs d’une circonscription, mais bien sa population, ce qui prend tout son sens pour un département jeune et dynamique comme le mien, la Haute-Garonne.
Nous sommes parvenus à des situations ubuesques où le poids du vote d’un électeur, pour ne parler que de la métropole, n’a pas la même valeur selon son lieu d’habitation.
En prenant les deux extrêmes, le vote d’un électeur de la 2e circonscription de la Lozère, qui compte 35 000 habitants, pèse six fois plus que celui d’un électeur de la 1ère circonscription du Val-d’Oise, qui totalise 188 000 habitants. §Lorsqu’on sait que des élections se jouent parfois à quelques voix, et qu’une majorité parlementaire peut être ténue, on comprend aisément où se situe le problème.
Un nouveau redécoupage des circonscriptions était donc devenu indispensable, d’autant plus que deux recensements généraux sont intervenus depuis lors, en 1990 et en 1999.
Le Conseil constitutionnel, par ailleurs, juge de l’élection des députés, n’avait pas manqué d’attirer solennellement l’attention du Gouvernement sur ce point, d’abord en 2005, puis, de nouveau, en 2007, lors de l’examen du projet de loi organique visant à créer les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Sans nécessairement remonter aux rotten boroughs britanniques ou faire référence au gerrymandering qui se pratique encore parfois aux États-Unis, force est de constater qu’il est difficile de procéder à une nouvelle délimitation de façon absolument neutre et objective.
À cet égard, la méthodologie choisie revêt toute son importance.
On peut ainsi s’interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le choix de la méthode par tranches, dite méthode Adams, qui n’est utilisée qu’en France, ou encore sur le choix d’une tranche de 125 000 habitants, alors que, en divisant le total de la population française par le nombre de circonscriptions, la tranche type est plus proche de 113 000 habitants.
J’ai toutefois conscience que les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d’assurer une représentation correcte de l’outre-mer ne permettent pas de garantir une tranche optimale. Mais la différence reste tout de même de 11 % !
En outre, pourquoi avoir choisi un écart de 20 % entre circonscriptions d’un même département, alors que le Conseil de l’Europe recommande, dans son Code de bonne conduite en matière électorale, un écart de 10 % ?
Pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion de cette ordonnance pour réduire l’écart et renforcer les conditions d’une réelle égalité des suffrages ?
Certes, le Conseil constitutionnel a validé cet écart de 20 %, mais en rappelant qu’il ne devait être qu’un ultime recours fondé sur des raisons d’intérêt général particulièrement circonstanciées.
En tout état de cause, la difficulté de procéder à la révision des circonscriptions résulte aussi de la révision constitutionnelle de 2008 et de la disposition qui a fixé à 577 le nombre maximal de députés. Je ne suis pas convaincue de l’utilité de cette disposition, même si je conçois que le pouvoir constituant ait voulu empêcher toute inflation d’élus. Néanmoins, ce plafond complexifie, de fait, la tâche, et explique notamment la raison pour laquelle a été censurée la vieille tradition républicaine selon laquelle tout département métropolitain disposait au moins de deux sièges.
Parallèlement, la révision constitutionnelle et la loi organique du 13 janvier 2009 ont permis de créer onze sièges de députés représentant les Français de l’étranger. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leur répartition géographique est surprenante. L’un d’entre eux sera élu par nos compatriotes qui résident en Suisse et au Liechtenstein, tandis qu’un autre devra, pour faire campagne, courir l’Asie et l’Océanie dans leur ensemble, soit 51 millions de kilomètres carrés ! Voilà un découpage bien saugrenu, dont on se doute qu’il n’est pas tout à fait innocent, au vu de la sociologie des expatriés vivant ici ou là !
La commission prévue à l’article 25 de la Constitution, présidée par Yves Guéna, a été saisie à deux reprises par le Gouvernement, lequel n’a pourtant pas suivi l’ensemble de ses recommandations. Ces dernières tendaient à renforcer le principe d’égalité du suffrage ou la continuité et la cohérence territoriales des découpages retenus. Or nombreuses sont les circonscriptions affichant un déficit démographique qui ont été pointées du doigt par la commission. Mais le Gouvernement est passé outre, comme c’est le cas pour les Alpes-Maritimes, le Cher, la Loire, le Tarn, les Yvelines, ou encore la 5e circonscription des Français de l’étranger, pour ne citer que ces territoires.
Je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État, le redécoupage des circonscriptions est une tâche complexe, et s’en acquitter avec impartialité est une gageure. Les deux camps qui structurent la vie politique de notre pays sont touchés, certes de façon inégale, par ce remodelage. Insatisfaits et satisfaits se retrouvent dans les deux camps politiques.
L’ancien redécoupage a été, lui aussi, très critiqué en son temps, et pour les mêmes raisons.
… pour la plus grande vitalité de notre démocratie.
La discussion de ce projet de loi de ratification a été l’occasion pour certains de nos collègues députés de se livrer à de savants calculs, assortis de coefficients ou d’extrapolations ou de projections électorales. On a ainsi pu entendre que le bloc de gauche devrait désormais obtenir 51, 4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l’Assemblée nationale !
Tous ces calculs sont brillamment étayés et très intéressants, mais omettent un point essentiel : le vote des électeurs n’est pas figé.
L’évolution sociologique est, par définition, un phénomène contingent, qui empêche d’enfermer l’arithmétique électorale dans des formules toutes faites et reproductibles à l’infini. L’humeur et l’opinion de nos compatriotes fluctuent : les calculs politiciens d’aujourd’hui ne seront certainement pas valables demain.
Ce projet de loi concerne avant tout, et par définition, les députés. Pour cette raison, mais également en cohérence avec nos collègues radicaux de gauche de l’Assemblée nationale, la grande majorité des membres du groupe RDSE ne prendra part à aucun vote sur ce texte.
Monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai indiqué en première lecture, vous avez procédé à un incroyable charcutage à l’intérieur de la ville de Metz.
Ce découpage, qui passe en zigzag entre les blocs d’immeubles à l’intérieur du canton de Metz III, n’a aucune justification, puisqu’il s’agit quasiment d’une opération blanche du point de vue démographique. En effet, pour favoriser votre ami M. Grosdidier, au détriment de Mme Zimmermann et de Mme Filippetti, l’opération se résume à une permutation des treize bureaux de vote les plus à gauche de la ville contre onze bureaux de vote très à droite.
Plus grave, la Moselle est le seul département où vous avez transmis à la Commission de contrôle du redécoupage électoral des chiffres de population totalement faux. La sous-estimation est tellement grossière qu’il ne s’agit probablement ni d’une erreur ni d’un hasard. Il s’agit au contraire de cacher le fait que votre découpage extravagant n’a aucune justification démographique. C’est ce que je vais maintenant prouver.
Votre dépeçage à l’intérieur du canton de Metz III est tellement tordu que, fin mai, l’INSEE n’avait pas encore calculé la population concernée au titre du recensement de 2006. Le Gouvernement a de ce fait inventé de toutes pièces sa propre estimation qu’il a transmise à la Commission de contrôle du redécoupage électoral.
Or, pour cette estimation, le Gouvernement disposait d’au moins cinq chiffres : tout d’abord, pour l’ensemble du canton de Metz III, ceux des trois recensements de 1990, soit 38 198 habitants, de 1999, soit 40 058 habitants, et de 2006, soit 40 987 habitants ; ensuite, pour les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier, ceux des deux recensements de 1990, soit 15 279 habitants, et de 1999, soit 16 057 habitants. Seul manquait le recensement de 2006.
Ces cinq chiffres dont disposait le Gouvernement montrent que le canton de Metz III est globalement en croissance régulière et que, en son sein, les bureaux de vote dépecés au profit de M. Grosdidier connaissent une augmentation exactement parallèle de leur population. Il suffisait donc de faire une simple règle de trois pour obtenir une bonne estimation de la population de ces bureaux de vote. C’est ce que j’ai fait. À quarante-sept habitants près, on trouve le résultat exact !
Monsieur le secrétaire d’État, votre principal collaborateur chargé du découpage est diplômé d’une grande école scientifique. Il a d’ailleurs parfaitement mis à profit ses cours de topologie à l’École polytechnique pour se transformer en artiste du dépeçage électoral. Vous ne me ferez pas croire que cet éminent collaborateur est incapable de faire une règle de trois, …
Sourires
… laquelle est du niveau du certificat d’études !
Vous ne me ferez pas croire non plus qu’il n’a pas eu le temps de s’occuper de la ville de Metz. Je pense au contraire qu’il y a consacré tellement de temps que, dans le cadre de ses excentricités topologiques, il a découvert ce que personne n’avait vu jusqu’à présent, à savoir un chemin de halage le long d’un canal désaffecté formant un étranglement qui assure la continuité territoriale entre les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier et le reste de sa circonscription !
Or, comme par hasard – c’est incroyable, mais vrai ! –, vous sous-estimez de 2 000 habitants la population charcutée à l’intérieur du canton de Metz III. C’est à croire, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a eu une explosion soudaine du taux de mortalité, une épidémie de peste ou de choléra… De plus, si cette partie du canton de Metz III avait effectivement perdu 2 000 habitants, cela signifierait que, pour assurer mathématiquement la croissance démographique globale du canton de Metz III, la partie restante aurait au contraire connu une explosion de la natalité !
Rassurez-vous, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a pas eu d’épidémie de choléra sur le territoire des bureaux de vote que vous avez dépecés, pas plus que les habitants de l’autre partie du canton de Metz III ne se sont mis à se multiplier comme des lapins.
Je ne ferai pas l’injure à votre collaborateur ni à vous-même, monsieur le secrétaire d’État, d’imaginer un seul instant que vous ne sachiez pas faire une règle de trois. J’en conclus donc que nous sommes face à une opération extrêmement grave, à savoir la manipulation délibérée des chiffres de population…
… afin de minimiser les insuffisances démographiques de votre charcutage électoral.
Plus grave encore, monsieur le secrétaire d’État, vous avez vous-même reconnu que l’INSEE vous avait communiqué dès le début du mois de juillet les chiffres exacts de la population.
Malgré cela, vous avez laissé l’Assemblée nationale délibérer en première lecture sur la base de données fausses, grossièrement sous-estimées. D’ailleurs, si moi-même en première lecture au Sénat, puis Mme Filippetti et Mme Zimmermann en seconde lecture à l’Assemblée nationale, n’avions pas soulevé ce lièvre, vous vous seriez bien gardé encore aujourd’hui de dire quoi que ce soit sur cette question.
Il y a là un vice de forme rédhibitoire qui entache toute la procédure. C’est de plus une atteinte grave à la loyauté dont le Gouvernement devrait faire preuve à l’égard du Parlement.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos travaux, j’indique à nos collègues que je vous demanderai de bien vouloir suspendre la séance à l’issue de la discussion des motions, et en tout état de cause au plus tard à douze heures trente, afin que la commission puisse consacrer quelques minutes à l’examen des amendements qui auront été déposés depuis la réunion qu’elle a tenue ce matin à neuf heures.
Il sera bien entendu fait droit à votre demande, monsieur le rapporteur.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Troendle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui de nouveau invités à ratifier l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Nous devons aujourd’hui ce débat non pas, comme certains se plaisent à le sous-entendre, à une supposée opposition au projet de loi, mais beaucoup plus simplement à une erreur matérielle.
Mme Catherine Troendle. Comme je l’ai exposé le 14 décembre dernier, ce projet de loi de ratification constitue l’aboutissement d’un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé voilà maintenant plus de dix-huit mois.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Ce texte est scrupuleusement conforme, n’en déplaise à certains, à la mission qui avait été assignée au Gouvernement lors de l’adoption de la loi d’habilitation du 13 janvier 2009.
Quatre objectifs avaient été fixés : prendre en compte de manière homogène les chiffres du dernier recensement ; procéder à la modification de la répartition des sièges entre les départements et les collectivités d’outre-mer ; délimiter les circonscriptions dans les départements et collectivités d’outre-mer où le nombre de sièges a été modifié ; enfin, créer les sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France, conformément à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Force est de constater que ces objectifs ont été atteints.
Je ne reviendrai donc pas sur ces caractéristiques, qui sont toujours d’actualité. Elles résultent d’un travail nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace.
Aucun gouvernement, depuis plus de vingt ans, ne s’était attelé à cette question, ignorant par là même les évolutions de la démographie et les observations réitérées du Conseil constitutionnel en 2003 et en 2005. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, aucun ajustement des circonscriptions n’avait été entrepris.
De plus, cette réforme s’inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle votée en 2008, qui a plafonné l’effectif global des députés à 577 et prévu que les Français établis hors de France seraient représentés à l’Assemblée nationale.
L’objet même de la réforme et l’extraordinaire difficulté des problèmes à résoudre justifiaient le recours à la procédure des ordonnances.
L’ordonnance a fait l’objet d’un contrôle sans précédent lors de son élaboration. Le Gouvernement a été habilité à y recourir dans les conditions fixées par l’article 38 de la Constitution, et un projet de loi de ratification nous est aujourd’hui soumis. Celui-ci a également fait l’objet d’un avis favorable de la commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l’article 25 de la Constitution.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un redécoupage contrôlé, public et équitable. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra avec détermination le projet de loi soumis aujourd’hui à notre vote.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce second débat sur la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés nous donne l’occasion de remettre notre ouvrage sur le métier et de développer un certain nombre d’arguments nouveaux.
Avant de faire quelques remarques sur la création des circonscriptions des Français établis hors de France, je voudrais revenir sur l’intervention de M. le secrétaire d’État à l’Assemblée nationale le 12 janvier dernier, car elle nous a profondément choqués. Il s’agissait d’une attaque directe contre le Sénat, et ce n’est pas moi qui le dis puisqu’un hebdomadaire bien connu a publié un article intitulé : « Quand Alain Marleix s’en prend au Sénat… »
Sourires
On nous a opposé l’argument de la « tradition républicaine ». J’ai donc relu la Constitution : je n’y ai rien trouvé de tel ! Il n’y est question que de deux chambres délibérant également, même si, bien sûr, pour les raisons que nous connaissons, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Il s’agit donc peut-être d’une tradition, mais qui n’est pas républicaine ; dans le cas qui nous occupe, ce serait même plutôt l’inverse.
Il serait compréhensible, d’un point de vue éthique, que soit posée une règle interdisant aux députés d’intervenir dans le débat sur le découpage de leurs circonscriptions, puisqu’ils seraient à la fois juges et parties. Mais écarter le Sénat d’un tel débat, les bras m’en tombent !
J’ajoute que le projet de loi qui nous est soumis vise à créer onze circonscriptions pour les Français établis hors de France, Français qui jusqu’aujourd’hui n’étaient représentés par aucun député. Par conséquent, nous sénateurs, qui les avons jusqu’ici représentés – bien, je l’espère ! –, sommes tout de même légitimement fondés, nous semble-t-il, à intervenir sur ce sujet.
Enfin, ce débat intéresse également le Sénat dans la mesure où l’intégralité des cantons a été maintenue dans les circonscriptions.
Cela a évidemment des effets pour les sénateurs.
Votre intervention était malvenue, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez voulu rabaisser le Sénat en le qualifiant de chambre de deuxième ordre.
Si, vous l’avez dit ! Vous avez souligné que nous n’étions pas élus au suffrage universel direct.
Ce n’était pas élégant. En fait, tout cela sert à masquer le véritable débat de fond.
J’en viens maintenant au découpage des onze circonscriptions des Français établis hors de France.
Je commencerai par évoquer l’équilibre démographique des première et deuxième circonscriptions, la première couvrant l’Amérique du Nord, la deuxième l’Amérique du Sud. La première circonscription compte 30 % d’habitants de plus que la moyenne, la deuxième 30 % de moins. Or un autre découpage était possible. Ainsi, mon collègue Christian Cointat et moi-même avions proposé de rattacher la Californie et le Texas à la circonscription de l’Amérique du Sud. Mais vous ne nous avez pas suivis, monsieur le secrétaire d’État !
En outre, je m’interroge sur la cinquième circonscription, qui englobe la péninsule Ibérique – le Portugal et l’Espagne – et ce curieux objet qu’est Monaco. En termes de continuité territoriale, vous avouerez qu’il y a mieux ! Pourquoi rattacher Monaco à l’Espagne, monsieur le secrétaire d’État ?
Certes, mais, pour des raisons à la fois géographiques et historiques, Monaco regarderait plutôt du côté de l’Italie !
Ce rattachement paraît plutôt curieux, mais un peu d’attention permet de mieux le comprendre : 83 % des Français résidant dans la principauté monégasque ont voté pour le candidat Sarkozy au second tour de la dernière élection présidentielle, alors que l’Espagne vote plutôt à gauche – les Français d’Espagne, mais aussi les Espagnols, d’ailleurs.
La huitième circonscription pose elle aussi un problème de continuité territoriale. Elle comprend notamment Rome et Athènes, mais aussi Tel-Aviv. Cependant, Beyrouth en a été disjointe : le député qui représentera les Français du Liban représentera également nos concitoyens d’Afrique méridionale et de l’océan Indien.
Pour justifier cette situation, monsieur le secrétaire d’État, vous avez argué de l’existence d’une forte communauté franco-libanaise en Afrique. L’argument me laisse pantois ! On trouve aussi une très forte communauté franco-indienne, très active dans le commerce, sur la côte est de l’Afrique et à Madagascar : pourquoi ne pas l’avoir, en toute logique, rattachée à l’Inde ? Il y a là quelque chose qui ne va pas !
Vous arguez également des difficultés auxquelles se heurteraient les candidats et le futur député pour circuler entre Israël et les pays arabes. C’est en partie vrai ; cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous semblez oublier qu’il existe tout de même deux points de passage entre Israël et la Jordanie.
Pour ma part, j’estime que ce n’est pas une bonne idée, même d’un point de vue politique, que de séparer Israël de son environnement. Cela donne l’impression qu’on traite ce pays à part, qu’on le stigmatise, en quelque sorte. C’est là envoyer un bien mauvais message !
Je crois surtout que, dans ce cas également, vous avez une arrière-pensée : plus de 90 % des Français d’Israël ont voté pour le candidat Sarkozy lors de l’élection présidentielle. Il est vrai qu’autrefois ils étaient plus de 80 % à voter pour François Mitterrand…
Votre idée était donc de « sortir » le vote des Français d’Israël.
Enfin, l’Afrique est divisée en deux circonscriptions : l’Afrique de l’Ouest, qui inclut les pays du Maghreb et compte 126 000 inscrits, et l’Afrique de l’Est, qui compte 93 000 électeurs. On retrouve ici la pratique du confinement qu’évoquait tout à l’heure mon collègue : vous isolez les voix de gauche pour éviter qu’elles ne « débordent », et ce petit noyau de gauche vous permet de réserver une circonscription à la droite, en l’occurrence celle de l’Afrique de l’Est, dont feront partie des villes comme Tananarive ou Nairobi. Il me semble qu’il était possible de procéder à un autre découpage, plus fair-play et plus conforme à la réalité !
À vrai dire, mes chers collègues, le déséquilibre que l’on constate tient également au fait que le découpage des circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger est lui-même contraire aux principes fixés par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le continent européen, où vivent la moitié des Français expatriés, compte seulement 52 élus sur les 155 membres de cette assemblée, soit un tiers. La moitié des expatriés pour seulement un tiers des représentants : c’est une injustice que nous subissons depuis des dizaines d’années !
Nous déposerons donc un certain nombre d’amendements visant à modifier votre projet de découpage des circonscriptions des futurs députés élus par les Français établis hors de France. Nos propositions s’inspirent notamment du compromis que nous avions négocié avec notre collègue Christian Cointat et qui tenait compte de l’équilibre démographique et de la continuité territoriale.
Par conséquent, à moins que nos amendements ne soient adoptés, je voterai contre le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des moments politiques qui marquent des engagements. Le mien fut marqué, dans ma jeunesse, par un gigantesque charcutage électoral, en l’occurrence celui auquel procéda Charles Pasqua. À l’époque, j’étais révolté, car on touchait à l’essence même de la démocratie.
Vingt-trois ans après, voilà que cela recommence ! Certes, vous avez adopté un style moins spectaculaire, afin qu’il n’y ait pas trop de scandale…
Vous n’avez jamais voulu du débat, ce fut votre ligne de conduite. Je parle du débat politique, démocratique, celui où les principes sont posés, où le mode de calcul de la représentation est clair et accepté par tous, et où, ensemble, nous cherchons les moyens de faire en sorte que, dans le respect des territoires – vous ne vous êtes même pas donné cette peine ! –, il faille être majoritaire en voix dans le pays pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée nationale ! L’Assemblée nationale, c’est la nation tout entière !
En d’autres termes, il faut respecter le principe de la démocratie : « un homme – ou une femme –, une voix » ! Or, avec votre charcutage électoral, une voix de gauche comptera moins qu’une voix de droite.
En 2007, la gauche devait obtenir 50, 4 % des voix pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée. En 2012, selon l’étude précise, qui ne fut jamais réellement contredite, de mon ami l’excellent député Bruno Le Roux, elle devra obtenir au moins 51, 4 % des voix !
Dans votre rapport, y a-t-il un équilibre ? Sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent, vingt-trois touchent la gauche et seulement dix la droite : ce n’est manifestement pas ce que l’on peut appeler un équilibre ! Sur les trente-trois circonscriptions créées, neuf auraient un député de gauche et vingt-quatre un député de droite : là encore, nous sommes très loin d’un équilibre !
Résultat : il n’y a qu’un seul gagnant, l’UMP, qui aura vingt sièges de plus ! Tous les autres groupes auront moins de députés.
Bruno Le Roux a également apporté une autre démonstration en se fondant sur le résultat des élections législatives de 2007. Avec le découpage actuel, c’est-à-dire, monsieur le secrétaire d’État, avant votre « retricotage », si la gauche avait recueilli 50 % des voix, elle aurait obtenu 279 sièges sur 577, contre 298 pour la droite, soit un différentiel de 9 sièges. Avec votre découpage, elle n’obtiendrait que 260 sièges, contre 317 pour la droite, qui serait ainsi largement majoritaire en sièges.
Bien entendu, tout cela est noyé, submergé même. Vous espérez que votre manœuvre passera inaperçue dans un contexte où les Français ont bien d’autres préoccupations, en particulier à cause de la politique économique injuste et inefficace de ce gouvernement. Manque de chance, la machine s’est grippée à différentes étapes ! La presse a examiné la situation de plus près, l’opinion a été alertée. Et je pourrais évoquer le dérapage qui a eu lieu ici, au Sénat, lorsque votre texte a été rejeté.
Vous aviez un mandat : faire triompher l’UMP aux élections coûte que coûte, même si les électeurs ne lui donnent pas la majorité, même si elle n’arrive pas à convaincre. C’est incroyable !
Et vous ne manquez pas d’imagination. Aux législatives, on charcute, on redécoupe les circonscriptions. Les conseils généraux et les conseils régionaux sont majoritairement à gauche ? On les supprime et on crée des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal à un tour ! L’UMP arrive en tête au premier tour en faisant l’unité de son camp, mais reste très loin des 50 % nécessaires à une majorité et n’a pas de réserve de second tour ? On invente le scrutin à un tour, qui permet d’être élu avec 30 % des voix, voire moins ! Vous nous présentez des projets que l’on peut qualifier « de convenance UMP ». Notre belle démocratie ne mérite pas de telles humiliations !
L’exemple de Paris est instructif. En effet, Paris, où je suis élu, mérite une attention particulière de la part du Gouvernement et, bien entendu, de l’Élysée. Que ce soit avec ce découpage ou avec le projet de Grand Paris, vous cherchez à regagner le pouvoir par des moyens autres que la conviction et l’adhésion des électeurs à vos projets.
Paris perd 3 députés et aura une moyenne de 181 187 habitants par circonscription, soit l’un des taux les plus élevés de France. Pourtant, si vous n’aviez supprimé que deux sièges, la moyenne parisienne se serait établie à 114 809 habitants, soit un niveau équivalent à la moyenne nationale.
Le choix d’autres méthodes statistiques aurait abouti à un résultat beaucoup plus juste et aurait même permis de garantir l’égalité des électeurs devant le suffrage universel.
Je tiens à souligner et à regretter la pulvérisation qu’a subie la première circonscription, détenue par Martine Billard, alors que sa population était au niveau de la moyenne parisienne avant le redécoupage ! Je note aussi votre tentative de déstabilisation de la onzième circonscription, détenue par Patrick Bloche, consistant à l’étendre vers le nord et vers les quartiers du sixième arrondissement acquis à la droite, tout en lui retirant les quartiers du sud du quatorzième, qui votent traditionnellement plus à gauche.
Monsieur le secrétaire d’État, dès la communication du premier projet à la commission Guéna, vous avez montré votre volonté de faire payer à la gauche, et exclusivement à la gauche, la suppression de ces trois circonscriptions parisiennes. Pour cela, vous n’avez pas hésité à « surpeupler » les circonscriptions de l’est de la ville, qui avaient voté pour des députés socialistes et Verts, et à « sous-peupler » celles de l’ouest, détenues par l’UMP.
Pour arriver à vos fins, vous n’avez eu d’autre choix que de mépriser totalement la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle les frontières des circonscriptions parisiennes doivent le plus possible respecter celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Dans votre projet, vingt et un de ces quartiers sur quatre-vingts se voyaient ainsi à cheval sur deux circonscriptions, alors qu’il n’y en a que six actuellement.
Après la première et la onzième circonscription, votre troisième cible était la dix-septième circonscription, qui englobe une partie des dix-septième et dix-huitième arrondissements et que détient Annick Lepetit. Ce que vous avez tenté d’y faire est un exemple éloquent de vos pratiques et de vos véritables objectifs.
Puisque les circonscriptions du seizième arrondissement n’étaient pas assez peuplées, vous deviez en supprimer une. Mais pour ne pas faire perdre un siège à l’UMP, vous avez inventé un découpage alambiqué afin de noyer les voix de la seule circonscription de gauche du nord-ouest parisien. Heureusement, vous n’avez pas réussi ! Finalement, après deux avis négatifs de la commission Guéna et un autre du Conseil d’État, vous avez fini par céder en ne rattachant pas le huitième arrondissement à cette circonscription. Il était temps !
Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que, si le Conseil constitutionnel valide votre projet, nous continuerons à alerter les Français, et les Parisiens, pour qu’ils entendent bien votre appel, car c’est bien un appel que vous adressez aux électeurs.
Les Français devront encore plus qu’auparavant voter à gauche s’ils veulent une alternance. Et ils la voudront, à n’en pas douter, pour sanctionner non seulement votre politique économique et sociale, mais aussi votre mépris de la démocratie !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur Jean-Jacques Hyest est revenu à juste titre sur les contraintes auxquelles nous avons dû faire face pour procéder à ce découpage.
D’abord, le nombre de députés est plafonné. Il s’agit d’une contrainte totalement nouvelle, liée à la révision constitutionnelle de l’année dernière. Cela revient en réalité à une diminution, du fait – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – de la création de sièges pour les Français de l’étranger et pour deux petites collectivités d’outre-mer.
Ensuite, l’ajustement de la carte électorale est apparu comme une urgence, car il était réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel.
Enfin, il fallait respecter les critères fixés par la loi d’habilitation et prendre en compte la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel – vous l’avez évoquée – sur la représentation des petits départements métropolitains et des petites collectivités d’outre-mer.
Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, les exigences du bicamérisme, et je souscris bien entendu entièrement à vos propos. Le Gouvernement a donc souhaité que le Sénat discute. Sans cela, il aurait engagé la procédure accélérée pour l’examen de ce texte ! Pour ma part, j’ai alimenté vos débats en répondant systématiquement aux motions de procédure et aux interventions des membres de votre assemblée, et ce sans oublier quiconque.
Monsieur Frimat – et mes observations vaudront aussi pour M. Assouline –, pardonnez-moi de vous le dire, votre intervention a, me semble-t-il, été marquée par l’esprit partisan que j’évoquais dans mon introduction.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La méthode de la tranche est traditionnelle et a été validée à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. Les trente-trois circonscriptions qui sont supprimées sont partagées entre dix-huit circonscriptions de gauche et quinze circonscriptions de droite. Voilà la réalité !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Je peux vous en donner la liste, puisqu’elle a été établie par M. Charles de La Verpillière, rapporteur à l’Assemblée nationale du présent projet de loi, et figure dans son rapport. L’exercice est peut-être un peu fastidieux, mais il vous permettra de constater qui dit la vérité.
Vous prétendez que le découpage électoral est plus favorable à la droite qu’à la gauche. C’est faux ! Sur les trente-trois circonscriptions supprimées, dix-huit sont aujourd’hui détenues par la gauche et quinze le sont par la droite.
Je vous renvoie au rapport de M. de La Verpillière :
Page 130, troisième circonscription de l’Allier, député socialiste ; page 135, quatrième circonscription de la Charente, député socialiste ; page 136, troisième circonscription de la Corrèze – c’était celle du président Jacques Chirac –, député UMP ; page 137, la première et la deuxième circonscription de la Creuse fusionnent, c’est celle du député UMP qui disparaît ; page 143, troisième circonscription de l’Indre, député socialiste ; page 146, sixième circonscription de la Loire, député UMP, M. Pascal Clément ; page 147, les deux circonscriptions de la Lozère fusionnent, c’est forcément un UMP qui perdra son siège puisque les deux sortants sont UMP ; page 147, quatrième circonscription de la Manche, député UMP, M. Claude Gatignol ; page 148, troisième circonscription de la Marne, député UMP ; page 149, troisième circonscription de Meurthe-et-Moselle, député UMP ; …
… page 150, huitième circonscription de la Moselle, député socialiste, j’en conviens ; page 150, troisième circonscription de la Nièvre, député socialiste ; page 151, troisième circonscription du Nord, député socialiste ; page 151, douzième circonscription du Nord, député socialiste ; page 152, vingt-troisième circonscription du Nord, députée UMP, Mme Christine Marin ; page 153, troisième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, onzième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, deuxième circonscription du Puy-de-Dôme, député socialiste ;…
Il sera candidat aux élections sénatoriales !
Ne pleurez donc pas trop sur son sort !
Je poursuis mon énumération : page 155, première circonscription des Hautes-Pyrénées, député socialiste ; page 158, troisième circonscription de la Haute-Saône, député UMP ; page 158, quatrième circonscription de Saône-et-Loire, député socialiste ; page 159, première circonscription de Paris, député de gauche mais écologiste ; page 159, deuxième ou troisième circonscriptions de Paris, dont l’une disparaît puisqu’elles fusionnent, député UMP ; page 161, seizième circonscription de Paris, député UMP ; page 161, sixième circonscription de la Seine-Maritime, député communiste, il n’y en a qu’un ; page 162, douzième circonscription de la Seine-Maritime, député UMP ; …
… page 164, troisième circonscription des Deux-Sèvres, député UMP ; page 164, quatrième circonscription de la Somme, député socialiste ; page 164, première circonscription du Tarn, député socialiste ; page 166, première circonscription de la Haute-Vienne, député socialiste ; page 169, troisième circonscription de la Seine-Saint-Denis, député socialiste ; page 170, septième circonscription du Val-de-Marne, député UMP. Voilà !
Vous ferez les comptes et vous constaterez que c’est bien 18-15.
Depuis le début, vous essayez de faire croire que ce redécoupage crée un avantage en faveur de l’UMP au détriment du parti socialiste : c’est faux, et le rapport de M. le rapporteur à l’Assemblée nationale en fait la preuve !
J’en viens à la deuxième partie de l’intervention de M. Frimat. Pour ce qui est du recensement, le Gouvernement avait consulté le Conseil d’État, qui avait clairement répondu par un avis du 2 juillet 1998 : « Il importe donc que la détermination des bases démographiques fondant cette révision [de la carte électorale] s’appuie sur des données comparables et afférentes à la même année ». Nous avons suivi l’avis du Conseil d’État.
Monsieur Frimat, je suis heureux que vous ayez soulevé la question des écarts démographiques, car elle illustre parfaitement le travail du Gouvernement.
Dans mon intervention présentant en première lecture le projet de loi de ratification, j’ai donné les raisons pour lesquelles, selon moi, l’ordonnance du 29 juillet 2009 respecte parfaitement les critères fixés par la loi d’habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel.
J’ai notamment précisé à quel point nous étions parvenus à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation actuelle.
M. Bernard Frimat s’exclame.
S’agissant tout d’abord des écarts de population dans l’ensemble des circonscriptions délimitées dans les départements, ils se situaient, entre les 577 circonscriptions législatives, dans un rapport de 1 à 3, 6 pour le découpage de 1986
M. Bernard Frimat s’exclame de nouveau
Monsieur Frimat, avec le nouveau découpage, ces écarts se situeront dans un rapport de 1 à 2, 4. Il s’agit d’un progrès considérable, qui a été récemment relevé par la presse, y compris dans des journaux qui ne sont pas favorables à la majorité, tant s’en faut !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Aujourd'hui, la plus petite des circonscriptions est la deuxième circonscription des Hautes-Alpes, qui compte 60 903 habitants, et la plus importante, la sixième circonscription de la Seine-Maritime, qui comporte 146 025 habitants. En chiffres bruts, les écarts ont été très sensiblement réduits.
S’agissant, monsieur le sénateur, des écarts démographiques entre les circonscriptions d’un même département, la marge de 20 %, en plus ou en moins, avait été largement utilisée dans le découpage de 1986. Elle dépassait alors 17, 5 % dans sept circonscriptions.
Au vu des chiffres du dernier recensement, soixante-neuf circonscriptions sont dans ce cas. Pire, quarante-quatre circonscriptions présentent un écart de plus de 20 % et sont donc illégales au regard du critère démographique fixé par la loi de 1986 sur le découpage.
Avec l’ordonnance que nous vous présentons, aucune des circonscriptions autres que trois des circonscriptions des Français de l’étranger – nous y reviendrons – ne s’écarte de plus de 17, 5 % par rapport à la moyenne.
M. Bernard Frimat s’exclame.
J’en viens à l’équité du redécoupage. Vous avez invoqué également l’article 4 de la Constitution, en affirmant que le découpage n’était pas équitable puisqu’il faudrait, à l’avenir, plus de 50 % des voix à la gauche pour obtenir la majorité des sièges. Vous aviez déjà dit cela en 1986, …
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … mais vous n’avez jamais voulu modifier le découpage malgré les injonctions du Conseil constitutionnel et l’obligation que faisait peser la loi après chaque recensement, notamment en 1999 sous le gouvernement Rocard et en 2000 sous le gouvernement Jospin !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Le découpage de 1986, que vous détestiez tant, vous a tout de même beaucoup servi. En 1988, vous avez immédiatement été élus, alors que vous racontiez déjà que le redécoupage avantageait la droite au détriment de la gauche !
Votre collègue député Bruno Le Roux a déjà tenté, lors des débats à l’Assemblée nationale, de justifier cette affirmation.
Je ne peux que vous renvoyer à la réponse que je lui ai faite il y a maintenant trois mois : ses opérations arithmétiques mélangeaient le premier et le second tour, ce qui représente une très forte approximation, c’est le moins que l’on puisse dire, dans les 109 circonscriptions ayant élu un candidat de la majorité dès le premier tour.
Les calculs sont faux parce qu’ils mélangent des choux et des carottes !
En matière électorale, on ne peut pas tout mêler !
Faut-il rappeler que la même affirmation avait été énoncée en 1986, ce qui n’a pas empêché la gauche de remporter les élections législatives deux années plus tard ?
Mme Françoise Laborde, comme M. Frimat, a évoqué en particulier la méthode de la tranche.
Il s’agit d’une méthode traditionnellement utilisée dans notre pays depuis la fin du XIXe siècle.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle a été utilisée – il ne faut pas avoir la mémoire courte – en 1985, à l’époque où M. Fabius était Premier ministre, Mme Aubry était auprès de François Mitterrand à l’Élysée et M. Joxe au ministère de l’intérieur. Cette méthode, qui avait fait l’objet d’un consensus, avait alors été qualifiée par M. Joxe de « mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible ».
Plusieurs sénateurs socialistes conversent.
J’observe surtout que le choix de cette méthode n’a pas été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009.
J’ajoute que si le Gouvernement avait recours à une méthode proportionnelle, à la plus forte moyenne ou au plus fort reste, le nombre de départements qui n’auraient qu’un seul député aurait fortement augmenté, alors qu’il se limite aujourd’hui à deux. Si nous vous avions suivis, nous aurions pénalisé très fortement une douzaine de petits départements ruraux ou semi-ruraux.
Je ne pense pas que tel soit l’objectif visé par le Sénat.
Je vous remercie, madame le sénateur, de l’honnêteté de votre intervention et de la référence au découpage en Haute-Garonne, qui était difficile puisqu’on créait deux sièges de circonscription supplémentaires compte tenu de l’évolution démographique dans ce très gros département. Il n’y a pas eu le moindre reproche sérieux adressé au découpage dans ce département.
Je remercie également Mme Catherine Troendle de son excellente intervention
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … claire, juste, bien structurée.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
M. Jean Louis Masson m’a posé une question, mais il n’a apparemment pas eu la courtoisie d’attendre la réponse !
M. Jean-Marc Todeschini. Il va revenir, vous n’en êtes pas débarrassé !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Je tiens à le souligner, les chiffres transmis à la commission de contrôle n’étaient pas erronés.
Nous avons simplement joint aux dossiers des différents départements que nous lui avons transmis les chiffres fournis par l’INSEE pour les cantons entiers, et des estimations des populations des cantons urbains partagés entre plusieurs circonscriptions : nous étions, sur ce point, tributaires des travaux de l’INSEE, …
… qui avait reçu nos demandes de calcul de ces populations avant la saisine de la commission, mais qui n’a pu y répondre que début juillet, c’est-à-dire avec retard.
Cette contrainte n’a pas concerné que le canton de Metz III, elle a pesé sur tous les cantons urbains partagés – Vallauris, Toulouse, Strasbourg, Saint-Priest, Versailles §–, ainsi que sur certains arrondissements de Paris, comme M. Assouline n’a pas manqué de le signaler.
Il était mentionné dans chaque cas qu’il s’agissait d’estimations, donc de chiffres provisoires.
La commission n’a jamais demandé à être en possession des chiffres définitifs. Ces derniers, dès qu’ils nous ont été fournis par les services de l’INSEE, soit le 2 juillet 2009, ont évidemment été transmis au Conseil d’État, qui a donc disposé des chiffres exacts de population des 577 circonscriptions, qu’elles aient ou non été modifiées. Le Conseil d’État a ainsi été en mesure de vérifier dans chaque cas que la commission avait bien pu rendre un avis qui n’était aucunement biaisé par ces approximations.
C’est en particulier le cas en Moselle où la commission mentionne des chiffres parfaitement exacts correspondant à sa suggestion, sans se référer aux chiffres estimés dont elle disposait.
Le Gouvernement a fourni à la représentation nationale les raisons détaillées – qui sont reprises dans le rapport adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale en première lecture – pour lesquelles il n’avait pas suivi l’avis de la commission pour le département de la Moselle, et ce qu’il s’agisse de ses propositions tendant à réduire les écarts démographiques des circonscriptions extérieures à Metz, dont vous ne parlez jamais, …
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … ou de sa suggestion relative aux première et troisième circonscriptions, qui aurait eu pour effet d’aggraver les écarts entre leurs populations respectives.
Sourires.
Tels sont les éléments de réponse que je puis vous fournir.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je suis désolé que l’on mette en cause les fonctionnaires de l’INSEE. Ils s’en souviendront, d’ailleurs, puisqu’ils sont délocalisés pour partie en Moselle !
Plusieurs sénateurs socialistes s’esclaffent.
Ne vous en faites pas, ils sont contents d’être en Moselle ! Ce ne sont pas eux qui ont tripatouillé ! C’est vous qui charcutez !
Je ne suis pas certain qu’ils apprécieront la remise en cause de leur travail ! Ce sont eux qui ont fourni les chiffres, lesquels ont été certifiés.
Je souhaite répondre à M. Yung, qui a évoqué les députés représentant les Français de l’étranger.
Nous avons refusé d’en faire des députés à part, élus dans des conditions différentes, avec le risque qu’ils ne soient pas considérés comme des députés ayant le même statut que les autres.
Nous avons également voulu que leurs électeurs, ces Français qui sont installés dans d’autres pays, mais qui restent attachés à la France, puissent s’identifier à leur député, qu’ils le connaissent, qu’ils puissent, le cas échéant, faire appel à lui. Bref, nous avons voulu en faire un député qui les représente véritablement.
J’observe, d’ailleurs, que personne ne porte de critiques sur les sénateurs représentant les Français de l’étranger, qui font excellemment leur travail. C’est même sous la Présidence de François Mitterrand que leur nombre a été porté de six à douze, et nul ne s’étonne qu’ils soient les élus du monde entier, c’est-à-dire de l’ensemble des onze circonscriptions que nous proposons pour les futurs députés !
Concernant ces onze circonscriptions, puisque vous les avez critiquées, je dois aussi rappeler que sept d’entre elles, c’est-à-dire une large majorité, sont issues d’un projet commun, élaboré par les sénateurs de la majorité et de l’opposition : il s’agit des deux circonscriptions d’Amérique, avec le déséquilibre démographique qui les caractérise, de quatre des circonscriptions d’Europe et de la circonscription d’Asie-Océanie, exception faite de la Russie, qui n’en faisait pas partie initialement, mais qui doit lui être ajoutée pour atteindre un nombre minimal d’électeurs.
Je rappellerai une évidence : ces futurs députés vont être élus non pas par les ressortissants des pays qui appartiennent à leur circonscription, mais par les Français qui y résident ! Si des Français sont présents dans tous les pays du monde, quel que soit leur éloignement de la tour Eiffel, n’oublions pas que 80 % d’entre eux vivent dans 25 pays. Ce sont ces pays qui constituent le cœur des onze circonscriptions que nous créons. Je rappelle également que le projet initial du Gouvernement proposait d’attribuer sept circonscriptions aux députés représentant les Français de l’étranger et que le Conseil constitutionnel a porté ce nombre à onze.
N’oublions pas non plus qu’à notre époque les communications sont plus que facilitées : les candidats aux élections législatives dans ces nouvelles circonscriptions, il est vrai parfois très étendues, feront, comme les députés qui y seront élus, appel à ces moyens modernes pour communiquer avec leurs électeurs.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Nous y travaillons d’ailleurs ensemble, monsieur le sénateur, dans des groupes de travail auxquels chacun est associé.
M. Richard Yung s’exclame.
Ne nous accusez donc pas de tripatouillage à propos de ces onze circonscriptions ! Qui peut dire aujourd’hui comment voteront en 2012 nos compatriotes – ils sont 1 250 000 – installés à l’étranger ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Tels sont les précisions que je voulais vous apporter au terme de la discussion générale. J’apporterai des compléments en répondant aux différentes motions.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – MM. Hervé Maurey et Nicolas About applaudissent également.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Je suis saisi, par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous exposer cinq arguments tendant à démontrer l’inconstitutionnalité du projet de loi que nous présente le Gouvernement.
Sur le premier argument, je serai succinct, car le Conseil constitutionnel a déjà évoqué la question. Mais je souhaite malgré tout revenir sur la procédure suivie devant la commission dite « de l’article 25 de la Constitution ». En effet, il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que cette procédure est archaïque, car le pouvoir en place est toujours juge et partie.
Il existe de nombreux pays, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, le Portugal et la liste serait encore longue, où l’instance chargée de découper les circonscriptions est réellement indépendante ou totalement pluraliste.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, la France a ratifié le code de bonne conduite électorale établi par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe et approuvé par l’Assemblée parlementaire européenne en 2003. Je cite cette instance et ce code qui dispose que l’autorité chargée d’un redécoupage électoral doit tenir compte « d’un avis exprimé par une commission comprenant en majorité des membres indépendants et […] une représentation équilibrée des partis ».
Or, la commission de l’article 25, baptisée du nom de son président, Yves Guéna, comportait six membres. Sur ces six membres, il n’a échappé à personne que trois étaient désignés par des autorités très respectables, issues toutefois du même parti politique, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État…
Si nous éprouvons le plus grand respect pour ces hautes autorités, elles sont néanmoins issues du même parti politique – d’ailleurs, je ne pense pas que l’une ou l’autre d’entre elles le conteste –, même si le président du Sénat représente le Sénat, le président de l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale et le Président de la République, la nation !
Toutefois, le document de la Commission de Venise que je viens de rappeler cite, parmi les membres possibles d’une commission indépendante, des spécialistes du droit électoral, des démographes, des statisticiens. On pourrait aussi imaginer, monsieur le secrétaire d’État, qu’une telle commission fût composée de représentants des différents partis, qui pourraient dans ce cas s’exprimer de manière pluraliste.
Le Gouvernement n’a fait qu’appliquer la Constitution ! On ne peut pas revenir sur ce point !
Le Conseil constitutionnel a déjà évoqué cette question, je la cite en quelque sorte pour mémoire, parce qu’il serait important que l’instance en question fût, soit totalement indépendante de toute autorité politique, soit totalement pluraliste.
Si mon premier argument ne satisfait pas M. Gélard, il m’en reste quatre autres pour le convaincre : je ne perds jamais espoir !
Le rapport de M. de la Verpillière, que vous avez cité abondamment, monsieur le secrétaire d’État, nous rappelle de manière tout à fait opportune que le découpage proposé, après examen de la commission de l’article 25 de la Constitution, a été modifié pour trois départements sans que cette commission ait eu à en connaître.
Évidemment ! Nous n’avons fait que prendre en compte son avis !
Par ailleurs, à la suite de l’avis du Conseil d’État, le découpage a encore évolué dans neuf départements, sans que la commission ait eu à en connaître, ce qui fait, monsieur le président de la commission des lois, douze départements.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vais pas les citer, pour ne pas allonger mon propos et parce que je n’ai pas la liste en main. Mais vous la retrouverez facilement
M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation
Vous devriez pouvoir citer vos preuves !
Quels que soient les départements en cause, monsieur le secrétaire d’État, mon argumentation serait la même, car elle n’est pas liée à la situation particulière de ces départements.
En revanche, il est clair que l’avis du Conseil d’État est requis pour tous les projets de loi et d’ordonnance et que l’avis de la commission de l’article 25 de la Constitution est requis pour tout projet de découpage des circonscriptions, fût-il nouveau.
Je cite notre collègue député M. Bruno Le Roux, qui a été particulièrement éloquent, vous devez vous en souvenir, monsieur le secrétaire d’État : « Ce découpage est le premier depuis la révision de 2008. Monsieur le secrétaire d’État, en appliquant pour la première fois le dernier alinéa de l’article 25, persister, parce que vous jugez que le manquement est véniel, dans une interprétation trop peu rigoureuse de ce nouveau mécanisme institutionnel, d’une part l’affaiblirait […] et d’autre part, créerait un précédent » extrêmement préjudiciable.
« Il est donc absolument certain que le redécoupage dans douze départements sera censuré par le Conseil constitutionnel car vous n’avez pas respecté la nécessité de la navette entre la commission prévue à l’article 25 et le Conseil d’État ».
Il se déduit, à l’évidence, de l’article 25 de la Constitution qu’après avis du Conseil d’État les nouveaux découpages imaginés par le Gouvernement doivent être soumis, pour consultation, à la commission créée par cet article 25. Vous ne l’avez pas fait !
Si, c’est la conséquence tout à fait logique et directe du texte même de la Constitution ! Vous argumenterez devant le Conseil constitutionnel, mes chers collègues, et nous aussi !
J’en viens à mon troisième argument.
De toute façon, vous avez décidé de ne rien entendre !
Je souhaite évoquer la méthode de répartition retenue. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit de manière tout à fait juste – et je vous en donne acte – que le Conseil constitutionnel n’a entendu écarter par principe aucune méthode de répartition. Il est donc tout à fait vrai que le Conseil n’a pas écarté la méthode dite « des tranches ».
C’est la simple vérité !
Mais le Conseil a considéré qu’il fallait choisir le dispositif qui permet « de respecter au mieux le principe d’égalité des suffrages » à tous les stades des opérations d’adaptation de la carte électorale. Il convient donc de se demander s’il n’existe pas des méthodes plus justes que la méthode dite « des tranches ». Or, à l’évidence, il en existe !
Vous n’ignorez pas, monsieur le secrétaire d’État, même si vous n’avez pas fait de publicité à ce sujet, les effets extrêmement pervers de la méthode des tranches. Laissez-moi prendre un seul exemple : le département du Jura bénéficie de trois circonscriptions, avec un quotient de 2, 28. Ces 28 centièmes au-dessus de 2 lui permettent d’obtenir une troisième circonscription, puisque la méthode des tranches permet à un département d’obtenir une circonscription supplémentaire pour quelques centièmes supérieurs à la tranche.
À l’inverse, ce mécanisme profite à la gauche dans d’autres départements !
Les circonscriptions de ce département représenteront donc, en moyenne, 85 000 habitants, soit un écart de 24, 1 % avec la moyenne nationale.
Or, la nouvelle sixième circonscription de la Seine-Maritime…
… représentera, quant à elle, 146 000 habitants. Avec cette méthode, on peut donc obtenir des circonscriptions d’une population de 85 000 habitants et des circonscriptions qui en comptent pratiquement le double !
Mme Virginie Klès a très brillamment parlé lors de la première lecture de ce projet de loi et elle a démontré que ces disparités allant de un à deux pouvaient tout à fait être évitées. Je la cite : « Si l’on avait souhaité garder le principe de cette méthode, mais si l’on avait aussi voulu être honnête, on aurait choisi de calculer un quotient réel : [la] population des unités électorales concernées divisée par le nombre de sièges à attribuer ». Autrement dit, il aurait fallu adopter une véritable méthode proportionnelle. Vous pouviez le faire, monsieur le secrétaire d’État, mais vous ne l’avez pas fait, …
… parce que cela ne vous arrange pas, ni vous, ni votre majorité. Nous le regrettons. Mais vous ne pouvez pas dire que vous avez cherché à respecter « au mieux » – j’insiste sur ce terme qui figure dans la décision du Conseil constitutionnel – la population.
J’en arrive à mon quatrième argument, puisque le troisième a suscité l’intérêt de M. Gélard, et je m’en réjouis ! Cet argument va naturellement le convaincre, puisqu’il s’agit des découpages eux-mêmes.
Tout le monde voit bien qu’il est possible d’obtenir, en grand nombre, des agrégats de cantons dans chaque département, tout en respectant un certain nombre de principes démographiques.
Mais selon quels critères un canton a-t-il été retenu plutôt qu’un autre ? La question se pose dans plusieurs départements.
Ainsi, je présenterai cet après-midi un amendement tendant à démontrer que, dans mon propre département, le Loiret, il est possible de trouver un découpage qui, par rapport à la solution actuelle, est plus cohérent sur un plan géographique et plus pertinent sur un plan démographique. Pourquoi n’adoptez-vous pas cette proposition, qui est meilleure, monsieur le secrétaire d’État ? La raison est très simple : UMP + UMP + UMP = UMP.
M. Nicolas About s’exclame.
Nul n’ignorera l’existence du papillon de l’Hérault, du chameau à trois bosses du Var – département cher à M. Collombat –, ainsi que de multiples serpents, scorpions, hippocampes, araignées, scarabées et autres coléoptères. Il y a là une véritable « zoologie électorale », caractérisant l’opportunisme qui prévaut, au détriment de ce qu’une commission indépendante eût forcément suggéré au nom du pluralisme, c’est-à-dire des découpages de bon sens, prenant en compte à la fois la démographie et la géographie.
Toutes ces contorsions à caractère zoologique ont simplement pour but de privilégier une des parties en présence par rapport à l’autre.
Les calculs de M. Bruno Le Roux sont excellents. La gauche, avec 50 % des voix, obtiendrait 260 sièges sur 577 et la droite 317 sièges. Chacun en conviendra, cette situation est parfaitement contraire au principe d’égalité.
Le dernier argument que j’avancerai est très simple et montre tout le génie de notre collègue Jean-Jacques Pignard, qui a senti, dans le tréfonds de son être
M. Nicolas About sourit
Avant de statuer, il était effectivement sage d’attendre les données qui résulteraient de ce nouveau recensement, ce que le geste tout à fait remarquable de M. Pignard a permis. Nous devons donc lui rendre hommage.
M. René Garrec sourit.
Puisque M. Garrec semble intéressé par ce point, je préciserai que les positions du Conseil constitutionnel sont très claires sur ce sujet. Permettez-moi notamment, mes chers collègues, de citer le considérant 21 de sa décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009 : « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ».
Or, selon le nouveau recensement, deux départements – le Puy-de-Dôme et la Seine-Saint-Denis – devraient disposer d’un député supplémentaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons que vous nous démontriez le contraire, car j’affirme qu’il suffit de savoir faire des divisions pour comprendre qu’il faut un député supplémentaire dans ces deux départements. J’ajoute que vous êtes parfaitement en mesure, ici, de présenter un ou plusieurs amendements tendant à prendre en compte cette situation.
Si vous ne tenez pas compte du dernier recensement du 31 décembre 2009, dont nul n’ignore l’existence et les résultats et que les dispositions du Conseil constitutionnel vous imposent de prendre en considération, …
… vous ne pouvez pas prétendre avoir utilisé « au mieux » les éléments démographiques qui étaient à votre disposition.
Si vous persistez dans cette attitude, consistant à ignorer les réalités démographiques que vous connaissez et que la sagesse de M. Pignard nous a permis de prendre en compte, votre texte sera à l’évidence inconstitutionnel.
Mais il y a un recensement chaque année !
M. Jean-Pierre Sueur. Ces cinq arguments devraient suffire et, monsieur le secrétaire d’État, nous entendrons vos réponses avec beaucoup d’intérêt.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.
Cette argumentation étant identique à celle qui a été faite en première lecture, la position de la commission demeure inchangée.
Nous partageons évidemment la position de la commission. Mais je voudrais revenir sur plusieurs points évoqués par M. Sueur.
Je rappelle tout d’abord que les opérations de découpage n’ont jamais été aussi fortement encadrées. Outre l’intervention du Conseil d’État, en amont, et éventuellement du Conseil constitutionnel, en aval, une commission de contrôle a été créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Cette commission comprend trois magistrats, issus des plus hautes juridictions – Conseil d’État, Cour des comptes et Cour de cassation –, et désignés en assemblée générale – ce qui n’est pas rien ! Par ailleurs, trois personnalités qualifiées sont nommées selon la même formule que pour le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire par le chef de l’État et par les présidents des deux assemblées. Ces nominations sont elles-mêmes encadrées, puisqu’elles font l’objet, et ce pour la première fois, d’un passage devant les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Je crois donc que l’encadrement est maximal et sans précédent.
Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué dans cet hémicycle ainsi qu’à l’Assemblée nationale, je suggère pour l’avenir que cette commission de contrôle, qui est désormais en place, puisse également faire des propositions, en tenant compte de la méthode de recensement permanent émanant de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, ou loi « Jospin-Vaillant ».
Comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne pouvons pas effectuer un redécoupage chaque année, en fonction de l’évolution du recensement. Pour autant, on ne peut pas, comme cela a été le cas, attendre 26 ans, refuser d’appliquer la loi et d’entendre les injonctions du Conseil constitutionnel quand celui-ci – ce fut le cas après les recensements de 1989 et 1999 – impose une révision de la carte électorale.
Par le passé, les recensements avaient lieu tous les dix ans. Ils sont désormais permanents. Je pense donc que la commission pourrait émettre un certain nombre de propositions quant à la réactualisation de la carte électorale et que ces propositions pourraient recueillir un consensus dans nos assemblées. Pour l’élection des députés, par exemple, une mise à jour tous les cinq ou dix ans pourrait être envisagée.
Par ailleurs, la méthode de la tranche est inhérente à l’histoire de la Ve République. Elle a été utilisée de manière systématique, lorsque le scrutin majoritaire était en vigueur, et aussi bien par les gouvernements de droite que par les gouvernements de gauche. Ainsi, j’ai rappelé tout à l’heure que l’on y a eu recours en 1985, sous la Présidence de François Mitterrand et alors que M. Laurent Fabius était Premier ministre et M. Pierre Joxe ministre de l’intérieur.
M. Sueur a cité deux cas extrêmes, la Seine-Maritime et le Jura, dans lesquels l’effet de seuil joue. Mais celui-ci est inévitable !
En outre, d’autres situations peuvent paraître choquantes. Par exemple, le fait de ne faire référence qu’à la population prise dans sa globalité crée des disparités et des distorsions, générant d’autres types d’injustices.
M. Bernard Frimat s’exclame.
Cela me paraît être une très grande injustice §et il me semble que le Sénat, qui assume la représentation des territoires et des populations, y compris des populations rurales, devrait être sensible à cet argument. Je n’ai pas de solution à ce problème aujourd’hui, mais je pense qu’il serait bon d’y réfléchir.
S’agissant des agrégats de cantons, cette pratique correspond à une obligation légale. On ne peut pas construire les circonscriptions à partir des communautés de communes, qui relèvent du décret, et non de la loi, car les députés se retrouveraient à la merci des changements de préfets.
M. Sueur a évoqué tous les animaux fantaisistes qui auraient été créés. Mais, en réalité, nous avons très peu dérogé à la règle de non-découpage des cantons. La France comprend un peu plus de 4 000 cantons ; nous en avons scindé 40 en deux, alors que nous pouvions porter ce nombre à 150. Par conséquent, 1 % seulement des cantons ont été affectés.
En revanche, nous sommes obligés de tenir compte des découpages cantonaux existants. Depuis 1981, 135 découpages cantonaux ont été effectués par la gauche et moins de dix par l’actuelle majorité. S’agissant du papillon de l’Hérault, par exemple, il résulte du découpage voulu, en 1985, par M. André Vézinhet, qui est aujourd’hui président du conseil général.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Quant au scorpion du Gard, la circonscription de ce département qui a effectivement une forme étrange, il est aussi issu du découpage fait par un président de gauche de conseil général, découpage que nous avons repris.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Ces formes curieuses dont vous parlez sont le fait non pas des découpages cantonaux de la majorité, mais des vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, car ce sont vos présidents de conseil général qui les ont faits !
Ce sont les présidents de conseil général qui font les cantons : c’est une nouveauté, ça !
Enfin, sur la question du recensement, le Conseil d’État nous a explicitement demandé…
… de faire référence au même recensement pour tout le monde. C’est ce que nous avons fait !
C’est l’actuelle opposition qui a fait voter la loi Jospin-Vaillant, rendant possible un découpage permanent. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne pensez tout de même pas qu’on peut découper la carte électorale chaque année ! Si on suivait votre logique, il faudrait faire un découpage tous les ans !
Le Conseil d’État a été très clair : « la population des départements est celle authentifiée par le premier décret publié en application du VIII de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ». Nous avons strictement respecté cette consigne et, par conséquent, il n’y a aucune modification à apporter à l’ordonnance que nous vous proposons, du fait des chiffres qui viennent d’être publiés.
Aucun des départements cités par M. Sueur ne gagnerait ou ne perdrait un député à cause de ce recensement, …
… tout simplement parce que la moyenne remonte. Ce n’est pas évident, monsieur Mahéas, c’est démontré !
Tels sont les éléments que je voulais apporter en réponse à votre intervention, monsieur Sueur.
Mon collègue Daniel Reiner défendra tout à l’heure les amendements qui concernent le découpage et le charcutage de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle. Mais je constate dès à présent que vos arguments sont variables, monsieur le secrétaire d’État.
Quand vous avez cité voilà quelques instants la liste des circonscriptions, s’agissant de la Meurthe-et-Moselle, vous avez affirmé que vous supprimiez une circonscription UMP et une circonscription socialiste. En réalité, vous n’en supprimez qu’une en Meurthe-et-Moselle : celle d’Hervé Féron.
Les autres ne sont pas supprimées, vous le savez parfaitement. Mais cela fait bien dans la liste…
Ensuite, vous n’avez pas reparlé de la Moselle et vous n’avez pas mentionné la suppression de la circonscription d’Aurélie Filippetti.
Le groupe socialiste soutient cette motion. En effet, malgré les explications que vous venez de fournir en réponse à Jean-Pierre Sueur, c’est au moment où on légifère et où on vote que l’on a connaissance de l’estimation de la population, et non pas quand vous faites fonctionner vos ordinateurs dans votre cabinet.
Vous avez affirmé tout à l’heure que personne ne connaît par avance le vote des électeurs. Mais vos ordinateurs ont tourné pour essayer d’estimer leur vote.
Une seule raison me conduit à vous dire que vous êtes très partisan et que votre découpage n’est pas équitable.
Effectivement, charcutage, mais on l’a déjà beaucoup dit et je laisserai Jean Louis Masson le redire.
Votre découpage n’est pas équitable, monsieur le secrétaire d’État, parce que si vous citez les circonscriptions que vous supprimez, vous n’évoquez pas l’ouvrage de dentelle auquel vous vous êtes livré pour empêcher la gauche de reprendre certaines circonscriptions.
Je prendrai l’exemple le plus criant.
La majorité fortuite que vous nous disiez avoir trouvée ici même en décembre dernier pour rejeter votre ordonnance s’est reconstituée à la commission des lois de l’Assemblée nationale. Vos amis UMP ont joint leurs voix à celles des socialistes pour dénoncer le fait qu’en Moselle – c’est le seul amendement qui a été adopté – vous avez tripatouillé les circonscriptions au profit de François Grosdidier. Vous avez en effet transféré le canton du maire socialiste de Metz – qui vous dérange beaucoup – dans la circonscription de Metz III, laquelle est bien plus à droite que celle de Metz I, et rendu impossible la victoire de la gauche dans la première circonscription de Metz, détenue aujourd’hui par François Grosdidier, hier par Gérard Terrier, socialiste, et avant-hier par Jean Lorrain.
Vous ne voulez pas qu’on la récupère. Vous avez transféré les bureaux de droite en faisant fi des résultats de l’INSEE – que vous, vous connaissiez ! – et vous transférez massivement la population des bureaux les plus à droite de Metz dans cette circonscription !
Par conséquent, vous n’êtes pas en mesure ici de nous dire que nos déclarations sont partisanes. C’est vous qui êtes partisan. Vous êtes le grand charcutier au profit de l’UMP, et d’ailleurs votre responsabilité au sein de l’UMP, ce sont les élections. On voit aujourd’hui où nous en sommes !
Monsieur le secrétaire d’État, vous opérez un découpage au profit de l’UMP, reconnaissez-le. N’essayez pas de tirer la couverture à vous.
Quant à la majorité fortuite, elle l’était ici au Sénat. À l’Assemblée nationale, les députés n’ont même pas pu se prononcer au moment du débat. Vous avez demandé le report du vote au mardi, parce que vous aviez peur des parlementaires absents. Les députés socialistes n’ont donc pas pu débattre de leurs amendements.
Reconnaissez tout de même que vous faites marcher le Parlement au canon !
Ici même, la majorité UMP subit beaucoup de choses.
Cependant, ne nous faites pas le procès d’être partisans – parce que c’est exactement ce que vous avez dit tout à l’heure ! À cet égard, je veux rendre hommage à l’intervention de notre collègue Bernard Frimat.
Je rends bien sûr également hommage au président Hyest, lequel invente la jurisprudence qui vous intéresse en disant que le Sénat ne doit pas s’occuper du découpage des circonscriptions des députés. Sur ce point aussi, on a bien vu que vos arguments étaient un peu tendancieux.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur Masson, je ne puis vous la donner, car le règlement prévoit qu’elle ne peut être accordée qu’à un seul représentant par groupe.
La réunion administrative à laquelle vous appartenez n’est pas un groupe.
Je mets aux voix la motion n° 1.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public par le groupe UMP sur la motion n° 1 de M. Bel et du groupe socialiste tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je vous rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?...
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 126 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, censuré partiellement par le Conseil constitutionnel, entaché de lourds soupçons sur l’honnêteté de la démarche, statistiquement totalement infondé, désavoué même par le Conseil d’État, refusé en première lecture au Sénat, passé en force à l’Assemblée nationale via la procédure du vote bloqué qui permet au Gouvernement de demander un vote sur un texte comportant seulement les amendements qu’il a approuvés, recours aux ordonnances, voici que revient à l’ordre du jour du Sénat ce fameux texte sur le découpage des circonscriptions.
Parler de « passage en force » serait un euphémisme. Considérer qu’il s’agit de « brutalité institutionnelle » est encore un peu tendre. Dire que c’est un « acte antidémocratique » s’approche plus de la réalité.
Monsieur Marleix, il a été maintes fois fait référence, au cours du présent débat, comme lors du précédent, à votre rôle dans le triste redécoupage de 1986.
Considéré comme un horizon indépassable en termes de manipulation électorale, ce palier a tout de même été franchi avec ce nouveau redécoupage.
La censure du Sénat montre bien que votre projet de loi crée un véritable trouble au sein même des élus de droite. Certains des membres de votre majorité n’hésitent pas à dénoncer ce texte. Quelques-uns ne se retrouvent pas dans les chiffres fournis pour justifier le redécoupage de leur circonscription. D’autres se voient offrir – heureux hasard pour la majorité présidentielle – un lot de consolation en échange d’une circonscription qui disparaît.
Pour les élus de gauche, nous assistons à un véritable hold-up.
À l’image de l’instauration des conseillers territoriaux, le Gouvernement tente à tous les niveaux et par tous les biais de capter durablement le pouvoir dans le plus total mépris des principes démocratiques les plus essentiels.
À titre d’exemple, les députés non concernés par le redécoupage sont soixante-treize au groupe socialiste de l’Assemblée nationale, soit 35 % du groupe. Ils sont neuf au groupe GDR, soit 35 % du groupe. Mais ils sont cent quarante au groupe UMP, soit 45 % de l’effectif de ce groupe. Ainsi, étrangement, le pourcentage des députés « protégés » augmente de 10 % quand il s’agit de la majorité présidentielle.
Par ailleurs, comme nous l’avons dénoncé à de multiples reprises, ce texte n’a pas fait l’objet d’une réelle expertise neutre et objective. Je vous propose alors de procéder à l’exercice suivant : appliquons les règles du nouveau redécoupage aux dernières élections législatives et mesurons les écarts.
Si l’on appliquait les mesures prévues par ce texte aux élections de 2007, l’UMP aurait gagné vingt sièges par le simple effet du redécoupage. Le parti présidentiel serait ainsi l’unique et grand victorieux de cette manœuvre puisque le Nouveau Centre ne gagnerait, quant à lui, aucun député supplémentaire. À gauche, on enregistrerait le phénomène inverse : le groupe socialiste perdrait onze représentants et le groupe GDR trois.
Par ailleurs, sur les trente-trois circonscriptions qui seraient créées, neuf donneraient lieu à l’élection d’un député de gauche et vingt-quatre à celle d’un député de droite. Sur les trente-trois circonscriptions qui seraient supprimées, vingt-trois concernent la gauche et dix seulement la droite, alors qu’elle détient plus de sièges.
M. Bernard Frimat s’exclame.
Enfin, les règles de représentativité démographique ne sont absolument pas respectées.
Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Selon le nouveau découpage, une circonscription des Hautes-Alpes comprendra 60 000 habitants alors qu’une autre circonscription située dans la Seine-Maritime – on l’a souvent citée en exemple – en comportera 146 000. Un électeur de la Seine-Maritime pèsera donc toujours plus de deux fois moins qu’un électeur des Hautes-Alpes.
De nombreux exemples de ces inégalités persistantes ont déjà été présentés au cours du débat. Ils sont à chaque fois symptomatiques de votre volonté d’accorder une circonscription à telle ou telle force politique, au détriment de la souveraineté populaire.
Quoi que vous puissiez en dire, si ce redécoupage avait lieu en l’état, la gauche devrait recueillir exactement 51, 4 % des voix aux élections législatives pour obtenir une majorité.
En somme, aux élections locales comme aux élections nationales, vos réformes consistent à faire en sorte que vous gardiez le pouvoir coûte que coûte, même lorsque vos élus ne sont pas majoritaires. Vous mettez en place, en toute conscience, un système où, malgré les élections, le pouvoir peut rester dans les mains d’une minorité. Ce système politique a un nom : l’oligarchie !
Le découpage des circonscriptions, mais un découpage démocratique et transparent, aurait dû être réalisé non par l’ancien expert du découpage électoral du parti au pouvoir
M. le secrétaire d’État s’exclame
Or la réalité est malheureusement tout autre. Ce redécoupage a eu lieu dans la plus totale opacité, et nous ne pouvons même pas nous accorder sur des données chiffrées et objectives, un préalable pourtant indispensable à tout débat.
On peut se demander si, en tant que secrétaire d’État aux collectivités territoriales et spécialiste de la carte électorale au sein de l’UMP, …
… vous êtes à même de mener ce travail, qui exige une grande neutralité ! Sur quelles bases vous êtes-vous appuyé pour réaliser vos calculs ? Vous en avez cité quelques-unes, …
Ne vous plaignez pas, madame Mathon-Poinat ! Le découpage n’est pas à votre détriment !
… mais vos réponses sonnent faux. Quel dispositif méthodologique avez-vous mis en place ? Quels indices de représentativité avez-vous privilégiés ? Quelles données avez-vous utilisées ? Qui sont les personnes ayant été chargées de les traiter ? Étaient-elles vraiment qualifiées pour assurer cette tâche ? Quels étaient les gages d’indépendance de ce travail ?
Bref, en l’absence de réponses plus précises à ces questions, il nous paraît impossible de pouvoir débattre de ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Quid de cette motion tendant à opposer la question préalable, alors que l'Assemblée nationale a délibéré deux fois sur ce texte, et le Sénat une fois, même si la situation peut paraître paradoxale ?
Les arguments avancés étant les mêmes, la commission vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion.
Le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.
Par courtoisie envers Mme Mathon-Poinat, permettez-moi de répondre aux arguments qu’elle a développés au nom du groupe CRC-SPG.
Madame le sénateur, ai-je besoin de vous rappeler que la procédure, dont la dernière étape se déroule actuellement, a été demandée, je dirai même presque exigée, par le Conseil constitutionnel ? Le Gouvernement, vous le savez bien, n’aurait pas proposé au Parlement de procéder à un tel ajustement de la carte des circonscriptions législatives s’il n’y avait pas déjà eu plusieurs rappels à l’ordre, …
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qui n’ont pas été suivis d’effets par les gouvernements de gauche en 1989 et en 1999.
Mme Michèle André s’exclame.
Pouvons-nous donc vraiment attendre encore, et jusqu’à quand, pour que l’une des chambres de notre institution parlementaire renoue avec la légalité ?
Par ailleurs, si cette motion était adoptée, quelle réponse concrète apporteriez-vous au Conseil constitutionnel
Mme Michèle André et M. David Assouline s’exclament
On est d’accord sur le fait qu’il faut faire un redécoupage ! Mais il doit être fondé sur le dernier recensement !
Si cette motion était adoptée, que se passerait-il, très concrètement, en cas de dissolution de l’Assemblée nationale ? Certes, il s’agit vraisemblablement d’une hypothèse d’école, mais cela peut arriver. L’Assemblée nationale serait contrainte de renouveler ses membres dans des circonscriptions non remodelées. Dans une telle hypothèse, imaginez la confusion juridique et institutionnelle, car, je me permets de vous le rappeler, les circonscriptions ont été délimitées à partir d’un redécoupage très lointain, qui date de 1982 !
La France comptait alors 55 millions d’habitants, contre quelque 65 millions aujourd'hui !
En outre, qu’adviendrait-il des députés qui seraient élus, en cas d’élection législative partielle, dans telle ou telle circonscription non conforme à l’article 3 de la Constitution, donc non constitutionnelle et non légale ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite que le Sénat rejette cette motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable se justifie par le fait que vous auriez dû tenir compte des dernières données fournies par l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, qui indique, dans ses dernières publications : « Les populations légales […] 2007 entrent en vigueur le 1er janvier 2010 ».
Très franchement, si vous ne retenez pas ces données chiffrées, nous allons passer pour un pays arriéré ! D’autant qu’il s’agit des populations légales de l’année 2007 ! À l’heure de l’informatique et d’internet, vous ne pouvez pas dire que vous n’avez pas eu connaissance de ces chiffres et que nous devons donc travailler à partir d’autres bases.
En défendant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, Jean-Pierre Sueur a indiqué que vous n’aviez aucune raison de supprimer un poste de député en Seine-Saint-Denis.
Pour ma part, je vous parlerai aussi tout à l'heure de la suppression, dans ma circonscription, d’un poste de député, occupé, comme par hasard, par un élu socialiste, …
… alors que les circonscriptions de droite sont bien évidemment confortées.
Mais je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne m’écoutez pas ! Peut-être que le Conseil constitutionnel, lui, nous écoutera ! En tout cas, j’ose l’espérer.
Dans ces conditions, ce n’est pas la peine que je perde mon temps !
Je mets aux voix la motion n° 3.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP sur la motion n° 3 de Mme Borvo Cohen-Seat et du groupe CRC-SPG tendant à opposer la question préalable.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas surprenant que le découpage électoral effectué en Moselle ait été le centre des débats à l’Assemblée nationale, car la Moselle regroupe, à elle seule, toutes les formes de manipulation que l’on peut imaginer.
Qui plus est, monsieur le secrétaire d'État, la Moselle est même le seul département pour lequel vous avez transmis des chiffres de population totalement faux à la commission de contrôle.
La sous-estimation est d’ailleurs tellement grossière qu’il ne s’agit probablement pas, comme je l’ai souligné tout à l'heure, d’une erreur survenue par hasard ! Bien au contraire, il s’agit d’une approximation délibérée pour masquer le fait que le découpage extravagant réalisé à Metz n’a aucune justification démographique !
Le rapport, en première lecture, de la commission des lois de l’Assemblée nationale comporte, aux pages 95 et suivantes, les observations du Gouvernement concernant les treize départements où celui-ci a rejeté en bloc les remarques de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
C’est à partir de ces observations – donc de vos observations, monsieur le secrétaire d'État ! – que je vais maintenant mettre en évidence les pratiques qui ont conduit à ce découpage.
Dans la ville de Metz, le nouveau découpage se résume à permuter, entre la première circonscription et la troisième, treize bureaux de vote très à gauche contre onze bureaux de vote très à droite.
Plus précisément, monsieur le secrétaire d'État, vous enlevez à la première circonscription, dont le député est votre ami M. Grosdidier, les treize bureaux de vote du premier canton.
Ce canton a pour conseiller général le maire socialiste de Metz ; beaucoup de bureaux de vote y sont à près de 70 % à gauche. En échange, vous transférez au profit de votre ami Grosdidier onze bureaux de vote soigneusement sélectionnés à l’intérieur du canton de Metz III.
Ce sont les plus à droite de toute la ville.
Vous comprendrez que Mme Marie-Jo Zimmermann, la députée UMP qui est victime de cette opération scandaleuse, soit indignée. Vous comprendrez aussi que la commission des lois de l’Assemblée nationale lui ait donné raison en adoptant son amendement rétablissant le statu quo des limites existantes.
C’est le seul cas en France où la commission des lois a désavoué le Gouvernement, car elle a constaté que votre dépeçage à l’intérieur du canton de Metz III n’avait strictement aucune justification démographique. En effet, d’une part, vous vous bornez à une permutation de bureaux de vote, et donc de population, et, d’autre part, l’actuelle circonscription de Mme Zimmermann n’a que 9, 66 % d’habitants de moins que la moyenne départementale ; de ce fait, elle entre très largement dans les critères.
La commission de contrôle vous avait donc, à juste titre, suggéré de rétablir le découpage existant dans Metz. Vous avez refusé de l’écouter, en prétextant qu’un écart de 9, 66 % était excessif.
En revanche, toujours en Moselle, la commission de contrôle vous avait demandé de réduire l’écart démographique de plus de 13 % que vous maintenez à Sarreguemines. Or, là aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez refusé de l’écouter, prétextant qu’un écart de plus de 13 % était tout à fait normal.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
Ainsi, entre le premier et le second paragraphe de vos observations annexées au rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale, vous affirmez tout et son contraire. Quelle bonne foi, monsieur le secrétaire d'État ! Comment pouvez-vous sérieusement prétendre qu’un écart de 9, 66 % est inacceptable à Metz, alors que, dans le même département, à Sarreguemines, vous considérez qu’un écart de 13, 03 % est tout à fait normal ?
Pour couronner le tout, votre acharnement à sélectionner les bureaux de vote de droite est à l’origine d’un découpage au tracé extravagant. En effet, la limite historique entre les première et troisième circonscriptions est parfaitement régulière, puisqu’elle a toujours coïncidé avec le lit de la Moselle. Au contraire, avec votre charcutage, les deux circonscriptions formeront des excroissances enchevêtrées de manière inextricable.
En particulier, les bureaux de vote du canton de Metz III transférés dans la première circonscription formeront une hernie qui lui sera seulement rattachée par une bande de terrain d’environ 200 mètres de large. Cet étranglement correspond à un ancien chemin de halage le long d’un canal désaffecté.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
Monsieur le secrétaire d'État, dans vos observations à la commission des lois de l’Assemblée nationale, vous prétendez que ce découpage est pertinent, puisqu’il s’arrête sur une voie ferrée. Or le fait que le fond de la hernie s’arrête sur une voie ferrée ne justifie absolument pas la création de la hernie, ni a fortiori l’existence des nombreux autres tentacules que forment les deux circonscriptions.
C’est d’autant moins une justification que, de l’autre côté de ladite voie ferrée, les bureaux de vote sont politiquement très à gauche. À l’évidence, si vous avez arrêté le découpage sur la voie ferrée, c’est uniquement pour cette raison politique et certainement pas par souci d’honnêteté.
Monsieur le secrétaire d'État, afin de sauver les apparences, vous auriez dû au moins instaurer une égalité de population quasi parfaite entre la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale. C’était d’autant plus facile que votre découpage passe à l’intérieur du canton de Metz III. Il vous suffisait donc de ne rattacher que le nombre de bureaux de vote nécessaire. Cependant, votre seule finalité était de récupérer tous les bureaux de vote de droite au profit de votre ami le député Grosdidier. Pour cela, vous êtes allé bien au-delà de ce qui était nécessaire en recréant un écart démographique qui, pour le coup, est totalement injustifiable.
Plus précisément, si, au lieu de transférer onze bureaux de vote, vous n’en aviez transféré que sept, l’égalité avec la moyenne départementale aurait alors été parfaite. Or vous avez fait le contraire et, pour essayer de cacher cette turpitude, vos collaborateurs ont inventé de toutes pièces des chiffres de population grossièrement sous-évalués.
Je vais maintenant revenir en détail sur ce vice de forme pour montrer que cette sous-estimation a été délibérée. En effet, votre attitude et celle de vos collaborateurs tout au long de la procédure prouvent que vous saviez très bien ce que vous faisiez.
Dès le départ, monsieur le secrétaire d'État, vous avez caché la vérité, puisque, mis à part votre ami M. Grosdidier, chaque fois qu’un député ou un sénateur de la région messine a contacté votre cabinet pour connaître le tracé exact du charcutage ou la population prise en compte, votre principal collaborateur était prétendument absent.
En réponse à nos nombreux appels téléphoniques, la secrétaire indiquait à chaque fois que ledit collaborateur rappellerait dans la journée, ce que, bien entendu, il ne faisait jamais.
C’est donc la publication de l’avis de la commission de contrôle au Journal officiel du 27 juin 2009 qui nous a enfin permis de connaître le tracé du charcutage et les chiffres de population que vous avez utilisés. La manipulation de ces chiffres était tellement flagrante qu’elle m’a sauté aux yeux le jour même, je dis bien « le jour même » ! Comme je l’ai expliqué en détail dans la discussion générale, il suffisait de faire une simple règle de trois pour constater qu’environ 2 000 habitants avaient mystérieusement disparu dans les chiffres que vous fournissiez.
À nouveau, nous avons alors été plusieurs parlementaires à contacter votre cabinet pour réclamer des explications et de vrais chiffres. Là encore, personne n’a jamais accepté de nous répondre. Nos questions écrites à l’Assemblée nationale et au Sénat n’ont pas non plus obtenu de réponse.
Laissez-moi terminer !
Pourtant, dès le début du mois de juillet, vous disposiez des chiffres exacts de l’INSEE !
Finalement, fin octobre, grâce à la procédure des questions signalées à l’Assemblée nationale, vous avez été acculé à admettre la vérité. Votre réponse publiée le 20 octobre 2009 au Journal officiel de l’Assemblée nationale reconnaît, bon gré mal gré, l’ampleur de la sous-estimation. Vous avez alors essayé de faire croire en votre bonne foi, en précisant que, dès juillet, vous aviez transmis les chiffres exacts au Conseil d’État qui était saisi pour avis.
En croyant bien faire, vous vous êtes tiré une balle dans le pied. En effet, cela prouve qu’en toute connaissance de cause, je dis bien « en toute connaissance de cause », vous avez laissé les députés travailler en première lecture à l’Assemblée nationale sur des chiffres totalement faux, ...
... alors que vous disposiez des bons chiffres dès le mois de juillet ! Vous vous êtes bien gardé de les prévenir de la soi-disant erreur que vous aviez commise à l’insu de votre plein gré.
Ainsi, toute la procédure, depuis l’avis initial de la commission de contrôle jusqu’aux débats en première lecture à l’Assemblée nationale, est entachée d’un vice de forme rédhibitoire. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, il suffisait d’une simple règle de trois pour avoir le chiffre exact de population. Par conséquent, non seulement vous avez effectué une grossière minoration de près de 2 000 habitants, mais, en plus, pendant des mois, je dis bien « pendant des mois », vous avez continué à faire circuler ces faux chiffres, alors que l’INSEE vous avait transmis les données exactes.
Dans toute cette affaire, votre seul objectif est d’avantager votre ami le député Grosdidier. Pour cela, vous voulez empêcher la députée socialiste Aurélie Filippetti de se reporter sur la région messine. Vous voulez l’éliminer complètement, la tuer politiquement.
Par contrecoup, la députée UMP Mme Marie-Jo Zimmermann est la principale victime collatérale de cette manœuvre.
L’incident lors du vote de décembre dernier au Sénat est une chance, car il a entraîné une deuxième lecture. Cela m’a permis aujourd’hui d’expliquer encore mieux les manipulations qui entachent le découpage électoral à Metz. Ces manipulations sont des éléments fondamentaux pour la future saisine du Conseil Constitutionnel.
Avant de conclure, je voudrais rappeler cinq constats.
Premier constat : la Moselle fait partie des treize départements où le Gouvernement n’a absolument pas tenu compte des observations de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
Deuxième constat : la ville de Metz est l’une des vingt et une circonscriptions de France où le Gouvernement est passé outre à une double recommandation, à la fois de la commission de contrôle et du Conseil d’État.
Troisième constat : le découpage à l’intérieur de la ville de Metz est cité par la presse nationale comme l’un des cinq cas les plus flagrants de charcutage. Il en est ainsi du Figaro, du Monde et du Canard enchaîné, lequel indique : « En Moselle, les circonscriptions dessinées par Marleix prennent des allures de fjords norvégiens ou de carte des Balkans. Pour renforcer l’UMP François Grosdidier [...], ce travail de dentelière a été réalisé au détriment de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann ».
Quatrième constat : la ville de Metz est le seul cas en France où le Gouvernement a transmis à la commission de contrôle des chiffres de population inexacts.
Cinquième constat : la ville de Metz est le seul cas en France où la commission des lois de l’Assemblée nationale a désavoué le projet du Gouvernement.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais déplorer le fait que la procédure de découpage dans la région messine ait été complètement dévoyée. Nul ne peut vous reprocher d’être en liaison permanente avec votre ami le député Grosdidier. En revanche, il est inadmissible que la cohérence et l’honnêteté du découpage aient été sacrifiées au profit de ses seuls intérêts.
Ainsi, le jour même de la publication de l’avis de la commission de contrôle au Journal officiel, en l’occurrence le samedi 27 juin 2009, M. Grosdidier convoquait une conférence de presse pour annoncer : « Dès lundi, nous rectifierons les choses. Il est clair que le Gouvernement ne tiendra pas compte de la position de la commission ».
Comment prouver de manière plus flagrante que, depuis le début, c’est lui qui tire toutes les ficelles ? Monsieur le secrétaire d'État, une telle collusion de votre part…
M. Jean Louis Masson. … est inacceptable, d’autant plus que vous connaissez le climat délétère qui règne à Metz. Le lendemain de l’adoption de l’amendement par la commission des lois, M. Grosdidier n’a-t-il pas indiqué sur France 3 Lorraine : « Mme Zimmermann a une circonscription où n’importe qui, avec l’étiquette UMP, même une chèvre, peut se faire élire ».
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Nous connaissons depuis un certain temps déjà les arguments développés.
Je n’aime pas beaucoup que l’on cite des noms ; nous sommes au-delà de ça !
Nous avons refusé tous les amendements après les avoir longuement examinés. Un article additionnel visait même à créer une nouvelle circonscription sans que soit proposée la suppression d’une autre. Comment ferait-on ?
On a beaucoup entendu parler de la Moselle, presque trop de notre point de vue !
Il le restera pour la commission des lois !
En tout état de cause, il ne nous paraît pas justifié de renvoyer le texte à la commission, laquelle va d’ailleurs se réunir dans cinq minutes.
À tous je demande de rejeter cette motion de renvoi à la commission.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
J’ai répondu tout à l’heure dans mon intervention, mais M. Jean Louis Masson n’a pas daigné être présent et donc écouter ma réponse !
Je mets aux voix la motion n° 2.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP…
… sur la motion n° 2 de M. Jean Louis Masson tendant au renvoi à la commission.
Je vous rappelle que la commission a émis un avis défavorable et que le Gouvernement a également émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 128 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le président, j’observe depuis quelques jours que vous-même ainsi que d’autres présidents de séance énoncent désormais, avant la clôture du scrutin, une phrase que je n’entendais pas auparavant et qui ressemble à une formule rituelle : « Chacun a-t-il voté comme il l’entendait ? »
Je souhaiterais que l’on n’énonçât pas cette phrase, parce qu’il va de soi que, dans cet hémicycle, qu’il s’agisse de votes à main levée, de votes à la tribune ou de scrutins publics, chacun vote comme il l’entend, du moins je l’espère ! Or cette phrase laisse supposer que l’on pourrait ne pas avoir voté comme on l’aurait entendu !
C’est arrivé !
Sourires.
Dans notre démocratie, je n’imagine pas que, lors d’une élection municipale ou cantonale, les électeurs puissent s’entendre dire, après avoir déposé leur bulletin de vote dans l’urne : cher concitoyen, avez-vous bien voté comme vous l’entendiez ?
Il y a là quelque chose de superfétatoire ! Les uns et les autres, nous votons librement, comme nous l’entendons, et il n’y a pas lieu de nous interroger sur la sincérité de notre vote après que celui-ci a été émis.
Je me permets de présenter cette observation, car la formule en question est, vous en conviendrez, monsieur le président, tout à fait inutile. Bien qu’elle figure sans doute sur les papiers qui vous sont fournis, je ne sais pas qui a pu prendre une telle décision.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je précise simplement qu’il s’agit d’une précaution visant à éviter toute erreur.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
Je rappelle que la commission des lois se réunit immédiatement pour l’examen des amendements.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.