Le Gouvernement est dans son rôle lorsqu'il s'interroge sur les conséquences stratégiques de telles opérations. Nous ne pouvons donc que le soutenir dans ses démarches pour veiller à préserver l'intérêt national.
Mais convenons qu'un fossé sans doute trop profond s'est creusé entre les épargnants et les entreprises cotées. Des fonds d'investissement se livrent à l'intermédiation, sont à la recherche de valeurs et cèdent bien souvent à la tyrannie du très court terme.
Les questions que nous nous posons mettent en lumière les enjeux de la globalisation de l'économie. Nous avons, me semble-t-il, mis du temps : les pouvoirs publics, les institutions et les économistes ont fait preuve de lenteur pour reconnaître la réalité du phénomène des délocalisations.
Je ne serais donc pas étonné qu'après le temps des délocalisations d'activités et d'emplois, qui étaient présentées comme des chances pour la France, vienne à présent celui des OPA lancées par des acteurs issus des pays émergents. En effet, toutes les délocalisations d'activités finissent par créer de la valeur dans ces pays.
Monsieur le ministre, vous participiez hier à un voyage d'État en Inde aux côtés du Président de la République, qui s'interrogeait sur le niveau des exportations de la France vers ce pays. Mais les grandes sociétés, notamment celles qui sont cotées en bourse, procèdent-elles encore à des exportations ? Mon sentiment est plutôt qu'elles opèrent et produisent aujourd'hui directement dans les pays émergents. Leurs activités et leurs profits sont, pour l'essentiel, constatés hors du territoire national. Les PME constituent donc un véritable sujet.
J'écoutais, voilà quelques jours, le président Carlos Ghosn dévoiler son plan stratégique pour Renault, plan qui a été jugé très positif et prometteur. Or, évoquant les gains de productivité, M. Ghosn précisait que les coûts de production de Renault avaient diminué de 12 % en quatre ans, tandis que les prix facturés par les fournisseurs avaient baissé de 14 % en trois ans. Vous vous êtes certainement interrogé, monsieur le ministre, sur le devenir des sous-traitants de Renault opérant encore sur le territoire national.
S'il n'y a pas de profonde réforme structurelle du droit du travail et du financement de la protection sociale, peut-on continuer plus longtemps à prélever des impôts de production sans prendre le risque d'assister à de nouveaux départs d'entreprises ? Il y a aujourd'hui urgence, me semble-t-il, à mettre nos politiques en cohérence. Oui, nous sommes dans une économie mondialisée ! Nous devons en tirer toutes les conséquences, qu'il s'agisse du droit de l'environnement, du droit du travail ou du financement de la protection sociale.
Les règles du jeu des marchés financiers sont désormais globales et nous devons en prendre acte. Il serait illusoire de croire que nous pouvons les accepter et nous en réjouir lorsqu'elles semblent servir nos intérêts immédiats, par exemple lorsque Arcelor mène à bien une OPA sur Dofasco au Canada, et nous en abstraire ou protester dans le cas contraire.